Dans Les Contes du chat perché, Marcel Aymé fait du coq un animal stupide, vantard et querelleur. Il peut, pour porter ce jugement, s’appuyer sur la langue, puisque l’ancien français coquart, « sot, vaniteux », à l’origine de cocarde, signifiait proprement « qui fait le coq ». Notre animal est remis en place par un cheval qui le traite de petit brimborion. C’est à ce mot, un peu tombé en désuétude, mais qui appartient à une étonnante famille que nous nous intéresserons.
Brimborion désigne ordinairement des petits riens, des colifichets, des bagatelles mais, dans un chapitre de Souvenirs intimes du temps de l’Empire, intitulé « Le Brimborion du Petit Caporal », Émile Marco de Saint-Hilaire signale que les jeunes soldats de Napoléon appelaient aussi petit brimborion, la Légion d’honneur. Les brimborions sont aussi de menues prières que l’on bredouille, ce qui explique l’origine de ce nom. En effet brimborion est une déformation, due à l’influence du nom bribe, du latin ecclésiastique breviarium, désignant le livre liturgique contenant les offices que doivent dire ou lire chaque jour les clercs réguliers ou séculiers de l’Église catholique. Ce bréviaire devait être suffisamment petit pour que les moines des ordres mendiants puissent toujours l’emporter avec eux dans leurs déplacements (breviarium est un dérivé de l’adjectif brevis, « court »). Le bréviaire est en effet, littéralement, un abrégé.
Ce terme appartient spécifiquement à l’Église romaine. L’Église grecque orthodoxe nomme son équivalent, en insistant non sur sa taille mais sur le fait qu’on l’emporte partout, sunekdêmos, proprement « compagnon d’exil, compagnon de voyage », tandis que, dans l’Église orthodoxe russe, l’équivalent du bréviaire est appelé spoutnik, nom qui a d’abord eu, lui aussi, le sens de « compagnon de voyage », et auquel on a ajouté ensuite celui de « satellite ».
Revenons à notre Bréviaire, qui est donc tiré de brevis. Cet adjectif a donné d’autres noms : le bref, qui désigne à la fois une lettre pontificale, de moindre importance qu’une bulle et concernant des affaires privées, et le livret écrit en abréviations indiquant les rubriques du bréviaire pour chaque jour. C’est aussi de brevis qu’est tiré l’adjectif homonyme bref. Ce dernier s’est d’abord rencontré sous la forme brief, comme en témoignent les dérivés brièvement et brièveté. C’est sous cette forme que l’anglais nous l’a emprunté, avant d’en tirer le nom briefing. L’allemand, lui, en a fait le nom Briefe, « lettre, missive ».
Pour conclure, rappelons que, si en latin classique le superlatif de brevis est brevissimus, il y eut aussi une forme vite abandonnée, brevimus, contractée en brumus. On la trouvait associée au nom féminin dies, « jour », dans l’expression dies bruma simplifiée en bruma, qui désignait le jour le plus court de l’année, le solstice d’hiver. Par extension, bruma s’est aussi employé au sens d’« hiver », et c’est de ce bruma qu’est tiré le français brume, qui a d’abord désigné la période hivernale avant de prendre le sens du phénomène météorologique qui semblait le mieux la caractériser.