Le nom Résurrection et le verbe Ressusciter, même s’ils sont formellement assez proches, appartiennent à deux familles différentes. Le premier est emprunté du latin resurrectio, lui-même dérivé de surgere, « jaillir ». De ce verbe nous viennent, entre autres, le doublet sourdre et surgir, mais aussi le nom source.
Le second est dérivé de susciter, qui a d’abord signifié en français « ressusciter » ; on peut lire dans la Passion du Christ (xe siècle) : « Jesus lo Lazer suscitat. » En latin classique suscitare, qui est à l’origine de « susciter », signifiait « lever, éveiller, provoquer » et c’est en latin chrétien qu’il a pris le sens de « ressusciter ».
Suscitare est lui-même dérivé de citare, dont le premier sens est «mettre en mouvement, faire bouger », puis « citer en justice ». De citare a été tiré excitare, dont un des premiers sens est « réveiller ». On ne s’étonnera donc pas que l’on rapproche mort et sommeil, résurrection et réveil. D’ailleurs quand Jésus va ressusciter Lazare, mort depuis plusieurs jours, il dit « Notre ami Lazare dort, allons le réveiller. »
Si, dans la pensée occidentale, la résurrection est en grande partie liée au monde chrétien, c’est bien sûr parce que le Christ ressuscite après sa mort, mais aussi parce que, durant son passage sur terre, il ressuscite plusieurs défunts. Cela n’empêche pas que l’on trouve aussi des résurrections avant l’ère chrétienne. Celles-ci sont plus liées à des pratiques magiques, quand les résurrections opérées par Jésus sont plus liées à la force de la parole. Pour ressusciter Pélops, les dieux rassemblèrent les morceaux de son corps et lui redonnèrent vie, mais quand le Christ ressuscite Lazare ou la fille de Jaïre, c’est par le pouvoir des mots. Ainsi pour la résurrection de cette dernière, les évangélistes ont retranscrit fidèlement ses paroles « Talitha qum », « Fillette, lève-toi ».
Mais le départ entre monde chrétien et monde antique n’est pas absolu. La résurrection, par saint Nicolas, des trois enfants mis au saloir, n’est pas très éloignée de celle de Pélops. Et dans le monde antique, il y a sinon la résurrection, au moins le retour d’Eurydice. Il n’est pas dit qu’Orphée la ressuscite, mais simplement que, par son chant, il obtint des divinités infernales la restitution de cette dernière.
Ainsi donc, avec Orphée ramenant Eurydice des enfers, nous revenons au pouvoir envoûtant du chant, à la puissance agissante des mots, à la magie du grimoire et du glamour, à la force de la grammaire, à tout ce que Victor Hugo a formidablement résumé dans Les Contemplations par ces mots : « Nomen, Numen… »