Dire, ne pas dire

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Audrey B. (France)

Le 4 juillet 2019

Courrier des internautes

On dit « un licencié ès lettres » mais peut-on dire « ès anglais » ?

Merci d’avance pour votre réponse.

Audrey B. (France)

L’Académie répond :

Ès est une ancienne préposition signifiant « en les ».

Elle doit être suivie d’un nom au pluriel : ès lettres, ès sciences. Avec un nom singulier, on emploie en : en anglais, en droit.

Hafidha L. (Tunisie)

Le 4 juillet 2019

Courrier des internautes

Bonjour,

S’il vous plaît, quand dit-on : « à raison de » et « en raison de » ?

Merci de votre réponse.

Hafidha L. (Tunisie)

L’Académie répond :

Madame,

Les locutions en raison de et à raison de sont équivalentes lorsqu’elles signifient À proportion de, à la mesure de. Par exemple, on paya cet ouvrier à raison de l’ouvrage qu’il avait fait. L’industrie de l’homme croît en raison de ses besoins.

Cependant, la locution en raison de a également un sens qui lui est propre et signifie alors vu, en considération de, eu égard à. Par exemple, En raison de son extrême jeunesse. En raison des circonstances. Elle ne peut pas être concurrencée dans ce sens par À raison de.

Siegfried N. (France)

Le 4 juillet 2019

Courrier des internautes

Mesdames et Messieurs les Académiciens,

On dit au camarade qui s’en va affronter quelque épreuve « Haut les cœurs ! »

L’orthographe correcte n’est-elle pas plutôt « Hauts les cœurs » ?

D’où vient d’ailleurs cette locution si singulière ?

Merci à vous,

Siegfried N. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

Ici, haut est employé adverbialement (et est donc invariable), comme dans haut les mains et non *hautes les mains.

C’est une traduction du latin d’église Sursum corda que l’on traduit aussi parfois par « Élevons nos cœurs ». Il s’agit d’une exhortation au courage.

Scènes de genre

Le 6 juin 2019

Bloc-notes

Au fil du temps, nombre de féminins ont pris leur indépendance et ne rejoindront pas les supposés conjoints. La fourrière, où sont enfermés les animaux abandonnés et les véhicules encombrant la voie publique, s’est radicalement séparée du fourrier, chargé du cantonnement des troupes. La cantonnière, bande d’étoffe garnissant l’encadrement d’une porte, d’une fenêtre, du cantonnier, préposé à l’entretien des routes. La chauffeuse, chaise basse pour s’asseoir au coin du feu, a divorcé du chauffeur, elle préfère rester à la maison ! Côté métiers, il serait inconvenant d’apparier l’entraîneur sportif et l’entraîneuse des trottoirs. Le féminin de « marin » est débordé : bateaux, voiliers, navires, gens de mer, bords de mer, la « marine » en peinture, la couleur bleu foncé, bref, pas la moindre place. Quant au féminin de « matelot », il reconduit illico aux fourneaux. La matelote, « composée de plusieurs sortes de poissons d’eau douce, cuits à l’étuvée avec du vin et des aromates ».

Chicanons. Supposons qu’une femme veuille exercer le métier de plombier, elle se heurte à la plombière(s) : « entremets glacé à base de crème anglaise au lait d’amandes, additionné de fruits confits parfumés au kirsch », selon notre Dictionnaire, qui précise que le « s » provient de Plombières, station thermale des Vosges où cette glace a été inventée et servie à Napoléon III.

Les genres se font des scènes. Au regard du moissonneur, la moissonneuse n’est qu’une machine, la moissonneuse-batteuse. Les grands glaciers ignorent la modeste glacière. Le poudrier de nos sacs à main renie la poudrière et la poudre à canon. Enfin si l’Église catholique tarde à accepter les femmes, c’est encore un problème de grammaire : quel féminin trouver à curé, si la curée est une « pâture constituée par les bas morceaux de l’animal de chasse qu’on abandonne aux chiens après la prise » ? Et à aumônier, si l’aumônière est « une petite bourse complétant une robe de mariage ou de première communion » ?

Tout ça pour dire qu’il ne faut pas se presser, féminiser à outrance, tout abréger en langage enfançon… genre, j’te fais un p’tit coucou, bisous, bye.

Florence Delay
de l’Académie française

Salop ou Salaud ?

Le 6 juin 2019

Emplois fautifs

Étymologiquement, salope n’est pas le féminin de salaud. Celui-ci est dérivé de sale, alors que celui-là est composé à l’aide de sale et de hoppe, forme dialectale de huppe, un oiseau qui traîne la triste réputation d’être particulièrement malpropre (dans L’Iris de Suse, de Giono, le narrateur, parlant d’une huppe, dit qu’il l’a « surprise en train de gabouiller [patauger], dans des gadoues malodorantes »). Salope signifie donc d’abord « très sale », et on lisait dans l’édition de 1835 de notre Dictionnaire : « Cet enfant, cette petite fille est salope, est bien salope ». Ce sens s’est peu à peu modifié et salope est aujourd’hui un terme d’injure employé pour désigner une personne très vile et digne du plus profond mépris. Il est ainsi devenu un équivalent de salaud, qui a évolué de la même façon. Si la forme salaude existe, dans l’usage c’est bien salope qui sert de féminin à salaud. Il en va de même avec le dérivé salauderie, tombé en désuétude au profit de saloperie.

À l’inverse, de salope a été tiré un masculin, salop, que l’on rencontre en particulier chez des auteurs du xixe siècle, comme Flaubert, Maupassant ou Verlaine, mais qui reste d’un usage limité et souvent archaïsant. C’est bien, au masculin, salaud et, au féminin, salope qu’il faut employer, en précisant toutefois que le féminin salope peut avoir une forte connotation sexuelle.

Adventure game

Le 6 juin 2019

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Pauvre tour Eiffel ! Elle est considérée comme un des emblèmes de Paris, voire de la France. On pourrait dès lors supposer qu’elle s’exprime en français. Las, après avoir été ornée naguère d’un triste made for sharing, voici que pour fêter son 130e anniversaire, on invite les jeunes Franciliens et Parisiens à un grand adventure game en son sein. Parler de « jeu de piste » n’aurait-il pas été possible ? Espérons tout de même que les francophones auront également l’autorisation de participer à ces festivités.

Un roman par au lieu d’Un roman de

Le 6 juin 2019

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

En français, le complément d’agent est généralement introduit par la préposition par : La chèvre a été mangée par le loup. Il est, rarement, introduit par de – ainsi, dans Les Confessions, Rousseau écrit : « … Je posais mon livre au pied d’un arbre […] au bout de quinze jours, je le retrouvais pourri ou rongé des fourmis et des limaçons » – et, beaucoup plus rarement encore, par la préposition à, le plus souvent contractée avec un article défini – on lit dans Vagabondages, de Marcel Aymé : « On riait, on riait, on ne voyait pas du tout que le décor était mangé aux mites. » On dira donc un livre écrit par Balzac, un film réalisé par Renoir, un tableau peint par Picasso. En revanche, en l’absence de participes, le nom de l’auteur n’est pas un complément d’agent mais un complément du nom ; il est alors introduit par la préposition de : un livre de Balzac, un film de Renoir, un tableau de Picasso. On se gardera bien de remplacer cette préposition par par, notamment lorsque l’on traduit des textes de l’anglais vers le français et que l’on est tenté d’imiter la structure de l’anglais. On traduit a novel by Faulkner par « un roman de Faulkner » et non par « un roman par Faulkner ».

On dit

On ne dit pas

Un film de Chaplin

Un tableau de Hopper

Un film par Chaplin

Un tableau par Hopper

Nom d’un (petit) chien !

Le 6 juin 2019

Expressions, Bonheurs & surprises

Chez l’immense majorité des animaux un nom épicène désigne à la fois le mâle et la femelle, le jeune et l’adulte. Échappent au lot commun ceux que l’homme élève ou chasse. Dans ce cas, on tire généralement le nom de la femelle de celui du mâle : un chat, une chatte ; un lion, une lionne ; un éléphant, une éléphante ; un âne, une ânesse, même si certains ne suivent pas la règle, comme la vache et le taureau, le cheval et la jument ou le lièvre et la hase, etc. Mais, rappelons-le, il s’agit là d’exceptions ; très souvent, un seul nom sert à nommer les animaux auquel on ajoute, si le besoin s’en fait sentir, mâle ou femelle : une baleine mâle, un brochet femelle. C’était aussi le sort du nom crapaud, jusqu’à ce que Voltaire, à l’article Beau de son Dictionnaire philosophique portatif, se demande ce qu’était le beau pour un crapaud et écrive : « Il vous répondra que c’est sa crapaude, avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. »

Ce qui vaut pour les sexes, mâle ou femelle, vaut aussi pour les âges, adulte ou jeune. Nombre des jeunes n’ont en effet pas de nom, et, quand ils en ont un, il est très rare qu’il y en ait un pour les jeunes mâles et un pour les jeunes femelles, comme c’est pourtant le cas avec chevreau et chevrette (ou, plus familièrement, biquet et biquette), agneau et agnelle, mais encore aiglon et aiglonne, faon et faonne (que l’on n’oubliera pas de prononcer « fane »). Balzac parle aussi d’une oursonne et certains vont jusqu’à distinguer la truitelle du truiton. Quant à l’oisonne, elle semble désigner une jeune fille sotte et prétentieuse plus qu’un oison femelle.

Mais à côté de ceux-là, un des animaux domestiques les plus communs n’a pas de nom distinctif pour les petits : Chiot désigne un petit chien d’un sexe ou d’un autre. Certes le nom populaire des latrines rendait difficile la création d’un féminin à partir de ce dernier. Mais cette absence étonne d’autant plus que le latin distinguait catulus de catula. Ces noms, toutefois, pouvaient aussi désigner d’autres jeunes carnivores et Jacques de Vitry, qui fut évêque de Saint-Jean-d’Acre, alla jusqu’à employer catulos, proprement donc « chiots », pour désigner les fruits des amours illégitimes de prêtres ou d’évêques durant les croisades : « De cibis delicatis pascebant catulos suos quos de turpibus concubinis, ipsi turpiores procrearant » (« Ils nourrissaient avec des mets raffinés les petits chiens qu’ils avaient engendrés avec d’infâmes concubines, eux qui étaient plus infâmes encore »). À côté de catulus, on avait tiré du latin canis un autre diminutif, canicula, à l’origine du nom « canicule », qui a d’abord désigné une chienne, puis la période allant du 24 juillet au 24 août, ainsi nommée parce que l’étoile du Chien, Sirius, s’y levait en même temps que le soleil, et du nom « chenille », parce que la tête de cet animal ressemble à celle d’un chien. Pour désigner un petit chien, le français utilisa d’abord chael, une forme issue de catulus, puis chiennet, un diminutif de chien, que l’on rencontre, par exemple, dans Le Testament de Villon : « Item, je donne a Jehan le Lou, […] Ung beau petit chiennet couchant… » De chien a été tiré un autre dérivé, chenet, mais ce nom, proprement « petit chien », désigna très vite l’ustensile de métal que l’on dispose dans le foyer d’une cheminée pour servir de support au bois et en faciliter la combustion et qui est souvent orné d’une tête de chien ; nos amis anglais l’appellent firedog, « chien de feu », mais aussi andiron, un parent, tant pour la forme que pour le sens et l’étymologie, de notre landier, (un nom formé par l’agglutination de « l’andier », andier étant lui-même issu du gaulois *andéros, « taureau »). Tous ces termes nous amènent à penser que c’est parce qu’ils figurent des animaux qu’on appelait ainsi ces ustensiles. Mais à cette explication peut s’en superposer une autre : cet instrument, l’italien l’appelle alare, un nom tiré du latin lares, « les lares », parce que ces génies tutélaires sont, comme les chiens, les protecteurs des foyers.

Abdul S. (Sénégal)

Le 6 juin 2019

Courrier des internautes

L’expression : « du haut de ses vingt ans » est-elle correcte ? J’ai toujours été d’avis que cette expression devait être suivie de la taille.

Par exemple : « du haut de son mètre soixante ».

Abdul S. (Sénégal)

L’Académie répond :

Monsieur,

Hormis au sens propre (Il me toisait du haut de ses deux mètres), on emploie du haut de pour indiquer qu’une chose se fait d’une façon hautaine, avec une certaine supériorité.

Le nom qui suit cette locution est ce qui justifie théoriquement cette supériorité. On lit ainsi, chez Marcel Aymé : « [Mon père] faisait raison de la baleine de Jonas, du haut de ses certitudes biologiques. »

Et chez Gide : « Du haut de mes méditations, j’arrive à contemner [mépriser] fort bien tous ces soupirs de vieille amoureuse... »

André B. (France)

Le 6 juin 2019

Courrier des internautes

Bonjour,

Le mot compoids, ou compoix, a-t-il donné le mot compass en anglais ?

D’autre part, voulez-vous me donner l’étymologie de ce mot ?

André B. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,

Le Random, un dictionnaire anglo-américain, indique que compass vient de l’ancien français compas, tiré de compasser, lui-même emprunté du latin tardif compassare, « faire des pas égaux », puis « mesurer avec les pas ».

Quant à compoids, il s’agit, écrit Littré, « dans certaines provinces du Midi, [de la] répartition des impositions sur les fonds d’une communauté et [du] rôle de ces impositions ».

Ce mot, parfois écrit compoix, est formé du préfixe com- et de poids.

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