Le mot mariage, qui apparaît dans la première moitié du xiie siècle, est dérivé de marier, lui-même issu du latin maritare, « unir, mettre ensemble », puis « marier » ; ce dernier est tiré de maritus, « uni, associé », puis « marié, mari ». Le fait que ces mots n’ont pas d’abord été directement liés au mariage explique pourquoi ce n’est pas chez des spécialistes romains du droit de la famille qu’ils se sont d’abord rencontrés, mais chez des agronomes ou des poètes qui traitaient d’agriculture. On lit ainsi dans le De agricultura, de Caton (32, 2) : Arbores facito ut bene maritae sint (« Fais en sorte que les arbres soient bien associés ») ; dans le De re rustica, de Columelle (11, 2, 79) : Ulmi quoque vitibus bene maritantur (« On unit avec succès les vignes aux ormes ») ; tandis que, dans les Géorgiques, Virgile, passant des plantes aux animaux, écrit (3, 125) : […] quem legere ducem et pecori dixere maritum (« [l’animal] qu’on a choisi comme chef du troupeau et désigné comme reproducteur »). La spécialisation de maritus au sens de « mari, époux » est assez tardive et semble être liée à l’influence de mas, maris, « mâle ». Notons dès maintenant qu’il y a en français une dissymétrie dans le nombre des mots qui désignent les époux, puisque l’on a, d’un côté, époux, mari, homme et, de l’autre, épouse et femme.
Pour dire « se marier », le latin utilisait nubere, à l’origine de nubile, en parlant d’une femme, et uxorem domum ducere, proprement « amener une femme chez soi », en parlant d’un homme. Du reste, Le Thresor de la langue francoyse de Jean Nicot (1606) montre bien que, pour désigner le mariage, le latin n’employait pas de termes tirés de maritus et maritare, mais les noms matrimonium, conjugium ou connubium. Maritus et maritare, on l’a vu, étaient liés aux productions de la terre. Il en est un peu de même de la parentèle d’union. C’est Molière qui a fait d’union conjugale, dans Les Précieuses ridicules, puis simplement d’union, dans Le Bourgeois gentilhomme, des synonymes de mariage. Or union, qui est issu du latin unio, « le fait de faire un à partir de plusieurs éléments », est un cousin lointain du nom oignon, ce dernier étant ainsi nommé parce que, contrairement à l’ail par exemple, il n’a qu’un seul tubercule. Les formes époux et épouse ont, elles, un caractère beaucoup plus officiel. Ce sont d’ailleurs celles que l’on trouve dans l’article 212 du Code civil : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » Le mariage était en effet l’alliance de deux familles, alliance scellée par un contrat, et la littérature abonde d’exemples où celui qui joue le rôle le plus important dans cette union n’est ni un prêtre ni un officier de l’état civil, mais un notaire. Cela n’a rien d’étonnant puisque les noms époux et épouse sont issus du latin sponsus, sponsa, participes passés de spondere, « promettre solennellement », et, de ces participes, le latin a tiré sponsare, « promettre en mariage ». À cette famille appartient aussi le nom spondée, un emprunt du grec spondeios, qui a d’abord désigné une pièce de musique solennelle jouée pendant les libations, puis un pied de deux syllabes longues qui donnait le rythme de ces cérémonies. C’est un dérivé de spondê, « libation offerte aux dieux ». Promettre devant les dieux engageait si fortement les contractants que l’on utilisa aussi le nom spondê pour désigner les traités entre États. La force de cet engagement est aussi attestée en français par le fait que, longtemps, la future épouse fut appelée « la promise » et les futurs mariés « les promis ». Nous avons vu que les mots latins à l’origine de mariage étaient liés à l’agriculture ; le mot latin à l’origine du nom femme, « être humain du sexe féminin », puis « compagne de l’homme unie par les liens du mariage », était, lui, lié à l’élevage. Ce nom femina s’est d’abord employé en apposition pour désigner un animal femelle ; ainsi bos femina était la vache, tandis que bos mas était le taureau. On a vu que cette dernière forme, dont le génitif était maris, a contribué à donner à maritus le sens de « mari ». Ce n’est que très tardivement que femina, proprement « celle qui allaite », puis « femelle », a concurrencé mulier, « femme », et uxor, « épouse ».