Dire, ne pas dire

Futur

Le 6 octobre 2016

Expressions, Bonheurs & surprises

Le nom futur, qui désigne un temps grammatical opposé au présent et au passé, vient du latin, ce qui n’a rien que de très banal. Il est pourtant particulièrement original par les rapports qu’il entretient avec sa nombreuse parentèle.

À l’origine de celle-ci, on trouve une racine indo-européenne *bhew-, qui traduit une idée de croissance, de développement, et qui est utilisée dans de nombreuses langues pour former certains temps du verbe « être », ce que nous verrons plus loin. En dehors des verbes, cette racine se retrouve dans de nombreux substantifs : en grec, elle apparaît sous la forme phu- dans des mots comme phuton, qui désigne tout ce qui croît et pousse et, en particulier, toute plante. De ce phuton vient le français néophyte mais aussi phytophage. Phu- est également à l’origine du terme phusis, qui désigne ce dont le développement est accompli, c’est-à-dire la nature, nom auquel nous devons le physique et la physique, les physiologistes et les physionomistes. Dans les formes latines, c’est le radical -bu- qui traduit cette même idée. On le retrouve par exemple dans les adjectifs probus et superbus, à l’origine de nos probe et superbe. Est d’abord pro-bus ce qui pousse bien, ce qui pousse droit. Dans les Tusculanes, Cicéron explique que le bon grain (probae fruges) doit à sa nature de bien se développer quand bien même il ne serait pas semé dans de la bonne terre, et l’agronome Columelle, dans son traité sur les arbres, appelle probus ager un champ qui donne de bonnes récoltes. Par extension et de manière figurée, cet adjectif prendra ensuite un sens moral d’« honnête, qui fait preuve de droiture », le seul qu’il ait conservé en français. De même est super-bus ce qui croît, qui s’élève au-dessus des autres, et l’on sait qu’à l’origine l’adjectif superbe était plus lié à l’orgueil, à une volonté de domination qu’à la beauté ; il n’est pour s’en souvenir que de songer à Tarquin le Superbe, le dernier roi de Rome.

Mais revenons à notre futur, c’est-à-dire à ce qui va exister. Le latin futurus est formé de la racine indo-européenne évoquée plus haut, employée au sens d’« être », qui apparaît cette fois sous la forme fu-, et d’un suffixe de participe futur, -turus. C’est à partir de cette racine fu- que sont formés divers temps du verbe être dans les langues romanes, le français, l’espagnol, etc., comme le passé simple de l’indicatif et le subjonctif imparfait issus, pour le premier, du latin fui, fuisti, etc. (je fus en français, fui en espagnol) et, pour le second, des formes fuissem, fuisses, etc. (que je fusse en français, fuese en espagnol). Le subjonctif futur espagnol fuere, fueres, etc. doit lui aussi sa fortune à cette racine. Il est amusant de remarquer que, dans les langues romanes, le futur n’est pas formé à partir de la racine fu- mais d’une racine indo-européenne *es-, « être », comme le montrent le français serai, l’espagnol serè, l’italien sarò. Notons pour conclure et évoquer une dernière fois notre racine indo-européenne *bhew- qu’elle est aussi à l’origine des deux premières personnes du singulier de l’indicatif présent en allemand, bin et bist, et des formes d’infinitif présent, de subjonctif présent et de participe passé en anglais, to be, if I be you et been.