Dire, ne pas dire

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Mario Le S. (Mériadec)

Le 10 juin 2014

Courrier des internautes

Dans un fil de pensées profondes, je me suis heurté à un problème.

En effet, je n’ai pas trouvé de moyen d’exprimer le nom commun pour le verbe « deviner ».

Existe-t-il, au contraire de « devinage » ou « devination », des façons reconnues de faire passer cette idée ?

Curieusement, un interrogateur.

Mario Le S. (Mériadec, 12 novembre)

L’Académie répond

Vous avez raison, il n’existe pas de noms désignant l’action de deviner. Devinette désigne la chose qu’il faut deviner et non le processus.

Divination existe mais le mot renvoie seulement au sens premier de deviner :

« DIVINATION n. f. XIIIe siècle. Emprunté du latin divinatio, « divination, art de prédire, pressentiment ». Art de découvrir ce qui est caché aux autres hommes, et particulièrement l’avenir. Les augures pratiquaient l’art de la divination. L’étude du vol des oiseaux, l’examen des entrailles des victimes étaient des procédés de divination utilisés par les anciens. Divination par l’interprétation des songes. »

Vous pouvez toujours avoir recours à un groupe nominal tel que « l’art de deviner », par exemple.

Décade pour décennie

Le 5 mai 2014

Emplois fautifs

Le nom Décade est emprunté, par l’intermédiaire du latin, du grec dekas, dekados, « nombre dix, dizaine » ; on l’emploie en français pour désigner un ensemble de dix éléments et, en particulier, une partie d’un ouvrage composée de dix livres, de dix chapitres, ou encore une période de dix jours. On dira ainsi que les livres de Tite-Live sont organisés en décades ou que les mois républicains comptaient trois décades.

Décennie, qui est composé à partir du latin decem, « dix », et annus, « année », désigne une période de dix ans. On se gardera d’employer décade avec ce sens. Cette erreur, que l’on trouve chez de bons écrivains, provient d’une confusion avec l’anglais decade, qui désigne une période de dix jours ou de dix ans. Songeons, pour ne pas oublier le vrai sens de décade, que le film de Claude Chabrol, La Décade prodigieuse, est tiré du roman Ten Days’s Wonder, d’Ellery Queen.

 

Pour pas que au lieu de pour que ne pas

Le 5 mai 2014

Emplois fautifs

La subordonnée complétive de but, encore appelée complétive finale, peut être introduite, entre autres, par la locution conjonctive pour que : Il prie pour qu’il pleuve. Lorsque cette subordonnée est à la forme négative, la négation se trouve à l’intérieur de la subordonnée, c’est-à-dire après pour que : Il prie pour qu’il ne pleuve pas. Placer la négation pas, ou ne pas, entre pour et que est une incorrection, qui s’accompagne souvent de l’omission de la négation ne.

on dit

on ne dit pas

Fermez la porte pour que les enfants ne sortent pas

Il va le voir pour qu’il ne se sente pas seul

Fermez la porte pour ne pas que les enfants sortent

Il va le voir pour pas qu’il se sente seul

 

Tiret pour trait d’union

Le 5 mai 2014

Emplois fautifs

Le trait d’union, comme son nom l’indique, est un signe de ponctuation qui sert à relier deux éléments, auparavant disjoints, pour qu’ils ne forment plus qu’une seule entité linguistique. Dans la longue histoire des mots, la liaison par un trait d’union suit généralement la simple juxtaposition et précède la soudure. On voit ainsi dans Le Voyage de La Pérouse autour du monde (1797) le terme portefeuille encore écrit en deux mots (« le porte feuille de ce peintre »), alors que, depuis 1718, l’Académie française écrivait porte-feuille dans son Dictionnaire, ce qui montre que les deux graphies ont longtemps cohabité. La forme soudée portefeuille entrera dans ce même Dictionnaire en 1835.

Le trait d’union sert également à relier deux éléments qui conservent chacun leur autonomie : Le train Paris-Granville. C’est le trait d’union qui est aussi utilisé pour signaler la coupure d’un mot en fin de ligne.

Il convient de ne pas confondre le trait d’union et le tiret, qui sont d’ailleurs, en typographie, bien distincts. Le tiret sert à isoler différents éléments. On l’utilisera par exemple dans des énumérations sous forme de liste :

Vous devez avoir avec vous :

– votre permis de conduire,

– la carte grise du véhicule,

– le certificat d’assurance du véhicule.

Les tirets peuvent aussi encadrer une incise et annoncer le changement de personnage dans un dialogue.

N’oublions pas, pour finir, que la locution trait d’union ne prend jamais de trait d’union.

 

Éditorialiser

Le 5 mai 2014

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

On entend ou lit ici et là le verbe Éditorialiser employé au sens d’« écrire un éditorial », « choisir comme sujet pour un éditorial ». Il semble emprunté de l’anglais to editorialize, attesté depuis les années 1860. Ce verbe anglais signifie « avancer une opinion sur un sujet dans un éditorial » et « donner des interprétations personnelles lors d’un compte rendu ». Les sens que l’on donne majoritairement à éditorialiser ne sont pas ceux-là. Le français s’est passé pendant plus d’un siècle et demi de ce faux ami. On pourrait ne pas trouver mauvais que les choses continuent ainsi.

 

Évident pour facile

Le 5 mai 2014

Extensions de sens abusives

L’adjectif Évident est emprunté du latin evidens, « clair, manifeste », et signifie « qui s’impose clairement à l’esprit ». On dira ainsi : Une erreur évidente ou Il est évident qu’il met de la mauvaise volonté à nous répondre. Mais il faut se garder de faire de cet adjectif un synonyme d’« aisé », « de réalisation facile ». Cela s’entend malheureusement de plus en plus souvent, surtout à la forme négative.

on dit

on ne dit pas

Trouver une boulangerie ne va pas être facile

Terminer ce rapport pour demain ne va pas être chose aisée

C’est difficile

Trouver une boulangerie ne va pas être évident

Terminer ce rapport pour demain ne va pas être évident

Ce n’est pas évident

 

Promettre au sens d’assurer

Le 5 mai 2014

Extensions de sens abusives

Le verbe Promettre suppose un engagement pour l’avenir. Il peut se construire avec un infinitif à valeur de futur : Je vous promets de venir, une complétive au futur, ou au conditionnel si le verbe introducteur est au passé : Tu promets que tu ne le feras plus, il a promis qu’il laverait la vaisselle, ou un complément d’objet : Nous vous promettons une forte récompense si vous réussissez. On ne peut, en revanche, le faire suivre d’un présent ou d’un passé. Si on doit garantir la véracité d’un fait présent ou passé, on utilisera des verbes comme assurer, certifier. On ne dira donc pas Je vous promets que ce que vous venez de lire est correct, mais Je vous garantis que ce que vous venez de lire est correct.

on dit

on ne dit pas

Je vous assure qu’il est là

Je vous certifie que cela s’est passé ainsi

Je vous promets qu’il est là

Je vous promets que cela s’est passé ainsi

 

Andain

Le 5 mai 2014

Expressions, Bonheurs & surprises

Andain est un mot que l’on n’entend plus guère, mais qui abonde dans la littérature du xixe siècle et de la première moitié du xxe siècle. Il désigne chacune des lignes parallèles que forment dans un champ les céréales ou le foin coupés par un faucheur et tombés sur le côté. Marcel Aymé, un des grands peintres de la vie paysanne, l’évoque à plusieurs reprises au début de La Vouivre : « Arsène laissait derrière lui de maigres andains d’une herbe rêche […]. Vers huit heures du matin Arsène aiguisait sa faux lorsqu’il aperçut, à quelques pas de lui, une vipère glissant sur l’herbe rase entre deux andains… »

Le comte de Faverges, un physiocrate que l’on rencontre dans Bouvard et Pécuchet, explique à nos héros comment on doit traiter les andains : « Il exposa son système relativement aux fourrages ; on retournait les andains sans les éparpiller ; les meules devaient être coniques, et les bottes faites immédiatement sur place… »

Par extension, andain désigne aussi ce qui va être fauché, comme dans La Terre, de Zola : « Delhomme tourna un instant la tête, sans cesser de lancer et de ramener sa faux. Et il continua, couchant l’andain à coups pressés, laissant derrière lui le creux de son sillage. »

Quand ce nom est apparu en français, il désignait une mesure de longueur qui valait un pas, une enjambée. On lit ainsi dans un poème du xiiie siècle intitulé La Mort Larguece : « A mains d’un andain de moi ierent » (Elles se trouvaient à moins d’un pas de moi).

Au Moyen Âge et à la Renaissance, l’andain était aussi une mesure agraire qui variait d’un endroit à l’autre puisqu’il désignait la bande de terrain fauchée par un homme sur toute la longueur d’un champ.

Ce nom est issu d’une forme latine reconstituée *ambitanus, qui désignait déjà le pas d’un paysan, puis, par extension, la surface de blé ou de foin que l’on abattait d’un coup de faux. *Ambitanus est dérivé de ambitus, qui signifie « mouvement circulaire, pourtour », lui-même dérivé de ambire, « aller des deux côtés, aller et venir, entourer ».

De ce verbe sont tirés deux noms, ambitus, et ambitio. Ambitus, on l’a vu, désigne d’abord un mouvement circulaire, puis, par extension, dans le domaine politique, la brigue, les démarches illégitimes pour se faire élire, comme si l’on tournait constamment autour des électeurs. Cicéron déposa d’ailleurs une loi pour faire condamner ceux qui usaient de ces moyens illicites, loi appelée Lex Tullia (de Tullius, le nom de Cicéron) de ambitu.

Quant à ambitio, d’où vient le français « ambition », il désigne les manœuvres autorisés effectuées par qui veut remporter une élection, avec toujours cette idée de tourner autour des électeurs, de les fréquenter assidûment.

L’emploi du nom andain s’est peu à peu estompé en même temps que la réalité qu’il désignait. On le trouve pourtant encore dans le titre d’un roman écrit pendant l’hiver 1942-1943 : Trouble dans les andains. On y rencontre, entre autres, un personnage nommé Brisavion, ce qui est l’anagramme des nom et prénom de son auteur, un jeune ingénieur qui venait de terminer ses études à Centrale, et qui se nommait Boris Vian.

 

Delphine A. (France)

Le 5 mai 2014

Courrier des internautes

Il me semble avoir déjà entendu, voire employé, l’expression : « un double objectif ». Est-ce correct ? Et par ailleurs, peut-on dire : « un triple objectif », voire « un objectif multiple » ? Ou dit-on plutôt : « de multiples objectifs » ?

Merci d’avance pour votre réponse. Et merci pour ce service proposé par l’Académie française !

Delphine A. (France, 23 janvier)

L’Académie répond

Le nom objectif peut être accompagné de l’adjectif double, triple, etc.

On peut dire : En proposant d’isoler les appartements nous avons un triple objectif :

– créer de l’emploi,

– préserver l’environnement,

– faire des économies.

Mais il est vrai que l’usage préfèrera des objectifs multiples à un objectif multiple, même si, grammaticalement, cette dernière forme est correcte. Sachez que nous nous faisons un plaisir et un devoir de répondre aux questions qui nous sont adressées.

Commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale

Le 3 avril 2014

Emplois fautifs

Le verbe commémorer signifie « évoquer, célébrer la mémoire d’une personne, d’un évènement », et le nom anniversaire désigne une date qui rappelle le souvenir d’un évènement survenu une ou plusieurs années auparavant. Il est donc redondant et incorrect de faire d’anniversaire, ou d’un de ses équivalents comme centenaire, le complément d’objet de commémorer. On commémore un évènement et on fête ou on célèbre un anniversaire.

On dit

On ne dit pas

Célébrer le centenaire de la Première

Guerre mondiale

Fêter l’anniversaire de la Libération

Commémorer le centenaire de la

Première Guerre mondiale

Commémorer l’anniversaire de la Libération

 

 

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