Dire, ne pas dire

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Alexandra R. (France)

Le 7 janvier 2016

Courrier des internautes

J’ai une question de typographie à laquelle je ne trouve de réponse dans aucun guide.

Elle est très simple : après une énumération qui se termine par des points de suspension, la proposition qui suit doit-t-elle commencer par une capitale ?

Comme dans cet exemple :

« La création des zones de marché, des facteurs guichetiers en zones rurales et la réception des recommandés sur mesure… autant d’exemples concrets qui illustrent cette stratégie. »

Alexandra R. (France)

L’Académie répond :

Les points de suspension, de même que le point d’interrogation et le point d’exclamation, peuvent clore une phrase comme le fait le point. Ils sont alors suivis d’une majuscule marquant le début d’une phrase complète. Mais ils sont évidemment suivis d’une minuscule quand c’est la même phrase qui continue – comme c’est le cas des exemples que vous citez : « Tout le monde a gagné... sauf l’équipe du Brésil ! »

« Tout le monde a gagné sauf... l’équipe du Brésil. » « C’est à ce moment qu’est arrivée... sa femme ! »

Mais : « Tout le monde a gagné... C’est du moins ce que l’on pourrait croire. » « Sa femme est arrivée... Elle n’avait pas l’air contente. »

Brigitte de M. (France)

Le 7 janvier 2016

Courrier des internautes

On entend de plus en plus souvent des formules comme « au niveau du goût, au niveau du prix, au niveau de la durée », etc. Est-ce que c’est correct ?

Étant étrangère, j’ai appris en classe : concernant ou en ce qui concerne. Est-ce que « au niveau » est plus savant ou plus « chic » ?

Brigitte de M. (France)

L’Académie répond :

Vous avez raison : la locution au niveau de ne s’emploie qu’au sens propre pour signifier à la hauteur (la fuite se trouve au niveau de la soudure). On peut l’employer au figuré mais pour exprimer une comparaison entre deux choses, toujours avec cette idée de hauteur : ses mérites ne sont pas au niveau de ses prétentions. Pour le reste, on emploiera en ce qui concerne, pour ce qui touche, du point de vue de, en matière de, quant à, sur le plan de, etc.

Histoire de au sens de Pour

Le 4 décembre 2015

Emplois fautifs

La locution prépositive histoire de signifie « sans autre intention que de, simplement pour » : J’ai répondu cela histoire de dire quelque chose. Elle se rencontre d’ailleurs souvent dans l’expression histoire de rire, pour indiquer que telle ou telle action n’a d’autre but que de distraire, expression dont Armand Salacrou fit le titre d’une de ses pièces, en 1939. Si l’on peut admettre dans une langue familière des tournures avec histoire de pour parler de sujets légers, comme dans Je passerai histoire de prendre un verre ou Il est venu histoire de causer de ses affaires, on refusera d’employer cette forme pour des sujets plus graves, et ce, particulièrement à l’écrit ou dans une langue orale soignée. On ne dira donc pas Les présidents se sont rencontrés histoire d’évoquer l’avenir de la planète.

Sauf que au sens de Mais

Le 4 décembre 2015

Emplois fautifs

La locution conjonctive sauf que signifie « à cette exception près que, si ce n’est que ». On peut donc dire Il est bien remis de son accident, sauf qu’il se fatigue rapidement. Mais trop souvent on est passé, insensiblement, d’une légère restriction à la négation du fait envisagé. Il s’agit d’une faute à éviter et l’on se gardera bien de donner à sauf que le sens de la conjonction de coordination à valeur d’opposition « mais ».

on dit

on ne dit pas

Je voulais aller à Paris mais mon train a été annulé

Il aurait aimé acheter ce livre, mais il avait oublié son portefeuille

Je voulais aller à Paris sauf que mon train a été annulé

Il aurait aimé acheter ce livre sauf qu’il avait oublié son portefeuille

 

Daniel F. (France)

Le 4 décembre 2015

Courrier des internautes

Comment expliquer aux enfants apprenant le français que l’on ne prononce pas ER de la même façon dans les mots : mer et pêcher (arbre).

Quelle origine des mots explique cela ?

Daniel F. (France)

L’Académie répond :

En ce qui concerne mer et pêcher, on peut l’expliquer par l’étymologie. Mer est issu du latin mare ; le e final est tombé et ensuite a est passé à e. Le r était toujours prononcé et il a eu une influence ouvrante sur la voyelle (il a empêché que l’on prononce é plutôt que è.)

Pour pêcher, il s’agit d’un suffixe -er, déjà prononcé é que l’on a ajouté au nom pêche.

D’autre part, dans les noms monosyllabiques terminés par -er (éventuellement suivi d’une autre consonne), le r se prononce et le e est ouvert (è) : ber, cerf, serf, der, fer, Gers, mer, nerf, perd (il), sert (il), ter, ver.

Apocope, vous avez dit apocope ?

Le 5 novembre 2015

Bloc-notes

Frédéric Vitoux
Apocope, vous avez dit apocope ?

Longtemps, je me suis enchanté des noms en apparence extravagants que portent la plupart des figures de style ou de rhétorique : l’anacoluthe et la catachrèse, l’antanaclase et l’épanalepse, la synecdoque et la paronomase, l’homéotéleute et l’anaphore, j’en passe et des meilleurs. Certains auraient mérité de faire partie de la collection des jurons propres au capitaine Haddock. Je pense particulièrement à deux d’entre eux, l’apocope et l’aphérèse, que nous employons à tout bout de champ, sans même le soupçonner, à la façon dont monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.

Si j’écris cette simple phrase, par exemple : le prof de gym a sifflé l’heure de la récré, j’ai convoqué déjà trois apocopes. Et si j’ajoute : en bus, en car, en vélo ou en métro, les candidats au bac sont rentrés chez eux voir la télé ou se sont retrouvés au ciné, revoici cinq apocopes et deux aphérèses qui pointent le bout de leur nez.

L’apocope, on l’a compris, est le retranchement d’un son, ou bien d’une ou de plusieurs syllabes, à la fin d’un mot : prof pour professeur, gym pour gymnastique, télé pour télévision, bac pour baccalauréat, par exemple.

L’aphérèse, en revanche, consiste à retrancher une lettre, ou bien une ou plusieurs syllabes, au commencement d’un mot : bus pour autobus, car pour autocar, de même que l’on disait autrefois familièrement les Ricains pour les Américains…

Ce qui est curieux, c’est que l’aphérèse vient du grec aphairesis, qui signifie « action d’enlever », de même que l’apocope dérive du grec apokopê, qui signifie pareillement « action de retrancher », sans qu’il soit précisé, dans ces deux étymologies, le bout par lequel on retire ou retranche une partie du mot. Pourquoi l’apocope désigne-t-elle le retranchement de la fin d’un mot, et l’aphérèse le retranchement du début de celui-ci ? Leur étymologie, encore une fois, ne semble pas le préciser.

À propos du grec et des apocopes, permettez-moi, pour conclure, d’évoquer une anecdote qui serait peut-être une indiscrétion si nous ne restions pas ici, entre nous, dans un cadre strictement académique, n’est-ce pas ? Elle a trait à Jacqueline de Romilly, la grande helléniste restée si chère au cœur de beaucoup d’entre nous. C’était il y a dix ou douze ans environ. J’assistais à l’une de mes premières séances de travail du Dictionnaire, avec la timidité que l’on devine.

Le mot étudié était « récréation ».

Divers académiciens précisaient ou enrichissaient la définition ou le juste emploi du terme. Je crois que c’est Jean-François Revel qui suggéra alors que l’on pourrait peut-être, sous la rubrique « fam. » (pour familier), signaler tout de même, dans cet article, l’emploi courant du terme récré : la cour de récré, l’heure de la récré, etc. Sa proposition allait être adoptée quand Jacqueline de Romilly demanda la parole et, avec l’énergie ou la véhémence qui lui était coutumière, s’insurgea contre la suggestion de son confrère. Non, elle ne voulait pour rien au monde entendre parler de récré.

Si l’on commençait, nous dit-elle en substance, à faire entrer les apocopes dans notre Dictionnaire, on n’en finirait plus. La géo pour la géographie, un hebdo pour un hebdomadaire pendant qu’on y était ! Quiconque verrait le mot récré dans un texte comprendrait sans mal qu’il s’agissait de l’apocope de récréation, inutile de lui conférer en prime d’inutiles lettres de créance.

Une discussion passionnée s’ensuivit entre les tenants et les adversaires de récré. Certaines apocopes avaient acquis leurs lettres de noblesse, certes, ou leur parfaite autonomie. Le cinéma, le métro ou le vélo. Qui parle encore de cinématographe, de métropolitain (voire de chemin de fer métropolitain) ou de vélocipède ? Mais récré était-il d’un usage courant ou quasiment autonome ? Non.

Au bout d’une demi-heure, il fallut trancher par un vote. Jacqueline de Romilly l’emporta, qui avait rallié à sa cause une majorité des présents. La récré n’allait pas figurer dans la neuvième édition de notre Dictionnaire.

J’étais ébahi. Mes nouveaux confrères, un Prix Nobel de biologie-médecine, des professeurs au Collège de France, des anciens ministres, des romanciers, philosophes et autres historiens de renom, pouvaient ainsi consacrer plus d’une demi-heure de leur temps à se disputer, avec autant d’énergie que de courtoisie, à propos d’un simple mot et d’une figure de rhétorique ! Où diable me trouvais-je ?

La réponse s’imposait : dans un refuge de haute civilisation. Je sais gré à Jacqueline de Romilly et au mot « apocope » de me l’avoir révélé ce jour-là.

 

Frédéric Vitoux
de l’Académie française

Cela ne serait tarder pour Cela ne saurait tarder

Le 5 novembre 2015

Emplois fautifs

Depuis longtemps déjà, la proximité phonétique entre les formes de futur et de conditionnel des verbes être et savoir entraîne des confusions : on entend et on lit trop souvent je vous serais gré au lieu de je vous saurais gré. Mais, récemment, cette erreur s’est aussi étendue à la construction du verbe savoir suivi d’un infinitif. Si cette faute ne se rencontre ni au présent ni à l’imparfait, on commence malheureusement à entendre, et aussi à lire, pour Cela ne saurait tarder, des phrases comme Cela ne serait tarder, phrases qu’il convient de bannir à toute force.

On dit

On ne dit pas

Bon sang ne saurait mentir

En espérant que ma demande saura retenir votre attention…

Bon sang ne serait mentir

En espérant que ma demande sera retenir votre attention…

De manière à ce que…

Le 5 novembre 2015

Emplois fautifs

Si la locution prépositive de manière à, que l’on construit avec un infinitif, et la locution conjonctive de manière que, que l’on fait suivre d’une proposition subordonnée, sont l’une et l’autre parfaitement correctes, l’étrange monstre qui résulte de leur croisement, de manière à ce que, lourd et inutile, est à éviter. On le remplacera donc, en fonction du contexte, par les formes de manière à ou de manière que ; et l’on se souviendra que cette remarque s’applique également aux locutions de façon à, de façon que qu’il faut employer en lieu et place de de façon à ce que.

On dit

On ne dit pas

Il a parlé de manière à convaincre le juge
 

Serrez-vous de manière, de façon que tous puissent s’asseoir

Il a parlé de manière à ce que le juge soit convaincu

Serrez-vous de manière, de façon à ce que tous puissent s’asseoir

Se revendiquer de pour Se réclamer

Le 5 novembre 2015

Emplois fautifs

Les verbes revendiquer et réclamer ont des sens proches quand ils sont employés avec un complément d’objet direct, même si revendiquer a le plus souvent comme objet ce dont on est propriétaire et qu’un autre a usurpé, ou ce qui est légitimement dû : revendiquer un héritage, un droit. Mais si réclamer se rencontre à la forme pronominale avec le même sens et la même construction que se prévaloir — Il se réclame, il se prévaut de votre protection —, se revendiquer ne peut, lui, être construit avec cette préposition de et un complément d’objet indirect. Il ne s’emploie en effet qu’avec la préposition comme et avec le sens de « s’affirmer comme, vouloir être reconnu comme » : Il se revendique comme poète avant tout.

On dit

On ne dit pas

Il se réclame d’une longue tradition

Se réclamer de ses ancêtres

Il se revendique d’une longue tradition

Se revendiquer de ses ancêtres

Assertif au sens d’Assuré

Le 5 novembre 2015

Extensions de sens abusives

L’adjectif assertif appartient au domaine de la logique et de la linguistique ; il signifie dans un cas « qui exprime une vérité de fait », (un jugement assertif) et dans l’autre « qui exprime une assertion », (une proposition assertive). On se gardera bien d’ajouter à ces sens ceux de « péremptoire, cassant » ou d’« assuré », qu’il n’a pas, mais qui sont des emprunts fautifs à l’anglais assertive.

On dit

On ne dit pas

Parler d’un ton péremptoire

Avoir un caractère très affirmé

Parler d’un ton assertif

Avoir un caractère très assertif

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