Bonjour,
Pendant un cours sur l’étymologie latine de mots français, nous nous sommes rendu compte que les significations actuelles s’étaient, peu à peu, écartées de l’origine. Prenons comme exemple décimer. Ce mot désigne, à la base, l’action de l’armée romaine de tuer un homme sur dix. Mais aujourd’hui, nous utilisons ce mot pour parler d’une épidémie, d’une catastrophe même lorsque celle-ci tue beaucoup plus qu’un homme sur dix. Nous voici à ma question : ne serait-il pas intéressant de n’utiliser ces mots, dans notre français moderne que pour véritablement désigner la signification originale au lieu de les déformer selon notre volonté ? Ne serait-ce pas une certaine « vulgarisation » de la langue qui opère ?
Je vous remercie du temps que vous prendrez à me répondre,
William H. (France)
L’Académie répond :
Monsieur,
Le latin et le français sont deux langues différentes, liées par un rapport de parenté ; il peut donc arriver que des mots n’aient plus le sens qu’avait leur lointain ancêtre. Malgré son étymologie une piscine n’est pas un « endroit où l’on élève des poissons », un caméléon n’est pas un « lion nain », et le verbe noyer n’a pas le sens de « tuer (par n’importe quel moyen) », etc.
Ce sont justement ces déplacements de sens qui sont intéressants.
J’ajoute que nous ne déformons pas les mots selon notre volonté. Si nous donnons à décimer le sens qu’il a aujourd’hui, c’est parce que nous avons reçu, dès la fin du xviiie siècle, ce sens en héritage.