Dire, ne pas dire

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Souhaiter ses condoléances

Le 2 décembre 2021

Emplois fautifs

Les condoléances sont le témoignage de sympathie que l’on adresse à une personne qui vient de perdre un être cher. Il s’agit évidemment d’instants difficiles et il est naturel d’hésiter sur le choix des mots à employer pour exprimer sa compassion. Il convient néanmoins de rappeler que l’on ne doit pas dire « Je vous souhaite mes condoléances » mais « Je vous présente, je vous adresse mes condoléances », même si cette erreur s’explique facilement en raison de sa proximité avec la formule « Je vous souhaite beaucoup de courage », également employée dans cette situation.

« Des beaux yeux » pour « De beaux yeux »

Le 2 décembre 2021

Emplois fautifs

Quand un nom au pluriel est précédé d’un adjectif, il convient de remplacer l’article indéfini des par de : des garçons, de bons garçons. C’est ce que fait la langue écrite, mais aussi, souvent, la langue orale, comme le montre le fameux « T’as de beaux yeux, tu sais » de Jean Gabin à Michèle Morgan, dans Quai des brumes. Cet usage ne vaut plus, bien sûr, quand l’adjectif et le nom forment une locution nominale dont les éléments sont sentis comme inséparables. On dit donc acheter des petits pois, entendre hululer des grands ducs, croiser des grands-mères alertes (mais on dirait de délicieux petits pois, de magnifiques grands ducs, de vaillantes grands-mères).

on dit

on ne dit pas

De violentes rafales ont abattu les arbres

Il fallut de longs jours de travail

Des violentes rafales ont abattu les arbres

Il fallut des longs jours de travail

La montre des cordonniers

Le 2 décembre 2021

Expressions, Bonheurs & surprises

Dans la première partie de L’Éducation sentimentale, Flaubert parle de « la montre des cordonniers » ; il ne désigne pas, ce faisant, un appareil portatif indiquant l’heure dont disposeraient ces artisans, mais leurs étals. Dans la même page, la « montre des cordonniers » voisine d’ailleurs avec « les boutiques » et « l’éventaire des marchandes ».

On retrouve un sens assez proche de ce déverbal de montrer dans des expressions comme faire montre de, « faire preuve de » et, péjorativement, « faire étalage de » (encore un terme pris à la langue du commerce), ou être pour la montre et rien que de la montre employées pour dénoncer qui parade beaucoup et agit peu. Au sens précis d’« étal », en revanche, montre est aujourd’hui désuet. Il n’en va pas de même pour son équivalent italien, mostra, qui a encore, à côté des sens d’« exposition » et de « parade », celui de « vitrine ». Autre intérêt du substantif italien, la présence du « s », disparu en français, qui nous rappelle que montre et monstre ont une même étymologie.

Monstre est en effet emprunté du latin monstrum que le grammairien latin Pompeius Festus, dans son De verborum significatione (« Le Sens des mots »), au iiie siècle de notre ère, expliquait ainsi : a monendo dictum est […] quod monstret futurum et moneat voluntatem deorum (« il tire son nom de monere [avertir] parce qu’il annonce ce qui va se passer et avertit de la volonté des dieux »). Dans la langue religieuse, ce monstrum par lequel se manifeste la volonté divine apparaît le plus souvent sous la forme d’un être surnaturel : monstra dicuntur naturae modum egredentia, ut serpens cum pedibus, avis cum quattuor alis, homo duobus capitibus (« on appelle monstres des êtres qui outrepassent les lois de la nature, comme un serpent avec des pattes, un oiseau avec quatre ailes, un homme à deux têtes »).

Le verbe monstrare, dérivé de monstrum, a d’abord eu, dans la langue augurale, la même signification que monere, celle d’« avertir », mais, contrairement à ce dernier, il l’a rapidement perdue pour ne garder que celle d’« indiquer, montrer ».

Ce dernier sens nous invite à revenir à nos montres… Le sens ancien de montre, dont nous avons précédemment parlé, a disparu au profit de celui d’appareil portatif indiquant l’heure. Le nom montre a d’ailleurs suivi un chemin assez proche de celui qu’emprunta jadis son cousin le pendule ; ce dernier est en effet la réduction de l’expression « horloge à pendule », le pendule étant ce qui donne le mouvement à cet appareil. Par attraction, pendule, en ce sens, a changé de genre pour prendre celui d’horloge. Montre, lui, s’est d’abord rencontré dans l’expression montre d’une horloge, pour en désigner le cadran, qui « montrait l’heure », avant de se rencontrer seul pour désigner ce que la sixième édition du Dictionnaire de lAcadémie française définissait comme une « petite horloge qui se porte ordinairement dans une poche destinée à cet usage ».

Concluons en rappelant à quel point notre langue peut être subtile, qui distingue, d’un côté, le porte-montre, coussinet plat et enjolivé contre lequel on suspend une montre, ou petit meuble, en forme de pendule, où l’on peut placer une montre de manière que le cadran seul paraisse, et, d’un autre côté, le porte-montres, petite armoire vitrée où les horlogers exposent des montres, une montre pour les montres en quelque sorte…

Vous devez obligatoirement…

Le 4 novembre 2021

Emplois fautifs

L’adverbe obligatoirement signifie « d’une manière obligatoire, en vertu d’une obligation » et, de manière figurée, « nécessairement, inévitablement » ; quant à obligation, ce nom désigne, dans la langue courante, le lien moral qui fait devoir de remplir certains engagements, d’accomplir certains actes et, dans la langue juridique, le lien de droit qui oblige à faire ou à ne pas faire quelque chose. Les sens de ce nom montrent bien qu’il est superfétatoire d’ajouter cet adverbe après le verbe devoir, même si on le fait parfois pour donner plus de poids à son propos. On dira donc Vous devez être muni d’une pièce d’identité et non Vous devez obligatoirement être muni d’une pièce d’identité.

on dit

on ne dit pas

Les vainqueurs doivent retirer leur lot avant dimanche

Pour gagner, vous devez vous débarrasser de toutes vos cartes

Les vainqueurs doivent obligatoirement retirer leur lot avant dimanche

Pour gagner, vous devez obligatoirement vous débarrasser de toutes vos cartes

« Signer » employé avec un nom de personne comme complément d’objet direct

Le 4 novembre 2021

Emplois fautifs

Le verbe signer, « revêtir de sa signature », s’emploie avec un nom de chose comme complément d’objet direct : Signer un contrat, une requête, un arrêt ; Signer son engagement ; Signer une pétition, une protestation ; Signer un traité de paix. Il peut aussi s’employer absolument : Signer de confiance ; Je ne veux pas signer sans avoir lu ; Il a déclaré ne savoir signer. On le rencontre également avec un complément indirect : Signer à un contrat, y mettre sa signature, comme témoin ou par honneur.

Ces constructions sont correctes, mais ce n’est plus le cas quand on veut faire d’un nom de personne le complément d’objet direct de ce verbe. On évitera donc des tours comme Ce producteur a signé cet artiste prometteur ou Cette maison de disques rêve de signer ce chanteur, et l’on dira : Ce producteur a signé un contrat avec cet artiste prometteur ou Cette maison de disques rêve d’engager ce chanteur.

« Être confronté » au sens d’« Être aux prises » ou de « Devoir faire face »

Le 4 novembre 2021

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Dans la langue du droit, le verbe confronter signifie « mettre des personnes en présence l’une de l’autre pour opposer et vérifier leurs déclarations » (confronter des témoins à l’accusé, avec l’accusé). Dans la langue courante, il signifie « rapprocher deux choses pour les comparer » (nous avons confronté nos points de vue ; confronter deux écritures, des programmes politiques). Mais on ne doit pas employer ce verbe au passif avec le sens d’« être aux prises », de « devoir faire face », calque de l’anglais to be confronted with, « être placé devant (une difficulté, un obstacle) ».

on dit

on ne dit pas

Il a été en butte à l’hostilité de son entourage

Une entreprise aux prises avec de gros soucis de trésorerie

Il a été confronté à l’hostilité de son entourage

Une entreprise confrontée à de gros soucis de trésorerie

Christophe L. (Sainte-Adresse)

Le 4 novembre 2021

Courrier des internautes

Bonjour,

Dans un poème Toute la vie d’un cœur - Adolescence, Victor Hugo écrit « …ayant la fièvre, qui résiste aux Bezouts et brave les Restauds…. ». Que peuvent bien signifier ces deux noms propres (en majuscule dans le texte) ? Merci.

Christophe L. (Sainte-Adresse)

L’Académie répond :

Bezouts fait allusion au mathématicien Étienne Bezout, qui écrivit de nombreux manuels de mathématiques et d’algèbre. On lit d’ailleurs plus haut dans ce poème : « oubliant latin, grec, algèbre ». Restauds est peut-être lié à des personnages de La Comédie humaine, de Balzac, Anastasie Restaud (une des filles du père Goriot), son mari, le comte de Restaud, et son fils Ernest de Restaud.

Nicolas D. (Belgique)

Le 4 novembre 2021

Courrier des internautes

Bonjour,

Je souhaiterais connaître l’origine de l’expression « à la six-quatre-deux ».

Nicolas D. (Belgique)

L’Académie répond :

Cette expression fait allusion à une méthode rapide pour dessiner un profil ; on écrit ces trois chiffres les uns en dessous des autres : le 6 fait l’œil, le 4 le nez et le 2 les lèvres.

Fond, fonds, fonts

Le 7 octobre 2021

Emplois fautifs

Ainsi font, font, font les petites marionnettes, nous apprend la comptine. Mais à côté de ces trois font, reprise du verbe faire à la troisième personne du pluriel, il existe une autre triplette d’homonymes de ces formes : fond, fonds et fonts. Le premier, issu du latin fundus, cousin de l’anglais bottom et de l’allemand Boden, a de nombreux sens : il désigne ce qui constitue la limite inférieure (le fond d’une malle), ce qui est situé à la plus grande profondeur (le fond d’un puits), mais aussi ce qui est le plus éloigné de l’ouverture, de l’entrée (le fond de la salle) ; ce nom désigne enfin les qualités essentielles et permanentes d’un être (il a bon fond). La forme fonds peut être le pluriel de fond mais c’est aussi un nom autonome, qui désigne un bien ou un ensemble de biens de nature à permettre l’exercice d’une activité, d’une profession (un fonds de commerce) ; c’est aussi un capital, immobilier ou non, que l’on fait valoir (le fonds et le revenu) et c’est enfin un ensemble de ressources susceptibles d’être exploitées (le fonds d’une bibliothèque). La troisième forme, fonts, ne s’emploie qu’au pluriel ; elle appartient à la même famille que fontaine et ne se rencontre guère que dans la locution fonts baptismaux, qui désigne la vasque où l’on conserve l’eau bénite dont on se sert pour les baptêmes. Il est important de garder à chacun de ces mots sa juste orthographe.

on écrit

on n’écrit pas

Le fond de la cave

Les fonts baptismaux

Un bailleur de fonds

Le fonds de la cave

Les fonds baptismaux

Un bailleur de fond

Le code civil pour Le Code civil

Le 7 octobre 2021

Emplois fautifs

Le mot code est un nom commun et s’écrit donc avec une minuscule, sauf, bien sûr, quand il entre dans un titre : il prend alors la majuscule. C’est pourquoi on l’écrit le Code civil, le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code de procédure civile, le Code forestier, le Code rural, etc. Cependant, comme nombre de règles, celle-ci a une exception, puisque l’on écrit, sans majuscule à code, le code de la route, ce qui, somme toute, est logique puisque les articles qui le composent ne sont pas des textes législatifs mais règlementaires.

on écrit

on n’écrit pas

Un article du Code civil

Se référer au Code forestier

Une infraction au code de la route

Un article du code civil

Se référer au code forestier

Une infraction au Code de la route

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