Dire, ne pas dire

Recherche

Un virage à 360 °

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Bien souvent l’emphase est le résultat d’une crainte de ne pas réussir à donner à ses paroles ou à ses écrits toute la force expressive que l’on souhaiterait y mettre. Pour pallier ce manque, on use et abuse de termes à valeur superlative, mais il arrive que, même dans ce cas, les mots ne semblent pas suffisants. Ce que les lettres ne peuvent donner, on le demande alors aux chiffres, avec des résultats parfois surprenants. Ainsi, certains, pour évoquer des individus à l’attitude louvoyante et qui se renient, emploient une image qui emprunte à la conduite et à la géométrie, et parlent de virage à 360 °. Mais la géométrie nous enseigne qu’après avoir effectué ce type de virage, on se retrouverait à son point de départ et dans la même direction, quand celui qui, plus modestement, se contenterait d’un virage à 180 °, ferait bien ici demi-tour.

La question est répondue

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le verbe répondre se construit ordinairement avec deux compléments, un complément direct et un complément indirect : on répond quelque chose à quelqu’un. Il peut arriver que le nom de la personne à qui l’on répond soit remplacé par des noms comme question, interrogation, etc. : Elle a bien répondu à nos questions comme Elle a bien répondu à Pierre. Ici, les noms questions et Pierre sont les complément indirects de répondre, verbe qui, dans ce cas, n’a pas de complément direct et ne peut donc se mettre à la voix passive. On évitera donc des phrases comme la question est répondue, qui, malheureusement, commencent insidieusement à se répandre.

Martyrologe

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Les noms en -loge sont peu nombreux en français. Quelques-uns, très fréquents, comme loge ou horloge, ne posent pas de problème de prononciation, mais il en est d’autres, plus rares, qui, sans doute sous l’influence des mots en -logue, sont parfois source d’erreur. C’est le cas pour martyrologe (que l’on trouve d’ailleurs parfois écrit, faussement, martyrologue). Ce nom désigne un catalogue où furent inscrits les noms des martyrs de l’Église primitive, et dans lequel on a inséré au fil du temps les noms des autres saints dont l’Église fait commémoration. On y apprend par exemple que « quarante soldats Cappadociens de Sébaste [Apollinaire évoque leur triste sort dans La Chanson du mal-aimé] du temps de l’Empereur Licinius sous le Président Agricolaüs, après avoir été chargez de chaînes & mis dans des cachots pleins d’infection, après avoir eu le visage meurtry de pierres, furent dans le temps le plus froid de l’hyver exposez tout nuds à l’air sur un étang glacé durant toute une nuit, où leurs corps transis s’en alloient par pieces » et mille autres anecdotes et faits passionnants. Il n’en reste pas moins que, conformément à l’écriture, et bien qu’il désigne une forme de catalogue, ce nom se prononce comme horloge.

Un autoroute

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le nom autoroute nous vient de l’italien autostrada ; on l’a d’abord rencontré sous la forme, aujourd’hui obsolète, autostrade, qui était une simple transcription de l’italien, avant que le second élément, strade, qui n’avait pas d’existence autonome dans notre langue ne soit remplacé par route. Les noms italien autostrada et français autoroute sont féminins, comme le sont les éléments qui les composent, auto, forme abrégée d’automobile, et strada ou son équivalent français, route. Pourtant, on entend, ou on lit parfois, un autoroute. C’est une erreur et c’est bien une autoroute qu’il faut dire et écrire

on dit

on ne dit pas

La bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute

Les autoroutes sont plus sûres, mais elles sont onéreuses

La bande d’arrêt d’urgence d’un autoroute

Les autoroutes sont plus sûrs, mais ils sont onéreux

Une horaire

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le nom horaire est attesté en français depuis le xixe siècle. C’est un emprunt de l’italien orario, de même sens. Comme orario, horaire est un nom masculin. Pourtant, on commence, à tort, à faire de ce nom un féminin. Peut-être est-ce parce que ce dernier s’emploie avec l’article défini élidé, ce qui fait oublier son genre, ou parce qu’il s’emploie souvent au pluriel et que la marque de pluriel écrase celle des genres, les articles les et des étant épicènes. Peut-être est-ce aussi par analogie avec le nom féminin horloge ? Qu’importe ! La règle et l’usage veulent le masculin. 

on dit

on ne dit pas

L’horaire sera inscrit sur le tableau

Avoir des horaires irréguliers

L’horaire sera inscrite sur le tableau

Avoir des horaires irrégulières

De cela, j’en suis fier

Le 2 juillet 2020

Emplois fautifs

Le pronom en remplace un complément introduit par la préposition de : Il est amoureux de la princesse, il en est amoureux ; Il revient de la ville, il en revient ; Il a peur des serpents, il en a peur. Ce pronom en remplace un nom introduit par la préposition de. On doit alors éviter la redondance qui consisterait à reprendre par le pronom en un complément déjà introduit par cette préposition. On ne dira donc pas : de cela, j’en suis fier, mais : de cela, je suis fier ou : cela, j’en suis fier.

on dit

on ne dit pas

De cette action, il avait honte ou Cette action, il en avait honte

De ce beau jeune homme, elle s’était éprise ou Ce beau jeune homme, elle s’en était éprise

De cette action, il en avait honte


De ce beau jeune homme, elle s’en était éprise

Entendable

Le 2 juillet 2020

Emplois fautifs

Il arrive parfois en français que des adjectifs marquant la possibilité viennent de deux verbes ayant le même sens, un verbe latin et un verbe français. C’est le cas pour le couple croyable/crédible. Le premier est dérivé de croire ; le second, emprunté du latin credibilis, « que l’on peut croire », l’est de credere. On a peu ou prou le même cas avec les formes buvable, tiré de buv-, qui vient de boire, et potable, emprunté du latin potabilis, « qui peut être bu », dérivé de potare. Mais, généralement, il n’y a qu’une forme adjectivale, venant tantôt d’un verbe français, et tantôt d’un verbe latin. Ainsi, à l’idée d’« entendre » correspond l’adjectif audible, emprunté du latin chrétien audibilis, lui-même tiré de audire, « entendre ». On veillera bien à ne pas employer, en lieu et place de cet adjectif, le barbarisme entendable.

on dit

on ne dit pas

Des propos difficilement audibles

Des ultrasons audibles par les chiens

Des propos difficilement entendables

Des ultrasons entendables par les chiens

Je vous remercie à tous, je vous salue à tous

Le 2 juillet 2020

Emplois fautifs

L’interjection merci se construit de manière indirecte par l’intermédiaire de la préposition à : Merci à vous ; merci à Rémy, ou de façon directe : Merci, mon ami ; merci, cher Bernard. Il n’en va pas de même du verbe remercier qui, lui, se construit directement : Je remercie Pierre, je le remercie. Nous retrouvons la même construction avec les nom et verbe salut et saluer. Si, en effet, on peut dire : Salut, mon bon ami ou : Salut à tous, le verbe saluer ne peut se construire que directement : Je salue Jean-Luc, je le salue. Construire indirectement les verbes remercier et saluer serait donc une faute.

on dit

on ne dit pas

Je vous remercie tous

Je vous salue tous

Je vous remercie à tous

Je vous salue à tous

Un diagnostic ou Un diagnostique

Le 2 juillet 2020

Emplois fautifs

Les mots terminés par -tic sont peu fréquents en français. Parmi ceux-ci figure le nom diagnostic, que l’on se gardera bien de confondre avec l’adjectif homonyme diagnostique. L’on écrira : un diagnostic difficile à établir, ce médecin a un diagnostic très sûr, mais : les signes diagnostiques de la tuberculose. Qui ferait la confusion pourrait se dire qu’il est venu trop tard au monde puisque l’on pouvait encore lire dans la septième édition de notre Dictionnaire (1878), à l’article Diagnostique : « Il est aussi substantif masculin. Cet enfant a tous les diagnostiques de la petite vérole. Cet emploi vieillit. » On observe un flottement assez semblable dans le couple pronostic/pronostique. L’adjectif fut d’abord employé dans Le Quart Livre par Rabelais, qui était aussi médecin, où l’on rencontre l’expression signes prognosticz. On trouve l’adjectif sous la forme prognostique dans les sixième et septième éditions de notre Dictionnaire et, enfin, sous la forme pronostique aujourd’hui. Le nom, beaucoup plus ancien, a connu semblables variations : on écrivait pronostique au xiiie siècle.L’Académie française employa ensuite pronostic (de 1694 à 1798), prognostic (de 1835 à 1878) et, de nouveau, pronostic (depuis 1935). Ce sont donc ces dernières formes, sanctionnées par un siècle d’usage, qu’il convient d’employer.

on écrit

on n’écrit pas

Une erreur de diagnostic

Une erreur diagnostique

Le pronostic est difficile à établir

Une erreur de diagnostique

Une erreur diagnostic

Le pronostique est difficile à établir

Être pour Aimer

Le 11 juin 2020

Emplois fautifs

Depuis plusieurs années, on rencontre fréquemment le verbe être employé avec le sens d’« aimer, être friand de, être amateur de », et ce, particulièrement dans des systèmes d’opposition. Il semble que ce soit d’abord au sujet de la nourriture que l’on a rencontré ces formes : Il n’est pas très vin rouge, il est plutôt vin blanc ; je ne suis pas dessert, je suis plutôt fromage. Ce tour, ignoré par nos amis allemands, italiens ou espagnols, s’est généralisé par la suite : Elle n’est pas très plage. S’il n’est pas absolument condamnable en soi, cet emploi très familier d’être pour « aimer » est à manier avec précaution : une phrase comme Je ne suis pas très légumes n’est pas choquante mais on évitera des tours comme Je ne suis pas très agneau, je suis plutôt porc. Et qui parlerait de ses goûts artistiques pourrait être taxé d’orgueil s’il disait Je ne suis pas très Maupassant, je suis plutôt Flaubert.

Pages