Chez l’immense majorité des animaux un nom épicène désigne à la fois le mâle et la femelle, le jeune et l’adulte. Échappent au lot commun ceux que l’homme élève ou chasse. Dans ce cas, on tire généralement le nom de la femelle de celui du mâle : un chat, une chatte ; un lion, une lionne ; un éléphant, une éléphante ; un âne, une ânesse, même si certains ne suivent pas la règle, comme la vache et le taureau, le cheval et la jument ou le lièvre et la hase, etc. Mais, rappelons-le, il s’agit là d’exceptions ; très souvent, un seul nom sert à nommer les animaux auquel on ajoute, si le besoin s’en fait sentir, mâle ou femelle : une baleine mâle, un brochet femelle. C’était aussi le sort du nom crapaud, jusqu’à ce que Voltaire, à l’article Beau de son Dictionnaire philosophique portatif, se demande ce qu’était le beau pour un crapaud et écrive : « Il vous répondra que c’est sa crapaude, avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. »
Ce qui vaut pour les sexes, mâle ou femelle, vaut aussi pour les âges, adulte ou jeune. Nombre des jeunes n’ont en effet pas de nom, et, quand ils en ont un, il est très rare qu’il y en ait un pour les jeunes mâles et un pour les jeunes femelles, comme c’est pourtant le cas avec chevreau et chevrette (ou, plus familièrement, biquet et biquette), agneau et agnelle, mais encore aiglon et aiglonne, faon et faonne (que l’on n’oubliera pas de prononcer « fane »). Balzac parle aussi d’une oursonne et certains vont jusqu’à distinguer la truitelle du truiton. Quant à l’oisonne, elle semble désigner une jeune fille sotte et prétentieuse plus qu’un oison femelle.
Mais à côté de ceux-là, un des animaux domestiques les plus communs n’a pas de nom distinctif pour les petits : Chiot désigne un petit chien d’un sexe ou d’un autre. Certes le nom populaire des latrines rendait difficile la création d’un féminin à partir de ce dernier. Mais cette absence étonne d’autant plus que le latin distinguait catulus de catula. Ces noms, toutefois, pouvaient aussi désigner d’autres jeunes carnivores et Jacques de Vitry, qui fut évêque de Saint-Jean-d’Acre, alla jusqu’à employer catulos, proprement donc « chiots », pour désigner les fruits des amours illégitimes de prêtres ou d’évêques durant les croisades : « De cibis delicatis pascebant catulos suos quos de turpibus concubinis, ipsi turpiores procrearant » (« Ils nourrissaient avec des mets raffinés les petits chiens qu’ils avaient engendrés avec d’infâmes concubines, eux qui étaient plus infâmes encore »). À côté de catulus, on avait tiré du latin canis un autre diminutif, canicula, à l’origine du nom « canicule », qui a d’abord désigné une chienne, puis la période allant du 24 juillet au 24 août, ainsi nommée parce que l’étoile du Chien, Sirius, s’y levait en même temps que le soleil, et du nom « chenille », parce que la tête de cet animal ressemble à celle d’un chien. Pour désigner un petit chien, le français utilisa d’abord chael, une forme issue de catulus, puis chiennet, un diminutif de chien, que l’on rencontre, par exemple, dans Le Testament de Villon : « Item, je donne a Jehan le Lou, […] Ung beau petit chiennet couchant… » De chien a été tiré un autre dérivé, chenet, mais ce nom, proprement « petit chien », désigna très vite l’ustensile de métal que l’on dispose dans le foyer d’une cheminée pour servir de support au bois et en faciliter la combustion et qui est souvent orné d’une tête de chien ; nos amis anglais l’appellent firedog, « chien de feu », mais aussi andiron, un parent, tant pour la forme que pour le sens et l’étymologie, de notre landier, (un nom formé par l’agglutination de « l’andier », andier étant lui-même issu du gaulois *andéros, « taureau »). Tous ces termes nous amènent à penser que c’est parce qu’ils figurent des animaux qu’on appelait ainsi ces ustensiles. Mais à cette explication peut s’en superposer une autre : cet instrument, l’italien l’appelle alare, un nom tiré du latin lares, « les lares », parce que ces génies tutélaires sont, comme les chiens, les protecteurs des foyers.