Le nom bras nous vient, après avoir fait un détour par le latin, du grec. L’étymologie de ce nom peut nous amener à nous demander si avoir le bras long (« avoir de l’influence, des relations, du crédit ») n’est pas un oxymore et jouer petit bras (« être empêché par la crainte d’appuyer ses coups ») un pléonasme : le bras, c’est en effet ce qui est plus court, puisque brakhiôn, que les latins ont emprunté pour faire bracchium, forme d’où est issu le français bras, est, avec brakhuteros, un des comparatifs de brakhus, « court ». Mais, dira-t-on, plus court que quoi ? Sur la réponse à apporter à cette question, les avis des Anciens divergent. S’il faut en croire le De verborum significatione, de Pompeius Festus, un grammairien latin du iie siècle après Jésus-Christ : Brachium nos, Graeci dicunt brakhiôn, quod deducitur a brakhu, i. e. breve, eo quod ab umeris ad manus breviores sunt quam a coxis plantae (« Ce que nous appelons brachium, les Grecs l’appellent brakhiôn, mot tiré de brakhu, c’est-à-dire « court », parce que la distance qui va des épaules aux mains est plus courte que celle qui va des hanches à la plante des pieds »). Mais son contemporain Pollux de Naucratis, un grammairien grec, est d’un autre avis. Si le bras s’appelle ainsi, c’est parce que esti tou pêkheôs brakhuteros (« il (le bras) est plus court que l’avant-bras »).
Les choses se compliquent du fait que le grec brakhiôn désigne tantôt le bras proprement dit, c’est-à-dire la partie supérieure du membre, qui va de l’épaule au coude, et tantôt, par métonymie, l’ensemble composé du bras et de l’avant-bras, qui va par conséquent de l’épaule au poignet. De plus le grec avait encore d’autres termes à sa disposition : les mots agkôn, « bras » ou, mieux, « courbure du bras », et ses dérivés agkalai, « bras ouverts, qui embrassent », et angkalos, « ce qu’on prend dans les bras, brassée », puis « gerbe ». Ces extensions de sens existent aussi en français, puisque de bras on a tiré brasse, qui, avant de désigner un type de nage, a été une mesure de longueur, tout comme brassée, qui a désigné par la suite ce que l’on pouvait prendre dans ses bras. Enfin, en grec, bras se disait encore kheir, que nous traduisons généralement par « main », mais qui désigne aussi, comme le français bras, l’ensemble formé par le bras, l’avant-bras et la main. Ce nom kheir, qui est à l’origine des mots français commençant par chir-, se rencontre aussi dans le nom d’êtres monstrueux de l’Antiquité, les Hécatonchires, plus communément appelés les Cent-bras.
Il faut aussi reconnaître au nom bras l’honneur d’avoir sauvé l’adjectif ballant, participe présent de baller, qui était bien près de disparaître puisqu’on ne le trouve que dans l’expression avoir les bras ballants (« qui pendent le long du corps ») et rester les bras ballants (« sans initiative, sans activité »), alors que de nombreux autres mots de la même famille comme bal, ballet ou ballerine se portent bien. On notera avec amusement que ce sont les bras qui ont sauvé ce verbe signifiant « danser », alors qu’on aurait pu croire ce rôle dévolu aux jambes et aux pieds.
De bras dérivent aussi les mots bracelet, désignant aujourd’hui un bijou, mais qui était au Moyen Âge une pièce d’armure destinée à protéger le bras, rôle qu’elle partageait avec la brassière. Et on appelait autrefois braques, nom lui aussi issu de bracchium, les pinces des écrevisses. Bras désigne encore, par analogie, les membres antérieurs des chevaux, les tentacules des poulpes et des étoiles de mer, mais l’usage n’a pas voulu que l’on nomme ainsi les ailes des oiseaux, même si l’on trouve dans Le Cochet, le Chat et le Souriceau, de La Fontaine, cet étonnant portrait de coq qui a, selon le souriceau, « Une sorte de bras, dont il s’élève en l’air, / Comme pour prendre sa volée ».