Le nom ciel a l’étrange particularité d’avoir deux pluriels différents. L’Académie française avait déjà noté ce point dans la première édition de son Dictionnaire : « Ciel, signifie aussi, Le haut d’un lit. Le ciel du lit. […] Au pluriel on dit des ciels de lit, & non pas des cieux. […] On dit en termes de Peinture le ciel, les ciels. Ce Peintre fait bien les ciels. » Bernard Jullien (1798-1881), qui assista Littré pour les questions grammaticales de son Dictionnaire a ainsi expliqué ce point : « Le ciel, à proprement parler, est cette partie de la voûte azurée que nous voyons ou que nous concevons comme renfermée dans un horizon déterminé. C’est dans ce sens qu’on dit : Le ciel de la Provence et celui de l’Italie sont bien différents des ciels de l’Angleterre et de l’Écosse ; ce peintre réussit admirablement dans les ciels. Les ciels de lit tirent leur nom de leur forme et de leur position au-dessus de nos têtes ; et ces exemples nous montrent que, quand on compte les ciels, c’est-à-dire quand on passe au pluriel entendu dans la rigueur de la définition, on le forme régulièrement en ajoutant un s au singulier. Le mot cieux, au contraire, indique non la pluralité, mais l’universalité indivise de la sphère céleste, ou, au figuré, la Providence, le pouvoir céleste. »
Ce double pluriel s’explique aussi par le fait qu’au Moyen Âge, en effet, les noms terminés en -el ou en -iel faisaient leur pluriel en -eux. Rappelons qu’à l’origine le singulier de cheveux était chevel et que le pluriel de tel s’écrivait tex ou tieus. Aujourd’hui ces formes ont été unifiées : par analogie avec le pluriel, la langue a choisi le singulier cheveu, et fiel et miel ont comme pluriel fiels et miels (et non fieus ou fieux et mieus ou mieux).