C’est un emblème, c’est un lieu de prestige ; y être reçu est un sommet. On la confond parfois, par métonymie, avec l’Académie française. Que de différences entre eux pourtant ! Le verbe et la préposition qui régissent le parcours du nouvel académicien sont, à cet égard, révélateurs. On entre à l’Académie, verbe plein d’une majesté un peu martiale, verbe qu’on emploie quand un conquérant, au terme d’un assaut fulgurant ou d’un long siège, pénètre en vainqueur dans la ville qu’il vient de ravir à l’ennemi.
On est reçu sous la Coupole (tout à l’heure le verbe était actif, maintenant, il est au passif) et le conquérant s’est mué en un vassal soumis à la recherche de protection. On sait en effet toutes les valeurs de dépendance que recèle cette préposition sous : il servit sous un chef illustre, cela se passait sous François Ier, voire il mourut écrasé sous un train. Pourtant, à y regarder de plus près, cette coupole mérite-t-elle le prestige dont elle jouit ? Quel étonnement de voir que ce nom, symbole de grandeur, est en réalité un diminutif. On le trouve parmi d’autres, parfois savants comme bronchiole ou artériole, et parfois populaires, comme torgnole, bagnole, ou gaudriole.
Le nom coupole nous vient de l’italien cupola, qu’il avait emprunté au latin cupula. Ce dernier est un dérivé de cupa, ou de cuppa, car ce nom avait deux formes, la première à l’origine de « cuve », la seconde de « coupe ». En ancien français, la coupe est une mesure de grains ou de sel et, par métonymie, de terre. Un extrait des Coutumes de Bourgogne nous fait voir que, si avec le système métrique nous avons gagné en simplicité, nous avons sûrement perdu en poésie. On y lisait en effet ceci :
Le muid de grain contient douz (deux) setiers, / Le setier deux esmines, / L’esmine deux quartaux, / Le quartault deux moitons, / Le moiton deux mesures ou trois boisseaux, / La mesure trois coppes.
Autant de termes aux sonorités enchanteresses, maintenant inconnus et disparus, hélas, au profit du litre, de ses divisions et multiplications. Cette coupe ou coppe avait un dérivé : coupelle, que les affineurs utilisaient pour vérifier l’aloi d’une monnaie. Dans son Testament (strophe 59), Villon emploie l’expression fin comme argent de coupelle, pour désigner un homme particulièrement rusé. Comme, donc, ce creuset servait à établir la valeur d’une monnaie, l’expression à l’épreuve de la coupelle (ou du coupelaud) signifiait « à toute épreuve » et ces deux mots, coupelle et coupelaud, devinrent des synonymes d’« examen ». On lit ainsi chez Rabelais dans le chapitre 14 du Livre I de Gargantua, intitulé « Comment Gargantua feut institué par ung sophiste en lettres Latines » : Et le sceut si bien (un livre qu’on lui avait donné à apprendre) que au coupelaud le rendait par cœur à revers. On donna aussi à mettre quelqu’un à l’épreuve de la coupelle, par euphémisme et par un jeu cruel sur les mots coupelle et couper, le sens de « le condamner à être châtré ».
L’ancien français avait lui aussi donné, par renversement et analogie de forme, à coupe et ses dérivés, comme coupelle, coupet, couperon, coupie, etc., le sens de sommet. On lit dans L’Harmonie du monde, de Guy Le Fèvre de la Boderie :
D’or sa couronne belle / Et ses cheveux sont tels / Comme on voit la coupelle / Des palmiers immortels.
Et dans Les Chroniques de Saint-Denis : Sur le copet d’une haute monteigne.
C’est probablement en raison de ces sens liés à l’idée de « sommet, point le plus haut », et par analogie de forme, un procédé que l’on retrouve dans les formes françaises bobine, binette, bocal, cafetière, carafe, citrouille, fiole, etc. que le latin cupa se trouve aussi à l’origine du nom allemand Kopf, « tête ».
Notons pour conclure que la Coupole, lieu de culture par excellence, a un lointain cousin, un parent pauvre aurait dit Balzac, le nom cuvier, également venu du latin cupa, lié lui aussi au monde littéraire, puisqu’il entre dans le titre d’une des plus anciennes pièces de théâtre qui nous est conservée, La Farce du cuvier.