Bonjour,
Je tiens une rubrique dans mon journal scolaire intitulée « Le Mot du Numéro ». Dedans, je fais découvrir aux lecteurs des mots peu courants comme essoriller, ophicléide, et cætera. J’ai entendu parler du verbe blézimarder, qui, sauf erreur de ma part, n’existe plus. Je souhaiterais en parler dans ma rubrique, mais je dispose d’assez peu d’informations, et j’ai du mal à le trouver dans les différentes éditions de votre Dictionnaire. Pourriez-vous m’en apprendre un peu sur ce verbe ? Je vous en serai reconnaissant.
Owen S.-B.
L’Académie répond :
Monsieur,
Avant toute chose, nous tenons à vous féliciter pour cette très belle initiative. Blézimarder est effectivement un verbe très rare. Le seul dictionnaire, à ma connaissance, qui le mentionne est celui de Littré, qui le présente comme « Terme d’argot de théâtre » et le définit en citant une phrase de Jules Prével, tirée d’un article paru dans Le Figaro du 31 juillet 1876 (le texte repris par Littré figure en italique dans l’extrait ci-dessous) : « Les acteurs qui habitent la campagne ne sont pas moins curieux à étudier. Ils ont chaque soir la crainte de manquer le train qui les ramène chez eux. Si un incident quelconque prolonge les entr’actes, ils usent d’un moyen que le public ne connaît pas. Pour rattraper le temps perdu, ils blézimardent ! Blézimarder signifie se couper mutuellement les répliques, empêcher son voisin de dire sa phrase, émonder le dialogue comme un jardinier émonde un arbre à grands coups de serpe. Il en résulte que les spectateurs, ne comprenant plus grand’chose à la pièce, la trouvent absurde et s’en vont en regrettant leur argent. Mais qu’importe à l’artiste ? Ce n’est pas à l’interprète que le public en voudra, et il aura pu, lui, l’artiste, rentrer un quart d’heure plus tôt. Je ne veux pas dire que tous les théâtres en sont là. Il serait difficile de blézimarder dans Les Huguenots ou dans L’Étrangère. »