Les noms rouet et brouette sont liés de diverses manières : si l’on regarde leur forme et les lettres qui les composent, on constate que le second a l’étrange particularité de contenir le premier, ce qui est somme toute assez conforme à leur étymologie, le rouet étant une « petite roue », tandis que la brouette, qui tire son nom de l’ancien français beroue, issu du latin birota, était à l’origine, comme son nom l’indique, un véhicule « à deux roues », le plus souvent employé pour le transport de personnes. Cette étymologie commune n’empêche pas qu’ils n’appartiennent pas au même registre de langue. Le premier, plus soutenu et très littéraire, a été bien servi par les arts. On le trouve dans ces vers de La Fileuse, de Valéry : « Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée » et « Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose ». Ce nom entre aussi dans un titre, qui est à la fois celui d’un poème des Contemplations de Victor Hugo et d’un poème symphonique de Saint-Saëns, Le Rouet d’Omphale. La brouette est de plus modeste extraction, même si elle est un élément important d’une pièce de Louis-Sébastien Mercier, La Brouette du vinaigrier, et si cet outil est figuré dans L’Angélus de Millet.
Voyons maintenant quelques-uns de leurs parents étymologiques. Au nombre de ceux-ci on trouve rond, issu du latin rotundus, « en forme de roue », et tous ses dérivés, mais aussi rôle, issu de rotulus, « petite roue ».
À l’origine, le rôle était un support sur lequel on écrivait, et que l’on roulait (une autre forme due indirectement à rota) quand on l’avait lu. Ce rôle pouvait servir de livre de comptes. Pour vérifier sa bonne tenue, on le comparait à un autre, appelé contre rôle, à l’origine du nom contrôle. Sur ce rôle pouvait aussi être noté le texte que devait dire un comédien. Rotulus a un pendant féminin, rotula, emprunté par le français sous la forme « rotule ». De rôle ont aussi été tirés rouleau et l’ancien verbe roeller, transformé en to roll par nos amis anglais, et revenu, après un passage outre-Atlantique, dans les noms rock and roll et roller. C’est aussi l’anglais des États-Unis qui nous a donné rodéo, qui désignait d’abord le fait de rassembler du bétail, un mot pris à la locution espagnole dar un rodeo, « tourner autour ». À l’allemand nous avons emprunté rollier, le nom d’un oiseau ainsi nommé parce qu’il tourne sur lui-même en vol. Rollier est dérivé du verbe rollen, emprunté de l’ancien français roller. De rotella, proprement « petite roue », est issu le nom rouelle, qui fut jadis synonyme de « rondelle » et qui, avant de désigner une tranche de lard, désigna le morceau d’étoffe de forme circulaire que les juifs ont dû porter comme signe distinctif sur leurs vêtements dans plusieurs pays d’Europe après le quatrième concile de Latran. En France, ce fut d’abord un cercle de couleur jaune, puis un disque rouge et jaune.
Du latin rota, on l’a vu, est issu le nom roue ; ce dernier a un doublet étymologique, rote, qui désignait le tribunal ordinaire du Saint-Siège, ainsi appelé parce que ses membres siégeaient sur des bancs circulaires.
La parenté de toutes ces formes avec roue ou rota est assez claire. Il est quelques verbes où elle l’est moins : Rôder est emprunté de l’ancien provençal rodar, « tourner sans but, vagabonder, tourner çà et là », qui est lui-même issu du latin rotare, « faire tourner, faire rouler », puis « se mouvoir en rond, tourner ». Rogner est issu, lui, du latin populaire retundiare, forme altérée de rotundiare, « couper en rond ». Enfin érailler, le moins évident de tous, est une altération de l’ancien français esröeillier, un dérivé de röeillier, tiré de l’expression roeillier les ueilz, « rouler les yeux », ce röeillier étant lui-même issu du latin vulgaire roticulare, « rouler ».