Dire, ne pas dire

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Jean-Loup B. (Rodez)

Le 2 février 2023

Courrier des internautes

Bonjour,

Je suis lycéen et j’aimerais savoir si la tique pique ou mord.

Merci

Jean-Loup B. (Rodez)

L’Académie répond :

La tique se nourrit du sang de son hôte grâce à un organe particulier qui s’enfonce dans la peau et que l’on nomme le rostre. Ce dernier est composé de deux appendices terminés par des crochets qui se déploient sous la peau et servent d’ancrage à la tique, mais aussi d’une gouttière semblable à un harpon et qui sert à aspirer le sang.

Ainsi, comme le moustique, la tique enfonce ses pièces buccales sous la peau et aspire le sang de son hôte. Il s’agit donc bien au sens strict d’une piqûre, étant donné que le processus ne met véritablement en jeu ni mâchoire ni dentition.

Néanmoins, dans la langue courante, il n’est pas rare de trouver le terme morsure pour parler des blessures infligées par des animaux qui, en réalité, piquent. On trouve dans le Dictionnaire de l’Académie française, à l’article Morsure, l’exemple morsure de puce alors que cet animal se nourrit avec un rostre de façon analogue à la tique.

En définitive, s’il n’est pas fautif, dans ce cas, d’employer le terme morsure, il est plus précis, d’un point de vue biologique, d’employer celui de piqûre.

Absence de liaison après « quand »

Le 5 janvier 2023

Emplois fautifs

En un siècle et demi, nous avons perdu quelques liaisons, en particulier celles de plusieurs mots se terminant par -nd. Dans son Dictionnaire, Littré écrivait en effet que le « d » final de fécond et de profond se lie, prononcé comme un « t », au mot suivant et que l’on doit dire un fécon-t-écrivain et un profon-t-archéologue. Il nous apprend aussi que le « d » de blond ne se lie que dans la prononciation soutenue « Le blond Apollon, dites : le blon-t-Apollon », et qu’il en va de même pour brigand : « Le d ne se lie pas dans le parler ordinaire ; dans le parler soutenu on dit : un brigan-t armé ». Aujourd’hui, on conserve la liaison en « t », après fond, dans l’expression de fond en comble, après grand et après quand. Mais on constate un début de relâchement avec ce dernier mot et l’on entend de plus en plus « quand / il viendra », « quand / on est partis », alors que c’est « quand-t-il viendra » et « quand-t-on est partis » que l’on doit dire.

Crazy monday

Le 5 janvier 2023

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Avant d’être le nom d’un cabaret parisien, Crazy Horse (« Cheval fou ») fut la traduction en anglo-américain du nom du chef indien Tashunca Uitco, proprement « ses chevaux ont le feu sacré ». On emploie aujourd’hui l’adjectif crazy dans notre langue pour qualifier ce qui semble s’affranchir des normes habituelles, en particulier dans le domaine du commerce. Mais le français fou peut, lui aussi, qualifier ce que l’on ne peut ni contenir ni contrôler, ce qui semble n’obéir à aucune loi, ce qui est imprévisible. Aussi peut-on sans doute parler de lundi fou en lieu et place de « crazy monday » ou même, pour élargir le propos et rappeler un de nos grands dramaturges, de folle journée.

« Mondial » pour « International »

Le 5 janvier 2023

Extensions de sens abusives

Les adjectifs international et mondial sont apparus tardivement dans notre langue. Le premier date du tout début du xixe siècle et, en 1871, Eugène Pottier en fait, en le substantivant, le titre d’une célèbre chanson révolutionnaire, L’Internationale ; le second se rencontre au début du xvie siècle, avec le sens de « mondain, qui appartient au monde », et on ne le rencontre avec son sens actuel qu’à partir de 1903. Ces deux adjectifs n’ont pas exactement le même sens ; il convient donc de les employer avec justesse. International signifie « qui a lieu de nation à nation, entre plusieurs nations, qui concerne les rapports entre les nations », tandis que mondial a pour sens « qui intéresse, concerne le monde entier ; qui est répandu dans l’ensemble du monde » et se rapporte donc à un nombre beaucoup plus important de nations. Ainsi, le Tournoi des six nations est une compétition internationale de rugby tandis que les Jeux olympiques sont une compétition mondiale.

Changement de genre

Le 5 janvier 2023

Expressions, Bonheurs & surprises

Aujourd’hui toutes les lettres de notre alphabet sont des noms masculins, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Les six voyelles, et les consonnes dont le nom, à l’oral, se termine par une voyelle : b (prononcé [bé]), c d, g, j, k, p, q, t, v, w, mais aussi x et z, étaient du genre masculin et le sont restés. Les autres, celles dont le nom à l’oral est composé d’une voyelle suivie d’une consonne, c’est-à-dire f (prononcé [èf]), h, l, m, n, r et s, ont changé de genre. On le constate en lisant ce qui est dit, par exemple, de la lettre f dans les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie française. Dans les trois premières, elle est du genre féminin : une grande F, une double f, une f finale. Cela change dans les quatre éditions suivantes, où f est à la fois un masculin et un féminin. On y lit ceci : « substantif féminin suivant l’ancienne appellation qui prononçoit Effe ; & masculin suivant l’appellation moderne qui prononce Fe. Cette dénomination, qui est la plus naturelle, est aujourd’hui la plus usitée. » Le fait d’appeler cette lettre fe est sans doute lié à l’apprentissage syllabique de la lecture, pour que, de même que be et a font ba, fe et a fassent fa. F conserve ces deux genres jusque dans la huitième édition de notre Dictionnaire ; dans la neuvième, il n’est plus que masculin.

F se distingue ainsi un peu des autres lettres h, l, m, n, r, s, qui étaient des deux genres jusque dans la septième édition, féminines dans la huitième et masculines dans la neuvième. En ce qui concerne h, genre et aspiration (ou absence d’aspiration) sont liés : « Lorsqu’on l’appelle Ache, suivant la prononciation ancienne et usuelle, son nom est féminin. Une H (ache). Une grande H. Une petite h. Il est masculin, lorsque, suivant la méthode moderne, on prononce cette lettre comme une simple aspiration. Le H (he). Un grand H. » D’autres lettres ont d’intéressantes particularités : x a toujours été un substantif masculin, mais, de la quatrième à la septième édition, on nous donnait cette précision au sujet de sa prononciation : « Suivant l’appellation ancienne et usuelle, on la nomme Ics ; et, suivant la méthode moderne, on l’appelle Xe, en prononçant comme dans la dernière syllabe des mots Axe, fixe, luxe. »

En ce qui concerne la lettre j, qui, à l’oral s’appuie sur un « i », elle a toujours été un nom masculin, mais elle n’a été autonome qu’à partir de la quatrième édition. Auparavant, on le trouvait à la lettre « i » où on l’appelait « i consonne ».

W apparaît dans la septième édition, mais n’est pas encore considéré comme une lettre de notre alphabet, puisqu’on le définit ainsi : « Lettre consonne qui appartient à l’alphabet de plusieurs peuples du Nord, et qu’on emploie en français pour écrire un certain nombre de mots empruntés aux langues de ces peuples, mais sans en faire une lettre de plus dans notre alphabet ; on la nomme Double vé. » Ce qui fait qu’on lit dans cette même édition, à l’article Z : « Lettre consonne, la vingt-cinquième et dernière de l’alphabet. Suivant l’appellation ancienne et usuelle, on la nomme Zède, et suivant la nouvelle, on la nomme Ze, en prononçant comme dans la dernière syllabe des mots Onze, douze. »

De quelle matière étaient faites les pantoufles de Cendrillon ?

Le 5 janvier 2023

Expressions, Bonheurs & surprises

On lisait dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, parue en 1694, à l’article vair : « Terme dont on se servoit autrefois pour exprimer une fourrure blanche & grise. Il ne s’employe aujourd’huy qu’en matiere d’armoiries, […] Tel porte de vair. » Trois ans plus tard, Charles Perrault fit paraître un conte intitulé Cendrillon ou La Pentoufle (sic) de verre. On s’étonna bientôt que ces pantoufles fussent de verre et l’on pensa que, en fait, Cendrillon était chaussée de vair, un nom, on l’a vu, sorti d’usage. Verre ou vair, le débat était lancé. Le xixe siècle, fort raisonnable et qui s’étonnait qu’on pût danser chaussée de verre, penchait pour la fourrure ; ainsi Balzac écrivait, dans Le Martyr calviniste : « En France […] certaines fourrures rares, comme le vair, qui sans aucun doute était la zibeline impériale, ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs revêtus de certaines charges. On distinguait le grand et le menu vair. Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d’éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair, est présentée comme étant de verre. » C’était aussi l’avis de Littré : « C'est parce qu’on n’a pas compris ce mot maintenant peu usité qu’on a imprimé dans plusieurs éditions du conte de Cendrillon souliers de verre (ce qui est absurde), au lieu de souliers de vair, c'est-à-dire souliers fourrés de vair. » Larousse, non sans quelque regret, faisait de même dans son Dictionnaire : « Beaucoup de ceux qui n’ont lu le joli conte de Cendrillon que dans les livres qu’on mettait entre leurs mains pour les amuser quand ils étaient enfants seront surpris de ne plus retrouver ici cette pantoufle de verre qui avait frappé, plus que tout le reste peut-être, leur imagination naissante. […] quelle devait être la légèreté de cette jeune fille, qui pouvait marcher et danser avec des pantoufles si fragiles sans qu’elles se brisassent… Et c’est ainsi que le nom de Cendrillon se sera trouvé associé avec l’idée d’une chaussure fantastique que la vérité historique est forcée de reléguer parmi les simples coquilles typographiques. » Cette controverse fit même le sujet d’un chapitre du Livre de mon ami, d’Anatole France : « C'est par erreur, n'est-il pas vrai, qu'on a dit que les pantoufles de Cendrillon étaient de verre ? On ne peut pas se figurer des chaussures faites de la même étoffe qu’une carafe. Des chaussures de vair, c’est-à-dire des chaussures fourrées, se conçoivent mieux, bien que ce soit une mauvaise idée d’en donner à une fillette pour la mener au bal. Cendrillon devait avoir avec les siennes les pieds pattus comme un pigeon. Il fallait, pour danser si chaudement chaussée, qu’elle fût une petite enragée. Mais les jeunes filles le sont toutes ; elles danseraient avec des semelles de plomb. »

Aschenputtel, la Cendrillon des frères Grimm, ne nous aide pas à trancher puisque c’est d’or qu’elle est chaussée, qu’il s’agisse de pantoufles, die Pantoffeln waren ganz golden, ou d’un soulier, den goldenen Schuh. Alors, remontons le temps ; au iiie siècle de notre ère, nous trouvons un lointain ancêtre de ce conte dans l’Histoire variée d’Élien, au chapitre xxxiii, intitulé De la fortune de Rhodope : « Rhodope [proprement « celle qui a un visage de rose »] passe pour avoir été la plus belle courtisane de l’Égypte. Un jour qu’elle était au bain, la fortune, qui se plaît à produire des évènements extraordinaires et inattendus, lui procura une faveur qu’elle méritait moins par les qualités de son âme que par les charmes de sa figure. Tandis que Rhodope se baignait, et que ses femmes gardaient ses vêtements, un aigle fondit sur un de ses souliers, l’enleva et, l’ayant porté jusqu’à Memphis, dans le lieu où Psammétique était occupé à rendre la justice, le laissa tomber dans le sein du prince. Psammétique, frappé de la délicatesse de ce soulier, de l’élégance du travail, et de l’action de l’oiseau, ordonna qu’on cherchât par toute l’Égypte la femme à qui il appartenait : dès qu’on l’eût trouvée, il l’épousa. » Ce conte de L’Histoire variée, même si variée, que l’on trouve dans le titre, et vair ont la même origine, ne nous dit malheureusement rien sur la matière de notre chaussure. Sans doute faut-il, après avoir redit que Perrault avait écrit verre, laisser le mot de la fin à Raymond, un autre personnage du Livre de mon ami : « Cousine, je vous avais pourtant bien avertie de vous défier du bon sens. Cendrillon avait des pantoufles non de fourrure, mais de verre, […]. Ces pantoufles étaient fées ; on vous l’a dit, et cela seul lève toute difficulté. Un carrosse sort d’une citrouille. La citrouille était fée. Or, il est très naturel qu’un carrosse fée sorte d’une citrouille fée. C'est le contraire qui serait surprenant. »

Aujourd’hui l’usage est encore un peu flottant ; d’aucuns préfèrent le verre, symbole de pureté, d’autres, plus nombreux, choisissent le vair. L’Académie française, elle aussi, a longtemps balancé ; elle opte aujourd’hui pour les pantoufles de verre, sans toutefois condamner les pantoufles de vair.

Élise D. (Sourans)

Le 5 janvier 2023

Courrier des internautes

Je m’interroge sur la fonction du mot mamie dans la phrase Allons manger, mamie. Quelle est la différence avec Allons manger mamie ?

Élise D. (Sourans)

L’Académie répond :

Madame,

Il y a une très grande différence de sens entre ces deux phrases et la virgule que l’on trouve dans la première a un rôle que l’on pourrait qualifier de vital. Dans cette phrase, la virgule isole le mot mamie, qui est ainsi mis en apostrophe. Cette phrase signifie « Mamie, viens manger avec moi (ou avec nous). » Si on supprime la virgule, le mot mamie devient le complément d’objet direct du verbe manger et la phrase devient alors une invitation à manger cette infortunée grand-mère. Il convient donc de bien garder ce signe de ponctuation, dernier rempart contre la voracité des petits-enfants.

Omission de la conjonction « que »

Le 1 décembre 2022

Emplois fautifs

L’asyndète est une construction dans laquelle on juxtapose différents éléments, sans mot de liaison, pour donner à l’expression plus de concision et de vigueur. La phrase de César, « Veni, vidi, vici », prononcée devant le Sénat après sa victoire à Zéla contre le roi du Pont, Pharnace II, en est un exemple fameux. On rencontre bien sûr cette construction en français, dans des proverbes comme Tel père, tel fils, dans des tours figés comme Bon gré, mal gré, et dans des phrases sans coordonnant ni subordonnant comme Il pleut, je vais rester ici. Il convient cependant de ne pas étendre le procédé par l’omission de la conjonction de subordination que entre une principale et la subordonnée complétive. Ce phénomène est apparu assez récemment, mais il se développe rapidement et l’on entend de plus en plus des phrases comme J’avoue ça fait peur ou On dirait il va pleuvoir. On ne sait si ce phénomène est dû à l’influence de la syntaxe anglaise ou à la confusion avec des discours directs mais, quelle qu’en soit la cause, rappelons que ces phrases sont incorrectes et qu’il faut rétablir le subordonnant.

on dit

on ne dit pas

Je pense qu’on a fait un bon match

Je trouve que c’est dur quand même

Tu crois que le professeur viendra ?

Je pense on a fait un bon match

Je trouve c’est dur quand même

Tu crois le professeur viendra ?

Annick G. (Saint-Cloud)

Le 1 décembre 2022

Courrier des internautes

Est-il correct de dire la commission d’un crime pour dire qu’un crime a été commis ? Est-ce un anglicisme ?

Annick G. (Saint-Cloud)

L’Académie répond :

Madame,

Ce sens de commission était tombé en désuétude depuis le xixe siècle, mais il s’emploie de nouveau. On lit dans des textes récents du ministère de la Justice et du Journal officiel commission d’un crime. On trouvait aussi, dans le Dictionnaire de Littré, « la commission d’une faute », et, dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, la locution « peché de commission », qui s’opposait à « peché d’obmission ». Cela étant, on dit également la perpétration d’un crime.

Dans cette vidéo, on y voit…

Le 3 novembre 2022

Emplois fautifs

Ce type de phrase, que l’on entend trop souvent, est incorrect car le complément circonstanciel de lieu dans cette vidéo est doublé, dans la même proposition, par le pronom adverbial y. Ce pronom, ici redondant, doit être supprimé et l’on doit dire dans cette vidéo, on voit… L’emploi du pronom de rappel y est bien sûr possible à l’intérieur d’une autre proposition : Cette vidéo est intéressante, on y voit…

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