Voleur est l’hyperonyme des noms qui désignent ceux qui, frauduleusement ou violemment, essaient de s’emparer du bien d’autrui. C’est un dérivé de voler, « dérober », qui est lui-même une extension de voler, « se déplacer dans les airs », le voleur étant étymologiquement caractérisé par la rapidité avec laquelle il commet ses forfaits. Mais ce qui fait essentiellement le départ entre les différents types de voleurs, c’est que les uns agissent par la ruse et les autres par la force. Dans Justesse de la langue françoise, ou les différentes significations des mots qui passent pour synonimes (sic), paru en 1718, l’abbé Girard dresse une intéressante typologie : « Le lârron prend en cachette, il dérobe. Le fripon prend par finesse, il trompe. Le filou prend avec adresse, il escamote. Le voleur prend de toute manière, et même de force, et avec violence. Le lârron craint d’être découvert ; le fripon d’être reconu ; le filou d’être surpris ; et le voleur d’être pris. » Ces écrits furent peu ou prou repris par Littré, qui écrit : « Voleur est le terme général ; on est voleur de quelque façon que l’on vole. Le filou est un voleur qui met la main dans les poches, qui subtilise une bourse, des foulards, etc. Le fripon est un voleur qui emploie quelque ruse : un domestique qui vole son maître en lui faisant payer les objets plus cher qu'il ne les a achetés est un fripon. »
(Notons que l’Académie ne décrit pas exactement ainsi le filou dans la deuxième édition de son Dictionnaire, où l’on peut lire : « Se dit d’Un homme qui s’adonne à voler la nuit dans les ruës. ») En ce qui concerne le nom larron, il ne s’emploie plus guère aujourd’hui que par référence à l’Évangile de saint Luc (23, 39-43), qui présente les deux voleurs crucifiés avec Jésus, le mauvais larron, qui l’insulte, et le bon larron, qui se repent de ses fautes et à qui Jésus dit qu’il entrera avec lui au paradis le soir même.
Brigand et bandit sont aussi des noms génériques que l’on emploie pour parler des voleurs qui recourent à la menace ou à la violence. Ils nous viennent l’un et l’autre de l’italien, le premier de brigante, « qui va en troupe », qui est lui-même dérivé de briga, « troupe ». L’origine de ce nom fait qu’on le rencontre ordinairement au pluriel : une bande, une troupe de brigands, un repaire de brigands, etc. Bandit est, quant à lui, emprunté de bandito, « banni ; hors-la-loi », le participe passé de bandire, « proscrire ». L’Académie définissait ainsi le nom bandit dans les quatre premières éditions de son Dictionnaire : « Celui qui ayant été banni de son pays pour crime, s’est mis dans une troupe de voleurs. Ce mot n’a guère d’usage en ce sens, qu’en parlant de quelques gens de cette sorte qui se trouvent au Royaume de Naples, ou en d’autres endroits d’Italie. » Force est de constater que ce nom s’est répandu bien au-delà de sa région d’origine et qu’il est aussi des bandits de ce côté des Alpes.
Cambrioleur désigne ordinairement un voleur qui pénètre par effraction au domicile d’autrui, ce qui est conforme à son étymologie puisque ce nom est issu du provençal cambro, « chambre ». Littré le présentait d’ailleurs ainsi : « Terme d’argot. Voleur par effraction dans les chambres, dites en argot cambrioles. »
Ces chambres étaient parfois dans les étages, aussi appelait-on parfois ceux qui s’y introduisaient frauduleusement des monte-en-l’air. Ce nom composé décrit bien la manière de procéder de ces voleurs ; il en va de même avec vide-gousset et tire-laine, nom dont Littré nous dit qu’il désignait « un Filou qui volait les manteaux la nuit ».
À cette série, même s’il ne s’agit pas d’un nom composé, on peut ajouter l’atroce chauffeur, qui désignait un brigand qui torturait ses victimes en leur brûlant la plante des pieds pour leur faire dire où était leur argent.
Le verbe piller a la particularité d’avoir donné deux noms, pillard, formé à l’aide du suffixe péjoratif -ard, et pilleur. Le premier, qui est parfois utilisé comme synonyme de plagiaire, peut s’employer de manière autonome pour désigner des voleurs qui agissent par la force, comme dans ils furent attaqués par une bande de pillards, tandis que le second a besoin d’un complément et ne s’emploie que dans des locutions figées, comme dans pilleur de tombes ou pilleur d’épaves. C’est une particularité qu’il partage avec détrousseur, qu’on ne rencontre plus guère aujourd’hui que dans la locution détrousseur de cadavres, alors qu’on disait aussi jadis détrousseur de diligences, détrousseur de grand chemin. Détrousseur est devenu rare, et on lisait déjà dans la deuxième édition de notre Dictionnaire : « Il est vieux. »
Signalons aussi qu’il existe des personnes souffrant d’une tendance pathologique à commettre des vols de manière répétée, et ce, sans autre utilité que celle de répondre à un désir obsédant de voler, les cleptomanes (le plus célèbre de ces voleurs, dans la fiction à tout le moins, est un fonctionnaire retraité, Aristide Filoselle, dont Hergé fit un personnage secondaire du Secret de la Licorne). Ce nom est tiré du grec kleptein, « voler ». Dans cette famille, on trouve aussi clephte, un nom emprunté du grec moderne klephthês, « brigand, combattant irrégulier », et qui fut donné aux montagnards libres de l’Olympe, du Pinde, etc., parce qu’ils faisaient fréquemment des descentes à main armée sur les terres cultivées et dans les villes soumises à la domination des Turcs.
Le latin fur désigne un voleur agissant par ruse pour soustraire les objets qu’il convoite, contrairement au latro, auquel on doit notre larron, qui, lui, n’hésite pas à user de violence pour commettre ses larcins, un nom issu d’un dérivé de latro, latrocinium, « vol à main armée, brigandage ». Dans la famille de fur, on trouve furunculus, à l’origine de notre furoncle et qui a d’abord désigné un petit bourgeon secondaire de la vigne, qui semble voler la sève de la tige principale, puis un follicule pileux enflammé. Fur évoque l’idée du mouvement incessant du rôdeur, idée que l’on retrouve dans ses dérivés furtif, furet et fureter. Enfin, on le retrouve dans le verbe, aujourd’hui hors d’usage, affurer.
Notons pour conclure que nombre de ces termes s’emploient avec un sens affaibli pour désigner des enfants turbulents ou espiègles. Féraud le signalait déjà dans son Dictionnaire critique de la langue française quand il écrivait au sujet de fripon : « Adjectif, il a un sens moins odieux : il ne signifie que gai, éveillé, coquet et quelquefois un peu libertin. » Il en va de même avec les noms filou, brigand ou bandit, qui ont tous des emplois hypocoristiques. C’était aussi le cas avec bandoulier, un nom issu, par l’intermédiaire du catalan bandoler, « brigand », du castillan bando, « bande, troupe », aujourd’hui hors d’usage et au sujet duquel on lisait dans la deuxième édition de notre Dictionnaire : « Brigand qui vole dans les montagnes. [….] Le peuple se sert de ce mot pour dire, Un mauvais garnement. »