Le latin fur désigne un voleur agissant par ruse pour soustraire les objets qu’il convoite, contrairement au latro, auquel on doit notre larron, qui, lui, n’hésite pas à user de violence pour commettre ses larcins (nom issu du latin latrocinium, « vol à main armée, brigandage »). Dans la famille de fur, on trouve furunculus, à l’origine de notre furoncle et qui a d’abord désigné un petit bourgeon secondaire de la vigne, qui semble voler la sève de la tige principale, puis un follicule pileux enflammé, un clou. Fur évoque l’idée du mouvement incessant du rôdeur, idée que l’on retrouve dans ses dérivés furet et fureter. On a d’ailleurs fait de notre petit carnivore le parangon de ces déplacements continuels avec la chanson populaire Il court, il court, le furet. Le furet était utilisé au Moyen Âge pour chasser les lièvres et les lapins, et il était si prisé qu’il existait des charges de fuireteors (ou fuiretiers), dévolues à des officiers de vènerie chargés des soins à lui apporter. Le Moyen Âge aimait aussi à jouer avec la polysémie de ce mot pour se faire polisson. On sait que d’aucuns ont présenté le titre de la chanson citée plus haut comme une contrepèterie et que cette interprétation a pu être favorisée par l’ambivalence du nom furet. En effet, si, au sens propre, le furet (aussi appelé fuiron) est un petit mammifère carnassier, au sens figuré il désigne le membre viril (les textes médiévaux parlent alors parfois de « furet privé ») ; dans les contes et fabliaux, on s’est d’autant plus amusé à jouer sur le double sens de ce mot qu’on l’associait volontiers au nom connin (ou connil) qui désignait à la fois le lapin et le sexe féminin. Et quand on lit dans le fabliau intitulé Du Prestre et de la Dame : « Li connins que li fuirons chace », proprement « les lapins que chasse le furet », ce n’est assurément pas de vènerie qu’il est question. Dans l’imaginaire, ces deux animaux étaient aussi liés à la ruse. L’un doit en user pour capturer ses proies, l’autre, pour échapper à ses prédateurs. Dans son Dictionnaire de l’ancienne langue française, Godefroy glose alors ainsi le verbe conniller, tiré de connil : « Fureter comme un connil, essayer de se dérober par la fuite et par la ruse, chercher une retraite, se tapir craintivement, user de fuites, de subterfuges ». Ce verbe se trouve dans les cinq premières éditions du Dictionnaire de l’Académie française, mais aussi chez Montaigne, qui écrit au livre II des Essais : « Comment, la philosophie qui me doit mettre les armes à la main, pour combattre la fortune, qui me doit roidir le courage pour fouler aux pieds toutes les adversitez humaines, vient-elle à cette mollesse de me faire conniller par ces destours couars & ridicules ? » Et plus loin, au sujet de la mort : « Je cherche à conniller et à me dérober de ce passage. » L’association du lapin ou du lièvre à une vie inquiète est très ancienne puisqu’un proverbe grec dit : « lagô bion zên », proprement « vivre une vie de lièvre », pour dire « vivre misérablement dans la crainte ». Pour conclure, revenons à notre furet. On sait qu’il tire son nom du latin fur. Mais on lui prêtait autrefois une autre origine, qui l’associait au lapin. On lit en effet dans la traduction française de l’Ortus sanitatis (« Le Jardin de la santé ») de Jean de Cuba, parue en 1502 sous le titre Le Traicté des bestes, oyseaux, poissons, pierres précieuses du jardin de santé : « Le furon est dit de furnum, “four”, car ainsi comme en ung four il entre dedans les tenebrositez et cavernes de la terre et en expelle [“expulse”] et déjecte les connins qui y sont muces [“cachés”] et occultez. »