Dire, ne pas dire

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Gilles G. (Canada)

Le 5 juillet 2018

Courrier des internautes

La partie postérieure des fosses nasales s’appelle : « choane ». Selon le Petit Larousse le ch se prononce « k » et non pas « ch » comme dans chouette. Le mot proviendrait du grec khoanos qui veut dire « entonnoir » et serait masculin. Dans le Robert le mot serait toujours féminin pluriel ?

Nos ORL utilisent « Choane » au féminin et prononcent le « ch » comme « chouette » et non pas un « k ». Je leur ai dit qu’ils enseignent à une génération d’ORL québécois une mauvaise prononciation ; quant au genre, il y a de la confusion mais je crois que « choane » est masculin et peut être au singulier.

Je leur ai promis de vous écrire pour mettre cela au clair.

J’attends de vos nouvelles.

Merci beaucoup.

Gilles G. (Canada)

L’Académie répond :

Monsieur,

Le nom choane apparaît pour la première fois en 1546 dans le Tiers livre, de Rabelais. On y lit ceci :

« ... de quelque bassin ; que les anciens ont appelé Choane ou Entonnoer a raison qu’il s'amenuyse & s'avalle peu a peu tousiours en descendant & est percé par le bout ainsy qu’ung entonnoer : auquel bout se trouve une manifeste cavité comme de quelque ventricule submis audict bassin dens lequel ladicte glande est receue au dessus de l’os qu’avons dit avoir facon d’ung crible se rapportant au nez & au palais ; [...] a la cavité de la glande subiecte & submise a ladicte choane... ».

Le texte de Rabelais nous apprend que l'emploi le plus ancien de ce nom est un emploi au féminin et que ce nom peut se rencontrer au singulier.

Le grec khoanos, qui est masculin, a surtout le sens de creuset ; c'est le féminin khoanê, ou sa forme contractée, khônê, qui signifie entonnoir.

En ce qui concerne la prononciation, le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse note que cho- se prononce ko-. On suivra sa recommandation.

Argumentez votre point de vue

Le 7 juin 2018

Emplois fautifs

Aujourd’hui, le verbe argumenter est intransitif : on argumente pour ou contre quelqu’un, pour ou contre une proposition ; on le trouve aussi parfois absolument avec le sens de « discuter sans fin ». Ce verbe avait cependant jusqu’au xixe siècle un emploi transitif et, dans ce cas, le complément d’objet direct était la personne à laquelle on s’opposait : Argumenter quelqu’un, nous dit Littré signifie « lui adresser des arguments » ; il existe aussi de cet emploi des formes pronominales. On lit ainsi dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau : « On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre; [on] n’a qu’à mettre ses mains sur ses oreilles et s’argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l’identifier avec celui qu’on assassine. L’homme sauvage n’a point cet admirable talent ; et faute de sagesse et de raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au premier sentiment de l’humanité. » Mais, de nos jours, ces tours ne sont plus en usage et s’il en subsiste quelque trace, c’est dans des formes passives, senties comme adjectivales, comme dans : Un discours bien argumenté, une copie mal argumentée. On évitera de dire, ce qui commence hélas à s’entendre : Argumentez votre point de vue.

On dit

On ne dit pas

Argumentez pour défendre vos idées

Argumentez vos idées

Académique pour Universitaire

Le 7 juin 2018

Extensions de sens abusives

L’adjectif académique signifie « propre à la philosophie platonicienne », mais aussi « relatif à une académie ». On parle ainsi de séance, d’élection ou de discours académique. Cet adjectif a encore pour sens « conforme aux règles, aux usages, au point d’être conventionnel ». Enfin, dans le domaine de l’enseignement, il signifie « qui a rapport à une académie », c’est-à-dire, à une circonscription universitaire placée sous l’autorité d’un recteur : Les bureaux de l’inspection académique. Il convient de ne pas ajouter à ces significations l’une de celles de l’anglais academic, c’est-à-dire « universitaire ». On ne dira donc pas « Des travaux académiques de premier ordre », mais « Des travaux universitaires de premier ordre », bien que, malheureusement, ces tours soient en train de se répandre.

Dernièrement pour Enfin, en dernier lieu

Le 7 juin 2018

Extensions de sens abusives

Dans son Thresor de la langue francoyse tant ancienne que moderne, Jean Nicot écrivait déjà au sujet de dernièrement : « Est adverbe de ce mot Dernier, et signifie non en dernier lieu, ains (mais) au dernier temps. » Il était suivi en cela par l’Académie française, dans la première édition de son Dictionnaire, où l’on pouvait lire : « Dernierement : Adverbe de temps, Depuis peu, il n’y a pas long-temps. Il arriva dernierement un estrange accident ». Cet emploi est très ancien et se rencontrait dès le xiiie siècle, chez Philippe de Beaumanoir dans ses Coutumes de Beauvaisis : « Et avint après ce que le [la] feme, derrainement espousée du chevalier, morut. » Force est donc de constater que le couple dernier/dernièrement a un fonctionnement différent de premier/premièrement, puisque dernièrement ne peut signifier « en dernier lieu ». Certains auteurs ont essayé, au début du xixe siècle en particulier, de donner ce sens à dernièrement ; parmi les plus illustres, on trouve Chateaubriand ou Mme de Staël, qui écrit dans De l’Allemagne : « La langue allemande, depuis mille ans, a été cultivée d’abord par les moines, puis par les chevaliers, puis par les artisans tels que Hans Sachs, Sébastien Brand, et d’autres, à l’approche de la Réformation, et dernièrement enfin par les savants, qui en ont fait un langage propre à toutes les subtilités de la pensée. » Mais force est de constater que cet emploi ne s’est pas ancré dans l’usage ; on emploiera donc dernièrement avec le sens de « récemment » et non d’« en dernier lieu ».

On dit

On ne dit pas

Et, enfin, faites cuire pendant trente minutes


En dernier lieu, relisez soigneusement votre devoir

Et, dernièrement, faites cuire pendant trente minutes

Dernièrement, relisez soigneusement votre devoir

Raphaël D. (France)

Le 7 juin 2018

Courrier des internautes

Bonjour,

Beaucoup de personnes autour de moi soutiennent que l’utilisation de « ou » avec « sinon » est incorrecte (par exemple : « On pourrait la peindre en bleu, ou sinon en rouge... »).

Moi-même peu convaincu de cette expression, (elle me semble plus orale qu’écrite, et encore...), j’aimerais avoir votre avis sur la question.

Merci.

Raphaël D. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

L’emploi de « ou sinon » n’est nullement incorrect, même si ou, dans le cas que vous citez, est effectivement pléonastique.

On trouve par exemple chez Camus « Et la première façon de vous rendre utile dans ces terribles circonstances, c’est de bien faire votre travail. Ou sinon, le reste ne sert à rien ».

Ou sinon peut être remplacé par ou bien, mais il faut cependant noter que sinon, qui signifie « si ce n’est pas le cas », est employé pour marquer l’alternative négative d’un précédent énoncé positif. Ou bien ne marque pas une alternative aussi radicale ; c’est pourquoi il ne peut pas toujours être remplacé par ou sinon.

Cordialement.

Extension du domaine du « E » muet

Le 4 mai 2018

Emplois fautifs

Il existe en français un e dit muet, que l’on appelle aussi instable ou caduc. Il est noté par la lettre e et n’est pas accentué. Ce e muet ne se prononce pas à la finale d’un mot sauf parfois en poésie, quand il est à l’intérieur d’un vers et suivi d’un mot commençant par une consonne ou un h aspiré. Ainsi, dans le premier vers de La Beauté, de Baudelaire : Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, les e finaux de belle et de comme ne se font pas entendre, contrairement à celui de rêve. Dans la langue courante, ce e peut tomber aussi à l’intérieur d’un mot ; ainsi petit peut se prononcer « p’tit » ; je le sais, « je l’sais » ou melon, « m’lon ». Ces prononciations familières ne sont pas incorrectes. Mais on se gardera bien d’étendre ce système d’élision à des formes notées par eu. On ne prononcera donc pas déj’ner le mot déjeuner, et, en dehors du cas où la sagesse normande se fait l’héritière du scepticisme pyrrhonien en montrant avec son fameux p’têt ben que oui, p’têt ben qu’non, qu’il existe des propositions indécidables, on dira toujours peut-être et non p’têt.

 

On dit

On ne dit pas

Le petit déjeuner

Il viendra peut-être demain

Le petit déj’ner

Il viendra p’têt’ demain

Les trombes d’eau qu’il a plu, L’idée qu’il m’est venu

Le 4 mai 2018

Emplois fautifs

Nous avons signalé plusieurs fois dans cette même rubrique l’erreur consistant à ne pas accorder certains participes passés qui devraient l’être. Mais cette erreur a son pendant, qui consiste à faire des accords qui n’ont pas lieu d’exister. Cela arrive assez souvent quand des phrases où le pronom il est sujet apparent, comme dans il est venu des gens ou il est arrivé une catastrophe, sont à un temps composé et que le sujet réel est antéposé ; ainsi dans les gens qu’il est venu ne sont pas restés ou la catastrophe qu’il est arrivé les a tous abattus, le pronom relatif qu’, qui reprend les noms « gens » et « catastrophe », n’est pas le complément d’objet direct du verbe, mais son sujet réel. On écrira donc Tous les efforts qu’il a fallu ou Les heures qu’il lui a manqué et non Tous les efforts qu’il a fallus ou Les heures qu’il lui a manquées. Le fait d’accorder ou non le participe permet d’ailleurs de signaler que l’on a affaire à un emploi personnel ou impersonnel de tel ou tel verbe. On distinguera ainsi la tournure impersonnelle du verbe prendre dans l’idée qu’il lui a pris, c’est-à-dire « l’idée qui s’est manifestée soudainement chez lui », de la tournure personnelle dans l’idée qu’il lui a prise, c’est-à-dire « l’idée qu’il lui a volée ».

 

On écrit

On n’écrit pas

Les trombes d’eau qu’il a plu

L’idée qu’il m’est venu

Les trombes d’eau qu’il a plues

L’idée qu’il m’est venue

Sous un tunnel ou Dans un tunnel ?

Le 4 mai 2018

Emplois fautifs

Nous avons emprunté à nos amis anglais le mot tunnel. Ceux-ci l’avaient tiré, après en avoir modifié la forme et ce qu’il désignait, du nom français tonnelle. Aujourd’hui, au sens propre, un tunnel est une voie de communication percée sous une montagne, comme le tunnel du mont Blanc, un cours d’eau, ou même une mer, comme le tunnel sous la Manche. Quand on emprunte ces voies de communication on est sous l’obstacle, mais à l’intérieur de l’ouvrage d’art, aussi ne dit-on pas entrer, circuler sous un tunnel, mais bien entrer, circuler dans un tunnel.

À date au sens d’À ce jour, pour l’instant

Le 4 mai 2018

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Les mots à date se rencontrent dans des groupes nominaux comme à date fixe, à date régulière, à date ancienne, etc., et ces emplois sont réguliers ; mais il faut bien se garder de faire d’à date une locution adverbiale à laquelle on donnerait le sens de « pour l’instant » ou d’« à ce jour ».

On dit

On ne dit pas

Pour l’instant les travaux ne sont pas terminés

À date les travaux ne sont pas terminés

Agenda au sens de Programme

Le 4 mai 2018

Extensions de sens abusives

Le nom agenda désigne un registre, un carnet comportant un calendrier et dans lequel on inscrit pour chaque jour ce que l’on se propose de faire.

On évitera d’ajouter à ce sens celui de programme, c’est-à-dire la suite d’actions qu’on s’impose d’accomplir dans un but donné, le plan que l’on a établi à l’avance ; en effet, employer agenda en ce sens est un anglicisme.

On dit

On ne dit pas

Quel est le programme du ministre pour la semaine ?

Quel est l’agenda du ministre pour la semaine ?

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