Sur la fenêtre de sa chambre, à Chambord, François Ier grava, dit-on, « Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie » ; Victor Hugo mit ce monarque en scène dans Le roi s’amuse. Verdi s’inspira de cette pièce pour son Rigoletto, dans lequel il faisait chanter au Duc « La donna è mobile », ce qui traduit plutôt bien l’adage énoncé plus haut. Un quart de siècle plus tard, Henri Meilhac et Ludovic Halévy faisaient chanter à la Carmen de Bizet : « L’amour est un oiseau rebelle. » Quant à Montaigne, il écrivait, au chapitre 2 du livre III des Essais : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes les choses y branlent sans cesse […]. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. » Avant de conclure qu’il n’y a de stable que l’instabilité, posons-nous cette question : Si l’amour est un oiseau rebelle, est-ce à dire que les volatiles sont volatils ?
Il semble que tous n’aient pas la fidélité des inséparables ou des sarcelles évoquées par Verlaine dans Promenade sentimentale : « Et pleurant avec la voix des sarcelles / Qui se rappelaient en battant des ailes… » ou surtout par Maupassant quand, dans un conte justement intitulé Les Sarcelles, il montre que, chez ces oiseaux, la fidélité va jusqu’à la mort : « Il approchait, en effet, insouciant du danger, affolé par son amour de bête, pour l’autre bête que j’avais tuée. » Si nous nous intéressons à ces deux mots, volatile et volatil, c’est une grande famille que nous découvrirons. Le nom volatile est masculin et ne varie qu’en nombre, alors que l’adjectif volatil varie en genre et en nombre : un volatile volatil mais des poules volatiles. Volatil nous est apparu à la charnière des douzième et treizième siècles, avec le sens d’« inconstant, volage (encore un adjectif dérivé du latin volare, « voler ; aller ici ou là », puis « n’être pas fidèle »). Il est emprunté du latin volatilis, « qui vole, ailé » et, au figuré, « rapide, éphémère ». Quant au nom volatile, c’est une réfection, d’après ce même adjectif latin, de l’ancien français volatilie, qui désignait l’ensemble des oiseaux : « La volatilie des ciels », lit-on dans un Psautier du douzième siècle. Volatilie était issu du bas latin volatilia, neutre pluriel substantivé de volatilis, vite confondu avec un féminin singulier. Il fut remplacé ensuite par volaille, une forme créée par analogie avec poulaille. Mais volaille eut bien d’autres sens. Avec une valeur péjorative, il désigna, dans une langue populaire, un groupe de jeunes filles ou de jeunes femmes, ensuite l’argot donna ce nom aux femmes faciles ou aux prostituées (ces dernières étant aussi appelées, sans doute pour rester dans la métaphore aviaire, poules, voire poules de luxe), et enfin, sans doute par analogie avec valetaille, à des personnes qu’on ne tient guère en estime. C’est ainsi que l’entend Lino Ventura dans Les Barbouzes quand il invite ses rivaux à disparaître avec un fort peu amène « Caltez volaille ! » Et enfin, comme poulaille, auquel il doit son existence, ou comme de nombreux dérivés de ce dernier, il désigne la police en général ou un groupe de policiers, ce qui ne saurait nous étonner puisque ceux-ci sont fréquemment appelés poulet, poulaga (surtout dans l’expression la maison poulaga), poulard, voire poulardin ou, pour emprunter à d’autres espèces de volatiles, perdreau (parce que les policiers, comme les perdreaux se déplacent en compagnies) ou hirondelle, (parce que la pèlerine des agents à vélo évoquait les ailes et la queue de cet oiseau). Rappelons toutefois que poulet et ses dérivés, au sens de « policier », ne sont pas liés à notre volaille, même si on les y a rattachés ensuite, mais qu’il s’agit d’un emprunt à pula, une forme argotique italienne signifiant proprement « balle du blé », puis, en argot, « policier ». Le passage de l’un à l’autre est lié au fait que pula est tiré de pulizia, « tri, nettoyage », un paronyme de polizia, « police ».