Aujourd’hui toutes les lettres de notre alphabet sont des noms masculins, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Les six voyelles, et les consonnes dont le nom, à l’oral, se termine par une voyelle : b (prononcé [bé]), c d, g, j, k, p, q, t, v, w, mais aussi x et z, étaient du genre masculin et le sont restés. Les autres, celles dont le nom à l’oral est composé d’une voyelle suivie d’une consonne, c’est-à-dire f (prononcé [èf]), h, l, m, n, r et s, ont changé de genre. On le constate en lisant ce qui est dit, par exemple, de la lettre f dans les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie française. Dans les trois premières, elle est du genre féminin : une grande F, une double f, une f finale. Cela change dans les quatre éditions suivantes, où f est à la fois un masculin et un féminin. On y lit ceci : « substantif féminin suivant l’ancienne appellation qui prononçoit Effe ; & masculin suivant l’appellation moderne qui prononce Fe. Cette dénomination, qui est la plus naturelle, est aujourd’hui la plus usitée. » Le fait d’appeler cette lettre fe est sans doute lié à l’apprentissage syllabique de la lecture, pour que, de même que be et a font ba, fe et a fassent fa. F conserve ces deux genres jusque dans la huitième édition de notre Dictionnaire ; dans la neuvième, il n’est plus que masculin.
F se distingue ainsi un peu des autres lettres h, l, m, n, r, s, qui étaient des deux genres jusque dans la septième édition, féminines dans la huitième et masculines dans la neuvième. En ce qui concerne h, genre et aspiration (ou absence d’aspiration) sont liés : « Lorsqu’on l’appelle Ache, suivant la prononciation ancienne et usuelle, son nom est féminin. Une H (ache). Une grande H. Une petite h. Il est masculin, lorsque, suivant la méthode moderne, on prononce cette lettre comme une simple aspiration. Le H (he). Un grand H. » D’autres lettres ont d’intéressantes particularités : x a toujours été un substantif masculin, mais, de la quatrième à la septième édition, on nous donnait cette précision au sujet de sa prononciation : « Suivant l’appellation ancienne et usuelle, on la nomme Ics ; et, suivant la méthode moderne, on l’appelle Xe, en prononçant comme dans la dernière syllabe des mots Axe, fixe, luxe. »
En ce qui concerne la lettre j, qui, à l’oral s’appuie sur un « i », elle a toujours été un nom masculin, mais elle n’a été autonome qu’à partir de la quatrième édition. Auparavant, on le trouvait à la lettre « i » où on l’appelait « i consonne ».
W apparaît dans la septième édition, mais n’est pas encore considéré comme une lettre de notre alphabet, puisqu’on le définit ainsi : « Lettre consonne qui appartient à l’alphabet de plusieurs peuples du Nord, et qu’on emploie en français pour écrire un certain nombre de mots empruntés aux langues de ces peuples, mais sans en faire une lettre de plus dans notre alphabet ; on la nomme Double vé. » Ce qui fait qu’on lit dans cette même édition, à l’article Z : « Lettre consonne, la vingt-cinquième et dernière de l’alphabet. Suivant l’appellation ancienne et usuelle, on la nomme Zède, et suivant la nouvelle, on la nomme Ze, en prononçant comme dans la dernière syllabe des mots Onze, douze. »