Même si le mot soupape est formé à l’aide du préfixe sou(s)-, il n’entretient pas avec le nom pape les rapports qu’entretiennent les noms sous-lieutenant ou sous-officier avec lieutenant ou officier, la soupape n’étant pas au souverain pontife ce que la sous-maîtresse serait à la maîtresse. Le mot soupape provient de l’ancien français sous-pape qui désignait un coup sous le menton, dans lequel pape avait le sens de menton ou de mâchoire. C’est avec cette signification qu’il apparaît, au xiiie siècle, dans Les Contes des hérauts, de Baudouin de Condé : « Si me tint, mais je li escape, / Si li rendi tele sourpape, / Que tout enviers l’ai abatu » (« Il me tenait, mais je lui échappai et lui donnai à mon tour un tel coup au menton, que je l’ai abattu de tout son long »). Littré explique ainsi le glissement de sens entre le coup au menton et la pièce de mécanisme que nous connaissons : « De même que sous-barbe, qui signifie “coup sous le menton”, a pris le nom de divers engins, de même soupape a servi figurément à désigner ce qui s’ouvre et se ferme ; on aperçoit même comment l’idée est venue de prendre le coup sous le menton, qui fait fermer la bouche, pour désigner le coup que reçoit la valvule, et la valvule elle-même. » Notons cependant que, dans son Discours admirable de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu’artificielles, en 1580, Bernard Palissy donne une autre explication : « Cela ne se peut faire que la souspape de la gorge de l’homme (que les chirurgiens appellent la luette) ne joue comme celle des pompes. » Ces deux explications ne sont pas incompatibles, et l’on s’accorde pour reconnaître dans l’élément pape un déverbal de l’ancien verbe paper, qui signifiait « remuer les mâchoires » et donc « manger » ou « parler ». Cette proximité entre les mouvements nécessaires pour s’exprimer et pour se nourrir avait déjà été soulignée par les Latins. On lit en effet dans le Recueil des glossaires latins, à l’article Papilla : « caput est mammae de qua exit lac, unde factum est ut dicamus infantibus papa ; i. e. manduca : papare enim dicimus […] ; nam et ipso motu labiorum id ostendimus » (« Mamelon : c’est le sommet du sein, d’où sort le lait, ce qui fait que quand nous disons aux enfants papa, c’est-à-dire “mange”, avec le mouvement des lèvres produit pour dire papare, nous leur montrons les mouvements qu’ils doivent faire pour manger »).
Papare est à l’origine de l’ancien français paper, d’où dérivent papoter et le verbe, aujourd’hui hors d’usage, papeler, « manger », puis « marmonner (des prières) ». C’est de ce dernier qu’est dérivé papelard, désignant un faux dévot dont la foi de façade se manifestait par un constant marmonnement de prières, qui était perçu comme un hypocrite. Le Moyen Âge s’est plu à dénoncer ce type d’individu, en ayant recours à des jeux de mots, fort en vogue à l’époque. On lit ainsi dans Les Miracles de Notre-Dame, de Gautier de Coinci : « Tel fait devant le papelart, / qui par derrière le pape lart », et dans L’Image du Monde, de Gautier de Metz : « Qui papelart nommer se font, / Et à droit car papelart sont : / Adonc ont à nom palelart, / Car avoir veulent tout le lart. »
Ces formes furent productives puisque, en ancien français, existaient les verbes papelarder, « être hypocrite », et papeter, « babiller », et que les noms papelarderie, papelardie et papelardisme étaient synonymes d’hypocrisie.
Paper, on l’a vu, est issu indirectement du latin pappa, terme expressif du langage enfantin servant à désigner la nourriture ; cela nous amène à nuancer légèrement ce que nous avons écrit plus haut au sujet de pape, quand ce mot désigne l’évêque de Rome. Ces deux noms pape ne sont pas entièrement étrangers l’un à l’autre ; il existe en effet en latin une autre forme pappa, qui est elle aussi un nom familier du langage des enfants, qui signifie « père » et dont est issu le nom pape, « souverain pontife ».