Dire, ne pas dire

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Adriana S. (Chicago)

Le 7 mai 2015

Courrier des internautes

Je travaille pour une académie qui enseigne le français à Chicago et je vous serais très reconnaissante si vous pouviez me répondre à la question suivante (suite à un débat eu avec un collègue professeur de français) :

Est-ce qu’on fait l’élision devant les noms propres qui commencent par une voyelle ? Je dis que oui : La vie « d’Adèle », le livre « d’Alex », etc.

Adriana S. (Chicago)

L’Académie répond :

Vous avez raison ; la préposition de, de même que les articles définis, le pronom relatif que, nombre de conjonctions s’élident devant les noms, propres ou communs, commençant par une voyelle ou un h muet : la bataille d’Angleterre, le roi d’Espagne, les travaux d’Hercule, une copie de l’Hercule Farnèse, l’enlèvement d’Hélène, les livres d’Italo Calvino, le règne d’Auguste, les victoires qu’Attila a remportées.

Jordan L. (France)

Le 7 mai 2015

Courrier des internautes

Je vous contacte aujourd’hui afin d’éclaircir un grand débat sur la phrase suivante :

« Tu m’avais dit que tu me suivrai » ou « Tu m’avais dit que tu me suivrais » ?

On prend en compte le fait que la personne s’était ENGAGÉE à la suivre.

C’est donc une promesse, un acte qui va se produire. « Tu m’avais dit (à l’époque) que tu me (moi) suivrai (futur)... du futur donc ? Si la réponse est bien « ais », pourquoi est-ce considéré comme du conditionnel ?

Jordan L. (France)

L’Académie répond :

Nous avons ici ce que l’on appelle un futur dans le passé, qui prend la forme d’un conditionnel.

Le fait que l’on ait suivrais avec comme sujet tu nous montre bien que l’on n’a pas un futur simple car celui-ci serait tu me suivras.

Uta H. (Deutschland)

Le 7 mai 2015

Courrier des internautes

könnten Sie mir bitte sagen, wie man den Namen de Stael korrekt ausspricht?

Mit Betonung auf dem “e”? Oder wird das “e” gar nicht betont?

Ich bitte um Antwort.

(« Pourriez-vous m’indiquer comment il convient de prononcer le nom de Stael ? Faut-il faire entendre le e ou bien faut-il ne pas le prononcer du tout ? Je vous remercie pour votre réponse. »)

Uta H. (Deutschland)

L’Académie répond :

Man schreibt Staël, aber Man sagt Stal.

(« Chère Madame Hillmann,
On écrit Staël (avec un tréma sur le e) mais on prononce “Stal”. »

Dénoter pour détonner

Le 2 avril 2015

Emplois fautifs

Ces deux verbes sont proches par la forme, mais ils diffèrent par le sens et la construction. Dénoter est transitif direct et signifie « révéler, indiquer telle ou telle caractéristique », alors que détonner est intransitif et signifie « ne pas s’accorder avec ce qui est autour de soi, produire un contraste désagréable ». Si la faute qui consiste à employer détonner à la place de dénoter est peu fréquente, on entend malheureusement de plus en plus l’erreur inverse (sa tenue dénote au lieu de détonne), erreur qui s’explique sans doute parce qu’on associe dénote et fausse note, mais dont il convient cependant de se garder.

on dit

on ne dit pas

Ses propos détonnent en ce lieu

Ses propos dénotent en ce lieu

 

Ajoutons pour conclure que l’on se gardera également de confondre ces verbes avec le verbe détoner, qui signifie « exploser ».

Opérer au sens d’Exploiter

Le 2 avril 2015

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe opérer est emprunté du latin operari, « travailler, s’occuper de ». Il signifie « accomplir, réaliser, produire » et aussi, spécialement, « pratiquer une intervention chirurgicale ». On se gardera bien d’ajouter à ces sens ceux de « gérer, diriger, exploiter », qui appartiennent à l’anglais des États-Unis to operate… On ne dira donc pas Les vols intérieurs seront opérés par… mais Les vols intérieurs seront assurés par…

Adhésion pour Adhérence

Le 2 avril 2015

Extensions de sens abusives

Adhésion et adhérence ont la même origine : ils remontent tous deux au latin adhaerere, « être attaché à », verbe de la même famille que le substantif hedera, dont est issu le français lierre, cette plante grimpante munie de petits crampons qui lui permettent de se fixer solidement sur les troncs, les murs, etc. Les sens de ces deux substantifs sont néanmoins distincts : adhésion concerne les personnes et désigne le fait d’adhérer à un groupe, à une organisation ou, par extension, d’approuver telle ou telle idée, alors qu’adhérence concerne les choses et désigne la liaison étroite entre deux corps solides.

on dit

on ne dit pas

Emporter l’adhésion

Donner son adhésion à un projet

Ce pneu n’a qu’une faible adhérence au sol

Emporter l’adhérence

Donner son adhérence à un projet

Ce pneu n’a qu’une faible adhésion au sol

 

Rodomonts, matamores et sacripants

Le 2 avril 2015

Expressions, Bonheurs & surprises

Avant d’être des noms communs rodomont et matamore ont été les noms de héros littéraires. Rodomont vient de Rodomonte, proprement « ronge-montagne », personnage du Roland furieux que l’Arioste avait emprunté au Roland amoureux de Boiardo. Le Rodomonte de Boiardo est un roi d’Alger, brave et belliqueux, mais altier et insolent, une série de traits que lui conserva l’Arioste. Ainsi, il n’hésite pas à affronter une terrible tempête et à défier les flots déchaînés :

« Souffle vent, disais-je, si tu sais souffler ; car je veux traverser cette nuit en dépit de toi. Je ne suis ni ton vassal, ni celui de la mer pour que vous puissiez me retenir ici à votre disposition. »

Et Rodomonte fera la traversée, quitte à y perdre, et ce fut ce qui arriva, toute sa flotte.

Moins de cinquante ans après le décès de l’Arioste, rodomont devenait, en français, un nom commun désignant un fanfaron, un fier-à-bras, alors que, jusqu’à la fin du xvie siècle, les noms rodomont et rodomontade n’étaient pas dévalorisants. C’est à cette époque que Brantôme écrit ses Discours d’aucunes rodomontades et gentilles rencontres et paroles espagnoles. Ce livre, qui met en scène des conquistadors, les présente sous un jour favorable, « d’autant qu’il faut confesser », ajoute l’auteur « [que] la nation espaignolle [est] brave, bravache et valleureuse, et fort prompte d’esprit et de belles parolles profférées à l’improviste ».

Une dizaine d’années plus tard, les Espagnols ne sont plus perçus comme de courageux guerriers, mais comme des fanfarons : c’est, en tout cas, le portrait qu’en fait en 1607 Nicolas Baudouin dans ses Rodomontades espagnoles. Colligées des Commentaires de tres-espouvantables, terribles et invincibles Capitaines, Matamores, Crocodilles et Rojabroqueles, (ce dernier nom signifiant proprement « boucliers rouges »).

Ce livre aura un grand succès, puisqu’il connaîtra une vingtaine de rééditions, traductions ou adaptations dans le même siècle. Le préfacier essaiera de voiler un peu ses attaques en écrivant : « Vous ne trouverez aucune chose sinon quelques risees honnestes, sans faire tort ou injure à aucune creature, ny mesme aux Espagnols, le nom desquels est icy un nom emprunté », mais le livre fera que les rodomontades deviendront, pour les Français, emblématiques du caractère espagnol. Ils seront aidés en cela par le nom matamore, qui, lui, est d’origine espagnole. Il est en effet emprunté de Matamoros, proprement « le tueur de Maures », et désigne un faux brave qui ne cesse de chanter ses exploits et fuit au moindre danger. Ce Matamore va vite devenir un personnage de comédie dont Corneille fixera définitivement les traits dans L’Illusion comique.

Il s’agit là d’un type humain universel, hâbleur et vantard, dont Plaute avait déjà fait le sujet d’une de ses pièces, le Miles gloriosus, « Le Soldat fanfaron ».

Notons pour conclure que rodomont n’est pas le seul nom tiré des œuvres de Boiardo et de l’Arioste, puisque notre sacripant nous vient aussi d’un de leurs personnages, Sacripante, un valeureux et courageux roi de Circassie, qui, en passant de nom propre italien à nom commun français, va devenir un mauvais sujet ou un séducteur compulsif. Ne lit-on pas dans Rocambole, de Ponson du Terrail : « Un vaurien, un sacripant qui se moque de la vertu des femmes, de l’honneur des maris » ?

 

Isabelle D. (France)

Le 2 avril 2015

Courrier des internautes

Peut-on dire : « “Vu que” nous sommes parti en vacances nous n’avons pas pu aller voir le spectacle » ?

Isabelle D. (France)

L’Académie répond :

La locution conjonctive vu que est parfaitement correcte ; elle est utilisée dans la 9e édition, actuellement en cours de réalisation, du Dictionnaire de l’Académie française comme glose pour les formes attendu que, d’autant que et comme.

Dans la huitième édition, à l’article Voir, on a :

« Vu que, loc. conj. Attendu que, puisque. Je m’étonne qu’il ait entrepris cela, vu qu’il n’est pas très hardi.  Comment avez-vous engagé cette affaire, vu que vous savez bien... »

Cela étant, il s’est toujours trouvé des puristes pour condamner telle ou telle forme, en usage chez les meilleurs auteurs et admise par les grammairiens.

N’oubliez pas le s à partis.

L. de L. (Allemagne)

Le 2 avril 2015

Courrier des internautes

Quelle différence entre « croire à » et « croire en »?

L. de L. (Allemagne)

L’Académie répond :

Croire à quelqu’un signifie tenir pour certaine son existence, admettre son pouvoir : Il croit aux revenants. Il ne croit ni à Dieu ni à Diable.

Croire à quelque chose signifie être convaincu de la réalité, de l’efficacité de cette chose : Croire au paradis. Croyez à mes sentiments dévoués. Je ne crois plus à ses promesses.

Croire en quelqu’un ou en quelque chose marque un abandon plus confiant que croire, croire à, une adhésion, souvent du cœur, pouvant entraîner un comportement moral ou même religieux. Je crois en Dieu, je crois en l’homme. Croyez à mon entière confiance et en ma fidèle amitié.

« Parqueu » des Princes

Le 5 mars 2015

Emplois fautifs

Au cours de son histoire, le français a forgé des voyelles d’appui pour faciliter la prononciation d’un groupe de consonnes dont la première était souvent un s : ainsi les formes écrire, éponge ou étable nous viennent du latin scribere, spongia et stabula, par l’intermédiaire de l’ancien français escrire, espoinge et estable.

Si aujourd’hui ce phénomène peut encore être justifié s’agissant de mots ou expressions où l’on trouve quatre consonnes à la suite (ainsi le nom du journal Ouest-France est souvent prononcé Ouesteu-France), on s’efforcera, quand il y a trois consonnes ou moins de les articuler sans béquille linguistique et l’on dira le Parc des princes et non le « Parqueu » des Princes, l’Arc de triomphe et non l’« Arqueu » de triomphe.

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