Panzer est un nom allemand : c’est ainsi qu’il est présenté dans le Trésor de la langue française. « Emprunté de l’allemand », lit-on dans le Dictionnaire de l’Académie française, qui précise : « se prononce pandzère ». Un nom dont on pourrait donc dire, en parodiant les Parisiens des Lettres persanes découvrant Usbek, Il faut avouer qu’il a bien l’air allemand. Et pourtant Panzer est emprunté de l’ancien français panciere, que le Dictionnaire de l’ancienne langue française de Godefroy définit comme un « habillement d’acier de la partie du corps comprise entre les mamelles et la ceinture ». Le nom féminin panciere est dérivé de panse, lui-même issu du latin populaire pantex, qui désigne les tripes, les intestins, puis le ventre. En passant du français à l’allemand, la panciere est devenue l’armure complète, puis, par un phénomène d’analogie, un char blindé, le Panzer, tous termes appartenant au vocabulaire de la guerre. En revanche, en passant de l’ancien français au français moderne de nombreux noms de pièces d’armure sont sortis du lexique guerrier pour entrer dans celui de la vie civile. Ainsi, la ventrière, qui désigne aujourd’hui une courroie passée sous le ventre d’un cheval, a été, au XIIe siècle, un large ceinturon protégeant le ventre et, au XIIIe siècle, la femme qui sortait les enfants du ventre des mères, une sage-femme. On peut constater avec amusement que nombre de noms désignant autrefois quelque partie de l’armure ont quitté le monde de la chevalerie pour devenir des pièces du trousseau féminin ou enfantin. Ainsi la gorgerette protégeait la gorge des combattants avant de protéger celle des femmes, ou de la révéler. On lit dans Notre-Dame de Paris : « … son regard s’enfonçait dans toutes les ouvertures de la collerette de Fleur-De-Lys. Cette gorgerette bâillait si à propos, et lui laissait voir tant de choses exquises et lui en laissait deviner tant d’autres… »
La braconnière, quant à elle, n’était ni quelque Diane chasseresse s’affranchissant allègrement des codes cynégétiques ni un Raboliot au féminin hantant les bois de Sologne, mais une pièce d’armure protégeant cuisses et bassin, dont le nom, issu de l’italien braconi, « grandes braies », remonte au gaulois braca, à l’origine de nos braies et braguettes.
Le brassard et la brassière protégeaient jadis les bras des hommes de guerre. Si, à notre époque, il arrive encore que des membres des forces de l’ordre portent le premier, on n’oubliera pas que celui-ci, naguère arboré fièrement par les premiers communiants, est utilisé aujourd’hui pour apprendre à nager aux petits enfants, tandis que la seconde sert maintenant à assurer le bien-être et confort des nourrissons quand elle ne désigne pas un sous-vêtement féminin.
Deux autres mots enfin illustrent bien ce passage de la guerre à l’enfance : d’abord le nom garnement, aujourd’hui un enfant polisson ou un peu turbulent, mais qui désignait en ancien français l’ensemble des armes d’un combattant. On lit ainsi dans un conte médiéval, Floire et Blanceflore :
« Ses garnemenz fait aporter
En la place se fait armer. »
Ce nom, dérivé de garnir, désignera ensuite un soldat, puis un mauvais soldat, un vaurien et prendra enfin le sens que nous lui connaissons de nos jours.
Ce garnement, cet armement complet, c’est ce que les Grecs appelaient panoplia, « panoplie ». Au Moyen Âge, elle était constituée de tout l’équipement, armes et protections, du chevalier. Aujourd’hui, elle a quitté l’armurerie pour le rayon des jouets, et les panoplies de chevalier ne sont plus guère dangereuses, qui voisinent celles de princesse, de pompier ou d’infirmière.