Le doigt, comme d’autres parties du corps, a été utilisé comme unité de mesure dans l’Antiquité, mais le Moyen Âge et le monde anglo-saxon lui préférèrent le pouce. Aujourd’hui, doigt est une mesure approximative correspondant à l’épaisseur d’un doigt, et désignant une petite quantité, comme dans Boire un doigt de porto ou La balle est passée à deux doigts de sa tête. Mais si le doigt a servi d’unité de mesure, on l’a aussi employé pour compter. C’est ce système de numération que Rosny aîné prête à ses personnages dans La Guerre du feu : « Faouhm, dans la lumière neuve, dénombra sa tribu, à l’aide de ses doigts et de rameaux. Chaque rameau représentait les doigts des deux mains. » C’est aussi pour cette raison que les mots anglais digit et digital, tirés du latin digitus, signifient respectivement « chiffre » et « numérique ».
Les noms désignant le doigt en grec, daktulos, et en latin, digitus, ont donné de nombreux mots en français. Si l’on regarde la longueur des phalanges, en partant de la paume, on constate que la première est longue et les deux autres plus petites. Par analogie, on a donc appelé dactyle, en prosodie grecque et latine, un vers composé d’une syllabe longue suivie de deux brèves. Dactyle désigne aussi une graminée ayant la forme d’un doigt, qu’on ne confondra pas avec la digitale que nous verrons plus loin. On retrouve cette racine dans des termes savants comme ptérodactyle, qui désigne un dinosaure qui pouvait voler grâce à une membrane s’étendant de l’un de ses doigts aux membres inférieurs ; comme aussi syndactylie ou polydactylie, deux malformations congénitales caractérisées par la soudure, totale ou partielle, de doigts ou d’orteils pour la première, et par la présence de doigts ou d’orteils surnuméraires pour la seconde. Si daktulos est surtout à l’origine de formes savantes, c’est aussi à lui que l’on doit, par l’intermédiaire de latin dactylus, le nom « datte », ce fruit ayant peu ou prou la forme d’un doigt.
Passons maintenant au nom latin, digitus, dont est issu le français doigt, et dont ont été tirés l’adjectif digital, que l’on trouve par exemple dans la locution empreintes digitales, et le nom féminin digitale, une fleur en forme de doigt de gant dont on tire un médicament, la digitaline. Le latin digitus se retrouve aussi dans le nom prestidigitateur, qui désigne un artiste accomplissant des tours d’escamotage, de passe-passe grâce à l’agilité de ses mains. Si dans ces formes le latin digitus est aisément reconnaissable, il l’est moins dans dé (à coudre), pourtant issu lui aussi de ce même nom. Signalons au passage, puisque nous parlons du doigt, que c’est au breton biz, que nous devons, par l’intermédiaire de bizou, « anneau pour le doigt », notre français « bijou ».