Dire, ne pas dire

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Deutsche Qualität

Le 1 mars 2012

Bloc-notes

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Cette publicité germanique envahissant – occupant – nos écrans de télévision afin de vanter Das Auto de marque allemande m’a fasciné. D’autant plus qu’on m’a assuré qu’elle avait été conçue par des Français. En outre, pour une voiture emblématique de l’Hexagone, on a jugé bon de faire la promotion de ce véhicule en allemand.
Das Auto, durant quelques jours, est devenu ma « madeleine ». J’ai quelques mots germains inscrits dans ma mémoire : Achtung Minen, Feldgendarmerie. Il vaut mieux laisser quelques autres enfouis. Je n’ai pu refouler deux d’entre eux : Panzer – c’était un véhicule fait pour l’exportation, des rives de la Volga à la Libye – et, naturellement, l’agence de communication de l’époque, l’efficace Propagandastaffel.
Je me suis ainsi promené dans les méandres de 1942, quand brusquement je me suis souvenu – peut-être à cause des deux derniers chiffres – de 842.
Cette année-là, les fils puînés de Louis le Pieux – l’héritier de Charlemagne – se dressent contre Lothaire, l’aîné, que leur père a choisi comme successeur.
À Strasbourg, en février 842, les deux puînés prononcent des serments d’alliance contre Lothaire. Chacun des deux prétendants s’engage dans la langue de son allié. Charles le Chauve s’exprime dans celle de son frère Louis le Germanique, la lingua teudisca, l’ancêtre de l’allemand. Et Louis le Germanique, dans celle de son frère Charles le Chauve, la lingua romana rustica. Ainsi c’est un Germanique qui prononce le premier texte français connu. Et c’est un « historien » contemporain de ce IXe siècle qui le consigne en langue vulgaire.
Ce texte est encore plongé – par son vocabulaire, sa syntaxe, sa morphologie verbale – dans le latin. Mais il est 1a source de « l’ancien français ».
C’est donc un point de repère essentiel dans l’histoire du français et de la France et aussi dans l’histoire de la Germanie. Car à Verdun, en 843, les trois petits-fils de Charlemagne se partagent l’Empire carolingien. À l’aîné, Lothaire, la Lotharingie, de la Frise à l’Italie, et le titre impérial. À Louis le Germanique, la Francie orientale, qui deviendra la Germanie. À Charles le Chauve, la Francie occidentale, bordée par l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône. Plus tard ce sera le Royaume de France.

Les deux langues des serments de Strasbourg deviennent, l’une, la langue de la Germanie, l’allemand, et l’autre, la langue de la France, le français.
On s’est beaucoup querellé, récemment, à propos de l’identité nationale. La réponse est dans le serment de Strasbourg : la langue est le fondement de l’identité. Une nation qui perd sa langue, disparaît avec elle.
Deux frères, à Strasbourg, ont affirmé leur différence et leur union en prêtant serment dans la langue de l’autre. Quelle leçon ! Deutsche Qualität ! Qualité française !

Max Gallo
de l’Académie française

Décimer

Le 1 mars 2012

Emplois fautifs

Ce verbe nous vient du latin decimare, qui signifie Punir de mort un soldat sur dix après tirage au sort, lorsqu’une unité s’était mal conduite.

C’est pourquoi Décimer s’emploie en français lorsqu’on veut indiquer qu’une partie, souvent importante, d’un groupe, d’une population a péri. On ne le confondra pas avec le verbe Exterminer, qui marque l’anéantissement, la destruction complète d’un ensemble d’être vivants.



Abonder

Le 1 mars 2012

Extensions de sens abusives

L’emploi transitif de ce verbe doit être strictement limité au domaine de la comptabilité. On abonde un compte, un budget, un fonds, on l’approvisionne en argent, on le crédite.

On évitera tout emploi figuré comme Abonder un dossier, un projet, abonder le débat, pour dire le nourrir, l’enrichir ou, par une image usuelle, l’alimenter.

Bonheur-du-jour

Le 1 mars 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

Certains mots ont un charme évocateur. Ainsi ce nom de Bonheur-du-jour, désignant un bureau de dame du XVIIIe siècle, servant à la fois d’écritoire et de meuble de rangement pour papiers et objets précieux, posé sur quatre pieds fins reliés par une entretoise, évoque les habitudes et les plaisirs de temps révolus.

Autre bonheur, les deux explications données à la formation du mot lui-même : ou bien l’enthousiasme et le plaisir que souleva en son temps ce nouveau meuble, ou bien la place qu’on lui réservait, non loin d’une fenêtre, pour qu’il soit éclairé par la lumière du jour.

À l’encontre de

Le 2 février 2012

Emplois fautifs

Il convient de rappeler le sens exact de cette locution, souvent mal employée. À l’encontre de signifie À l’opposé de, En opposition à. Cela va à l’encontre de vos intérêts. Une décision prise à l’encontre de la volonté générale.

On ne la confondra pas avec À l’égard de, À l’endroit de ou Envers.

On dit On ne dit pas

Il a des torts envers vous

Se montrer sévère à l’égard de, à l’endroit de, envers…

Une menace, une accusation à l’endroit de, envers…

La violence à l’endroit des femmes, envers les femmes

Il a des torts à votre encontre

Se montrer sévère à l’encontre de…
 

Une menace, une accusation à l’encontre de…

La violence à l’encontre des femmes

 



Déni, dénégation

Le 2 février 2012

Extensions de sens abusives

Ces deux termes, que l’on peut rapprocher du verbe Dénier, ne doivent pas être employés l’un pour l’autre.

Déni est un terme de la langue juridique, surtout connu par la locution Déni de justice. Il y a déni de justice quand est refusé ce qui est dû, ce qui est juste. On ne parlera donc pas de Déni de réalité ou de Déni de vérité, alors qu’on veut dire « Négation de la réalité » ou « Négation de la vérité ».

Dénégation désigne le refus d’accepter, d’admettre, de reconnaître, d’avouer ce qui est. On fait un signe de dénégation, on soupçonne quelqu’un malgré ses dénégations.

L’expression Être dans le déni, employé pour dire tout simplement « Nier avec constance » est fautive. La dénégation n’étant ni un état d’esprit, ni un sentiment, on évitera de même Être dans la dénégation.

Dîner par cœur

Le 2 février 2012

Expressions, Bonheurs & surprises

La langue familière a créé anciennement cette locution pour dire Se passer de manger, N’avoir pas de quoi manger. Faisant peut-être de l’imagination et de la mémoire les recours d’un estomac vide, elle constitue une variante de Dîner avec les chevaux de bois.

Le remède réside sans doute dans le sommeil puisque, comme l’indique la sagesse populaire, Qui dort dîne.

Débuter / démarrer

Le 5 janvier 2012

Emplois fautifs

Le verbe Débuter ne peut avoir de complément d’objet direct. On dira Il débute, il débute dans la carrière, à la radio, comme chef d’orchestre, et non Il débute sa carrière de chef d’orchestre. On dit Il commence sa journée, il engage une procédure, il ouvre la séance, et non Il débute sa journée, il débute une procédure, il débute la séance.

Il en va de même pour le verbe Démarrer, dans ses significations usuelles. La voiture démarre, le moteur démarre, on les fait démarrer. On ne dira pas On démarre la voiture. L’émission peut démarrer, le journaliste commence l’émission. On ne dira pas Démarrer l’émission.

Toutefois, dans son sens premier, Démarrer, signifiant « détacher une embarcation amarrée », admet un complément. On démarre un navire, on en largue les amarres.



Second / Deuxième

Le 5 janvier 2012

Emplois fautifs

On peut, par souci de précision et d’élégance, réserver l’emploi de second aux énoncés où l’on ne considère que deux éléments, et n’employer deuxième que lorsque l’énumération va au-delà de deux. Cette distinction n’est pas obligatoire.

On veillera toutefois à employer l’adjectif second, plus ancien que deuxième, dans un certain nombre de locutions et d’expressions où il doit être préféré : seconde main, seconde nature, etc., et dans des emplois substantivés : le second du navire.



Onze heures passées de dix minutes

Le 5 janvier 2012

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Cette manière d’indiquer l’heure est une affectation très en usage à la radio. On dira Il est onze heures et dix minutes ou, plus simplement, il est onze heures dix.

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