Année est dérivé du nom an, comme journée l’est de jour ou soirée, de soir. On ne peut donc que se réjouir du fait que l’on souhaite une bonne année plutôt qu’un bon an, c’est-à-dire plutôt un contenu, une durée qu’une date. An est issu du latin annus qui avait deux sens, celui d’« année », que nous connaissons, mais aussi, le monde romain étant essentiellement agricole, celui de « produit de l’année, récolte ». C’est ce sens que l’on retrouve encore dans La Montagne, quand Jean Ferrat chante, évoquant la vie des paysans ardéchois, « une année bonne et l’autre non ». Cette importance accordée aux récoltes explique que de annus, le latin ait tiré le nom annona, « annone », c’est-à-dire la production de l’année puis l’approvisionnement en blé, dont dépendait la paix civile.
C’est aussi de annus qu’est tiré, par l’intermédiaire de ant(e) anu, le nom français « antan », proprement « (ce qui date) de l’année précédente », lui-même à l’origine, dans la langue de l’élevage, du nom antenais, qui désigne un animal d’un an (comme aujourd’hui le nom anglais yearling, « pur-sang âgé d’un an »).
De leur côté, l’anglais year et l’allemand Jahr tirent leur nom d’une racine indo-européenne, jor-, qui pouvait désigner les années, mais aussi et surtout les saisons, appréhendées essentiellement par leur caractère cyclique. Cette racine est à l’origine du grec hôra, auquel nous devons, par l’intermédiaire du latin hora, le nom « heure ». Mais ce mot a d’abord désigné toute période de temps revenant régulièrement, les années, certes, mais aussi les saisons, les mois, les jours et les heures. Ce furent surtout les saisons qui intéressèrent les peuples de l’Antiquité, peuples essentiellement de cultivateurs et d’éleveurs. Dans la mythologie grecque, les Hôrai, que nous appelons improprement « les Heures », sont les filles de Zeus et de Thémis qui accompagnent les dieux et sont au nombre de trois puisque, aux temps archaïques, les Grecs ne comptaient que trois saisons, printemps, été et hiver. On invoquait surtout les deux premières, considérées comme les déesses de la vie et de la croissance.
À ces sens s’ajoutait celui de « moment favorable, propice » et, le cours de la vie des êtres humains étant traditionnellement comparé au déroulement d’une année, ce même nom désignait aussi la jeunesse, puisqu’elle est considérée comme le plus bel âge, celui qui est gros de toutes les promesses de récoltes à venir.
Concluons en rappelant que si heure vient du grec hôra et heur du latin augurium, ces deux termes ont été souvent confondus tant était forte la croyance que le bonheur d’une vie dépendait de l’heure de la naissance et que donc naître à la bonne heure était une promesse de nombreuses bonnes années.