Il a fallu du temps pour que le nom coccinelle vienne dans notre langue. Il s’agit d’une francisation, sous la plume d’Aubert de La Chesnaye, dans son Système naturel du règne animal (1754), de la forme coccinella, créée par Linné dans son Systema naturae. Coccinella est dérivé, par l’intermédiaire de coccinus, « écarlate », de coccum, nom emprunté du grec kokkos, qui désignait la cochenille, à partir de laquelle on tirait une teinture d’une couleur semblable aux élytres de la coccinelle. Auparavant, on l’appelait bête à bon Dieu, bête à Dieu, bête à Martin, probablement en l’honneur de saint Martin, bête à la Vierge ou encore vache à Dieu. Voilà un heureux patronage qui dit bien en quelle estime, surtout chez les enfants, est tenue notre bestiole. Toutes les bêtes n’eurent pas un aussi grand capital de sympathie. Passons sur la bête à deux dos, création d’Eustache Deschamps, qui doit à Rabelais sa fortune, et arrêtons-nous sur quelques autres. La vènerie distinguait les bêtes menues, lièvres, les bêtes mordantes, sangliers, renards et parfois blaireaux, les bêtes noires, sangliers, la bête rousse, qui désignait autrefois le loup ou le renard, et qui désigne aujourd’hui un jeune sanglier de six à douze mois ayant perdu sa livrée de marcassin, les bêtes puantes, renards et loutres, et enfin la bête de compagnie, qu’il convient de ne pas confondre avec un animal de compagnie, puisqu’il s’agit d’un sanglier d’un à deux ans, qui vit en compagnie et n’est donc pas encore un solitaire. Mais en dehors de la vènerie, le terme bête est également très employé : on trouve en effet des bêtes à feu, comme les lampyres, dont la femelle est plus connue sous le nom de ver luisant, la luciole ou le taupin sanguin (ce dernier n’étant pas un élève des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques qui se signalerait par une promptitude à s’emporter, mais un coléoptère dont certaines variétés sont parfois phosphorescentes et qui, dans tous les cas, est un grand ravageur des cultures). Littré nous apprend que le morse, parfois appelé cheval marin ou vache marine, est plus connu sous le nom de bête à la grande dent. Un coléoptère appelé blaps, de couleur noire et vivant dans les lieux obscurs, était, lui, appelé bête de la mort, surnom qu’il partagea ensuite avec de nombreux rapaces nocturnes, en particulier l’effraie.
Pour conclure sur ces bêtes et pour relier cet article au précédent, évoquons les bêtes épaulées : il s’agit d’animaux de trait à l’épaule luxée ou cassée et qui ne peuvent donc plus remplir leur office. Par extension, cette expression désigne une personne sans esprit, sans capacité et qui n’est propre à rien mais aussi une fille qui, comme on disait autrefois, s’est déshonorée.