Interventions dans le cadre du Dialogue de haut niveau à l’Université de Pékin (BEIDA)
sur la langue : sa présence et son futur
le 16 décembre 2014
Conférence de Mme Hélène Carrère d’Encausse,
Secrétaire perpétuel de l’Académie française
La présence de la langue française
Mesdames et Messieurs, c’est un grand honneur de parler de la langue française dans cette université prestigieuse où certainement d’autres Français ont déjà parlé de leur langue et de leur littérature.
Le thème que l’on m’avait proposé s’appelait à l’origine « Défense de la langue française », mais j’ai demandé qu’il soit changé. Je vais parler non pas de la défense de la langue française, mais de la présence et je dirais même de la puissance la langue française, car la langue française n’a pas besoin d’être défendue. Elle est, elle existe et elle se sent puissante. Je vais vous dire d’abord pourquoi la langue française n’a pas besoin d’être défendue, pourquoi elle est, pourquoi elle est présente et puis une fois que j’aurai exploré un petit peu les raisons de sa présence, je m’interrogerai sur les formes de sa présence contemporaine et sur les problèmes qu’elle peut aujourd’hui rencontrer.
La langue française n’a pas toujours eu la place qu’elle occupe dans le monde. On peut dire que l’histoire s’est développée d’une façon inattendue, elle aurait pu être différente. On peut avec la langue française faire de l’uchronie, dire : « et si il n’y avait pas eu le grand tournant du XVIe et du XVIIe siècle, est-ce que langue française serait la langue de la France ? Est-ce qu’elle serait une langue présente dans le monde ? »
C’est en effet au tournant des XVIe et XVIIe siècles que la langue française a commencé à s’installer et à avancer dans le monde. Au XVIe siècle, la langue française est la langue du roi de France, la langue de la région de Paris, mais, en même temps c’est une langue présente là où on ne l’attend pas, qui pénètre en Angleterre pour une bonne raison : la cohabitation franco-anglaise dans les périodes les plus éloignées de l’histoire fait que les Anglais installés sur le sol français ont adopté beaucoup de mots français. Je tiens à insister là-dessus parce qu’on évoque toujours la menace que l’anglais fait peser sur le français, le fait que des mots anglais pénètrent dans le français. Mais la vérité c’est qu’avant le XVIe siècle un nombre considérable de mots français ont envahi la langue anglaise et puis ils reviennent, vers le français maintenant. Les Anglais peuvent aussi se plaindre de la francisation de leur langue telle qu’elle s’est opérée dans le passé.
Alors langue du roi de France certes, mais le roi de France était installé à Paris et à cette époque-là sur le territoire, qui était le domaine royal, on parlait diverses langues, langues régionales, locales. Entre ce que disait le roi et ce que disait le paysan à 100 km de la capitale, la compréhension n’était pas grande. Et de surcroît au tournant du XVIIe siècle, deux langues courantes commencent à pénétrer le domaine royal.
Il s’agit tout d’abord du toscan, c’est-à-dire l’italien, par le théâtre qui est très à la mode au XVIIe siècle. Le roi de France Louis XIII, dont la mère est italienne, est passionné de théâtre italien et les reines Médicis ont toujours soutenu le théâtre italien.
Mais aussi c’est la période de l’Espagne triomphante et l’espagnol une langue de culture, une langue que porte la puissance politique et militaire du pays. L’honnête homme à Paris, là précisément où le français existe réellement, est extrêmement heureux de montrer qu’il parle l’italien et l’espagnol. La langue française, la langue du roi, est en compétition avec le latin, qui est la langue écrite des savants, avec l’italien et l’espagnol qui sont des langues appréciées de la bonne société, et en dehors de la capitale avec tous les parlers locaux.
Nous sommes passés de cette situation très instable à la promotion du français comme langue de la France grâce à deux événements fondateurs. En 1539 le roi François Ier décrète que le français sera la langue du roi, la langue de la justice, la langue des actes de justice, la langue officielle par laquelle se feront tous les actes officiels à l’intérieur du pays, même si à 100 km de la capitale on ne le parle pas. Puis en 1635 le cardinal de Richelieu, le grand ministre de Louis XIII, fonde l’Académie française pour que cette langue que le roi a dit être la langue du roi devienne une langue dotée de règles et dont chacun sache comment se servir. L’Académie française en définira le « bon usage ».
Avec ces deux dates nous avons le début de l’expansion du français qui était jusqu’alors en concurrence avec d’autres langues. La fondation de l’Académie française est un projet politique, une volonté politique. C’est la volonté, dans un pays dont on ne sait pas encore quelle est la langue dominante de doter la société d’une langue commune. Le peuple de France n’est pas une nation, au XVIIe siècle il rassemble des Bourguignons, des Provençaux, des Bretons qui ont le même roi, mais il est loin, à Paris. Avec ces populations hétérogènes, il faut faire une nation. Autour de quoi rassembler la nation ? Il y a bien un État, l’État du roi. Il faut aussi une nation qui sous-tende l’État, et ce qui va donner à l’État cette nation, c’est la langue française.
L’Académie que nous représentons est chargée de la définir, elle est chargée de lui donner des règles, elle est chargée aussi de la diffuser. Et à partir de ce moment-là, se produit une sorte de miracle historique. Certes le théâtre italien continue à exister, la gloire espagnole continue à séduire. Et presqu’à l’époque de la fondation de l’Académie française, Corneille écrit le Cid, une pièce à la gloire de l’Espagne qui rencontra à Paris un succès énorme, inimaginable, mais cela ne plaît pas à Richelieu parce qu’il considère que c’est la gloire de l’Espagne que le Cid fait applaudir par toute la France.
En même temps tout va très vite car on voit éclore et se développer ce qui est capital pour la France, la littérature. Déjà avant on a vu écrire en français Marot, Ronsard, Montaigne. Ce sont des écrivains français, mais à partir de cette époque-là le français devient la langue dans laquelle on écrit, on écrivait jusqu’alors en latin. S’épanouit une remarquable littérature française et le grand siècle de Louis XIV, le siècle de gloire, est le siècle d’une littérature somptueuse que toute l’Europe contemple.
Puis, ensuite, vint le XVIIIe siècle, le siècle d’une littérature des idées nouvelles qui mettent en cause le système politique et social. Le siècle des Lumières achèvera d’imposer la culture française et, ce qui est encore plus important, l’expansion du français hors de France. Mais dès le siècle de Louis XIV la France suscite un intérêt considérable. La reine Christine de Suède, qui avait invité Descartes à sa cour et qui le pensionnait, veut créer une académie suédoise à l’image de la française. Elle sera créée plus tard, c’est l’académie qui distribue aujourd’hui les prix Nobel. Elle a été créée deux siècles après l’Académie française, mais elle l’a adoptée pour modèle. La reine Christine est venue visiter l’Académie française à deux reprises et elle a rapporté la langue française à la cour de Stockholm.
La révocation de l’Édit de Nantes en 1685 par Louis XIV a fait fuir des Français dans les cours allemandes, au Pays-Bas et ils y ont apporté le français. La langue française a ainsi circulé, elle fut adoptée dans les pays européens grâce à la gloire du siècle de Louis XIV, puis au XVIIIe siècle, siècle des idées nouvelles, siècle des Lumières où toutes les Cours veulent avoir leur philosophe français et le Français devient la langue que l’on parle à la cour. Frédéric II a ainsi convié Voltaire, Catherine de Russie a eu Diderot. À la cour de Frédéric II, à la cour de Russie, à Stockholm, aux Pays-Bas, en Angleterre naturellement, c’est une vieille tradition, on parle français. Le français qui était d’abord la langue de Paris, la langue du roi de France est devenue la langue de l’Europe, la langue de la conversation parce que ce qui sert à la diffuser ce sont les auteurs français, les idées qu’ils portent. Le français était la langue de la littérature. Il y a des pays qui sont des pays foncièrement littéraires, des pays où la littérature est essentielle. Il y en a deux en tout cas, la France et la Russie. Ce sont des pays où la littérature compte plus que tout et c’est cette littérature française qui a projeté la langue française à l’extérieur. Ce qui a aussi permis le développement de la langue, c’est la conversation, un art proprement français qui a été à partir du XVIIe siècle développé avant tout par les femmes. Les femmes de la bonne société ont dans les salons fait de la conversation un art véritable. Elles ont développé par la conversation une sociabilité qui était un phénomène encore inconnu en Europe et cette sociabilité, cet art de la conversation, les auteurs français que toute l’Europe s’est arrachés, tout cela a fait que le français s’est installé en Europe qui jusqu’à la fin du XIXe siècle va « parler français ».
De surcroît le français l’a emporté à l’intérieur de son territoire grâce à l’école. Au XIXe siècle, l’enseignement obligatoire l’a installé partout. Dès la Révolution française, l’Abbé Grégoire à la tête des Conventionnels avait décrété qu’il fallait supprimer tous les patois, toutes les langues locales ; la France n’avait qu’une seule langue, la nation française était rassemblée autour d’une seule langue, le français. L’idée de Richelieu, soutenue à la Révolution par l’Abbé Grégoire, a triomphé grâce à l’école républicaine.
À la fin du XIXe siècle, le français a recouvert tout l’espace français. La langue française est aussi la langue de toutes les Cours des sociétés aristocratiques européennes. Le français est alors la langue des relations internationales, la langue de la diplomatie, la gloire du français ne connaît apparemment pas de limites.
S’y ajoute encore un autre facteur au XIXe siècle, c’est un facteur dont il n’est pas toujours correct de parler, mais c’est le phénomène colonial. La France conquiert des colonies, elle s’installe en Afrique et en Asie et ce qu’elle y apporte n’est pas seulement sa puissance, mais des écoles, des hôpitaux où l’on parle français. Les peuples conquis n’ont pas eu le choix, mais on peut dire que le français s’est ouvert sur de nouveaux continents. Signe de sa vitalité, il est encore présent en Amérique du Nord, même si la France y a perdu depuis longtemps ses possessions. « La belle province », le Québec, a cessé d’être française, mais la langue française reste sa langue. À la fin du XIXe siècle, la nation française est rassemblée autour du français, l’empire français a essaimé en Afrique et en Asie et installé là la langue française, cette langue se maintient au Québec et elle est la langue de culture de la grande société européenne et des relations internationales. C’est une conquête formidable.
Après la Première guerre mondiale et surtout après la Seconde, le tableau change totalement, mais au fond il a commencé à changer en 1918. Après la Seconde guerre mondiale, premier changement : la langue française qui était la langue internationale, la langue de la Société des Nations, la langue des accords internationaux, n’est plus que l’une des langues internationales. Une langue est en train de tout balayer, c’est la langue américaine. La puissance américaine domine les relations internationales et la vie internationale se déplace. La conférence de San Francisco qui crée le monde nouveau en 1945 se tient aux États-Unis, les Nations Unies s’installent aux États-Unis. Le français est l’une des langues internationales, mais il a perdu sa position privilégiée, il n’est plus « la » langue internationale.
Le second point est la décolonisation. Les empires s’effacent et la France quitte l’Afrique, elle quitte l’Asie et on pourrait penser que la langue française va disparaître, que c’est le recul de la langue française. Certes, dans le domaine des relations internationales, non seulement la France a dû partager avec d’autres langues son ancien statut privilégié, aux Nations Unies et à l’intérieur de cette Europe qui est en train de se créer, mais en même temps l’histoire accomplit alors un miracle, c’est la francophonie.
Jusqu’alors on avait conservé le français au Québec. Mais les États africains devenus indépendants ou les États d’Asie auraient pu décider de s’attacher à leur langue propre, de développer des langues autour desquelles ils constituent des nations ou qui leur paraissent symboliser leur nation. Or ce sont d’anciens sujets, d’anciens colonisés, d’anciens hommes de l’Empire français qui vont inventer l’idée de la francophonie, qui vont, dire : nous avons vécu avec la France, la langue française nous a conduit jusqu’à l’indépendance et bien nous adoptons la langue française, pas toujours comme langue d’État, mais comme langue de culture, langue de cœur. Ces sujets de l’ancien Empire, Léopold Sédar Senghor, un Sénégalais, Hamani Diori, Habib Bourguiba ont inventé la francophonie. Ils défendent l’idée que le français qui leur a été imposé par la colonisation, est la langue qu’ils vont partager désormais, parce que c’est la langue du cœur, la langue de leur choix, la langue du monde de leur indépendance et de la culture qu’ils décident d’adopter tout en ayant une culture propre, car cela ne les dépossède de rien.
La francophonie est quelque chose d’extraordinaire. La francophonie n’est plus l’affaire des Français, c’est l’affaire de tous ceux qui y adhèrent, c’est la langue française. Aujourd’hui la francophonie, née pratiquement dans la mouvance de la décolonisation, qui vient de tenir son dernier sommet à Dakar en décembre 2014 et compte soixante-dix pays dont des pays qui ne sont pas du tout francophones. En Lituanie, en Arménie, en Géorgie, au Kosovo, peu de gens parlent le français, mais si ces pays veulent entrer dans la francophonie, c’est parce qu’ils considèrent que l’univers de la langue française, est l’univers auquel ils veulent adhérer car la langue française est le partage d’une littérature, d’une civilisation, de principes moraux, humains et spirituels. Ce n’est pas la France qui l’impose, personne n’impose la francophonie, c’est le choix que font de nombreux pays. Et aujourd’hui la langue française, dont on avait pu croire en 1945 qu’elle allait rétrécir son champ d’action, est présente sur tous les continents sans que personne n’exerce de pression pour cela, c’est une adhésion volontaire. Le tableau est au fond extrêmement heureux.
La langue française est la langue de la nation française. Elle a perdu son statut de langue internationale, mais elle est une langue internationale. Comment ne pas admettre l’arrivée sur la scène internationale d’autres nations et d’autres cultures ? La francophonie donne à la langue française un statut international qu’elle n’avait pas jusqu’alors et qui par conséquent est destiné à s’étendre. Quand on regarde l’Afrique, continent d’une vigueur démographique extraordinaire, on peut imaginer les progrès à venir de la francophonie va devenir. Le monde de la francophonie peut devenir un monde égal à celui de la Chine.
Incontestablement la langue française connaît quelques problèmes et ce sont des problèmes qui lui sont propres, à l’intérieur de son territoire, en France. La langue française parlée en Afrique est une langue magnifique. La langue française parlée au Québec est une langue magnifique. C’est plutôt avec eux-mêmes que les Français ont quelques problèmes.
D’abord parce que dans le grand changement qui s’est produit à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, il en est un sur lequel je vais insister une seconde, c’est que la révolution scientifique et technique très rapide qui caractérise notre temps est une révolution qui s’opère essentiellement en langue anglaise ou plutôt en américain. Je ne dirais même pas en américain, mais dans une langue appauvrie, mais qui tend à devenir ce que le français a presque été au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, une langue universelle, la langue dans laquelle tout le monde s’exprime, et évidemment le français souffre de la compétition avec cette langue. Il est en compétition d’une part parce que cette langue américaine est utile, elle est un moyen de communication et le français se laisse pénétrer par beaucoup de mots anglo-américains. La langue anglaise a adopté aux XIVe et XVe siècles énormément de mots français et souvent nous les récupérons sans savoir même qu’ils sont d’origine française. Néanmoins la langue française peut être menacée par cette invasion de mots étrangers. Il y a une tentation dans la société française de considérer après tout que, puisqu’il y a une langue de communication universelle, pourquoi ne pas l’adopter, lui donner le pas sur le français par commodité.
Un troisième point est que la France elle-même change de visage. Elle devient terre d’accueil de populations différentes, dont le français n’est pas la langue et par conséquent, la situation de la langue française commence à poser des problèmes. Les esprits pessimistes considèrent que le statut de la langue française comme langue commune est menacé alors qu’il n’en est rien. Ce problème des migrations est un problème très intéressant. La France est un pays de migrations. Aujourd’hui ceux qui sont installés en France, dans un temps où chacun revendique sa culture et son identité, ceux qui ont pris racine en France incorporent aussi leur propre langue à la langue française. Comment partager ? Quelle place la langue française peut-elle faire à ces apports extérieurs ?
Ce sera mon dernier point. Je reviens sur l’Académie française parce que j’ai commencé par elle et je termine par elle. L’Académie française avait été chargée par Richelieu de dire ce qu’était la langue française et son « bon usage ». Pendant plus de trois siècles, elle a mis en lumière une langue française considérée comme pure de tout apport extérieur, pure des apports régionaux, des patois que l’on parlait partout, indemne de l’apport de mots étrangers. Le français a été une langue exigeante, aujourd’hui ce temps est passé. D’abord parce que les nouveaux modes de communication véhiculent des vocabulaires innombrables, il est très difficile à une langue de s’en protéger. Ce temps est passé aussi en raison des mots ou expressions apportés à la langue par les populations immigrées et enfin aussi parce que nous sommes au temps où chacun rêve, et notamment les provinces, de réincorporer dans leur langue, dans leur vie quotidienne leur propre vocabulaire.
Le dictionnaire de l’Académie française est le témoin de cette transformation de la langue. La langue française pendant trois siècles a été fermée aux parlers des provinces, aux mots étrangers, elle a été fermée d’ailleurs à beaucoup de choses, mais elle se sent forte, elle a été utilisée mondialement. Elle est ouverte aux innovations et aux enrichissements. Le dictionnaire de l’Académie française dans son édition actuelle est deux fois plus long que l’édition précédente, il compte 6O 000 mots au lieu de 30 000 précisément, parce qu’il accueille des mots des provinces, parce qu’il accueille des mots qui viennent souvent de peuples différents. Il accueille ce que nous appelons la diversité de la société française et du même coup la langue en retire une plus grande vitalité.
Je conclurai en disant que la langue française n’est certainement pas menacée. Aujourd’hui ce ne sont pas les langues qui sont menacées, ce sont les nations. Pas celle de la Chine qui est une grande nation, solide, elle est tranquille. Mais les nations européennes sont menacées par des rêves particularistes, le rêve provincial, le rêve régional. Nous avons en Europe la Charte des langues régionales des langues minoritaires, une charte qui permet théoriquement, dans tous les pays, aux habitants qui revendiquent un vocabulaire, une langue qui est la langue de leur région, si elle a une longue histoire, et dans tous les pays il y a des régions qui ont des langue ; la charte de langues régionales leur permet théoriquement de se réclamer de cette langue au sein du pays où ils vivent. Pour l’enseignement et le Droit, cela aboutit à des résultats curieux. L’Espagne est aujourd’hui menacée de dislocation. En Catalogne on parle catalan, du côté de Séville on parle le sévillan et pour l’ensemble des Espagnols l’espagnol, langue commune, recule et le castillan est seulement la langue de la Castille.
La France n’en est pas là précisément parce que Richelieu a construit la nation autour de la langue. Mais aujourd’hui une même préoccupation anime le roi d’Espagne et les autorités françaises : affirmer que la nation est d’abord définie par une langue. La langue peut adopter des termes provinciaux, elle peut faire place à ses côtés aux langues des provinces, mais la nation, elle, est unique et elle s’articule autour d’une langue. La Constitution française le dit : pour l’article 2 de la Constitution le français est la langue de la France. Le roi d’Espagne a célébré à la fin de 2014 le 300e anniversaire de l’Académie royale d’Espagne, qui ressemble comme une sœur à l’Académie française. Dans son discours solennel il a dit : nous parlons espagnol, la langue de la nation est l’espagnol. Ce propos en Espagne est révolutionnaire.
Pour conclure, ce qui fait la force de la langue française c’est qu’elle est la fois la langue autour de laquelle s’est construite la nation qui a donné corps à la nation française à toutes les étapes de son histoire et en même temps cette langue est forte, parce qu’elle a été portée par les écrivains, c’est-à-dire la culture, que c’est aussi la langue de la francophonie, c’est-à-dire de tous ceux qui dans leur cœur ont adopté le français. Vous n’êtes pas dans la francophonie, mais je constate qu’en Chine, l’idée francophone est puissante et je vous en suis infiniment reconnaissante. J’aimerais que nous ayons aussi une sinophilie en France.