Bonjour,
Je vous prie de bien vouloir m’expliquer la citation de Pascal « l’homme passe infiniment l’homme ».
Cordialement.
Abdelilah B. (Maroc)
L’Académie répond :
Monsieur,
La formule de Pascal sur laquelle vous vous interrogez, « L’homme passe infiniment l’homme », figure dans la première partie des Pensées de Pascal, dans la liasse nommée « Contrariétés », laquelle se trouve au sein des liasses dites « classées », qui démontrent que la condition humaine est un mélange de grandeur et de misère et que la prise de conscience de cette contradiction (que Pascal appelle « contrariété ») constitue le premier pas vers la vérité.
Dans la liasse « Contrariétés », Pascal explique que le conflit de la misère et de la grandeur humaines se manifeste, dans l’histoire de la philosophie, dans l’opposition entre les pyrrhoniens (ou sceptiques) d’une part, et ceux qu’il nomme les dogmatistes (qui représentent notamment les stoïciens) d’autre part. Pour les premiers, la vérité est fondamentalement inaccessible à l’homme, et la raison humaine doit s’humilier devant cette évidence. Pour les seconds, au contraire, il existe certaines données indubitables sur lesquelles fonder la connaissance, et la raison doit s’enorgueillir d’y avoir accès.
Pascal est convaincu que ces deux thèses sont à la fois irréconciliables et également fondées : la condition humaine est paradoxale et, de ce point de vue, la recherche de la vérité est aporétique. Cependant, ajoute Pascal (et cette affirmation est essentielle, car elle ouvre la voie à la démarche apologétique des Pensées), « L’homme passe infiniment l’homme » (il faut entendre « passe » au sens de « dépasse ») : dans sa grandeur et sa misère, il porte et la marque de la création divine, et celle du péché originel qui l’a corrompu ; mais il est susceptible d’être touché par la grâce divine, et de quitter son état de corruption : c’est en cela qu’il possède une part de transcendance, qu’il peut dépasser, « passer » sa propre condition.
Or, si le don de la grâce est indépendant de la volonté humaine, toute l’entreprise pascalienne consiste à mettre son lecteur en état de la recevoir, notamment par un bon usage de la raison : celle-ci doit savoir quand s’exercer, et quand se soumettre. C’est à ce cheminement qu’invitent les quatorze liasses classées des Pensées.
Recevez, Monsieur, mes meilleures salutations, ainsi que mes vœux pour l’année qui commence.