Dire, ne pas dire

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La dinde, il l’a fait cuire ; les oiseaux, il les a fait fuir

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

Quand le participe passé du verbe faire, construit avec l’auxiliaire avoir, est suivi d’un infinitif, il reste toujours invariable : la présence d’un complément d’objet direct antéposé dans la phrase n’implique pas l’accord, car ce complément est celui de l’infinitif et non du participe passé fait. Ainsi dans la phrase La maison qu’il a fait bâtir, le pronom relatif qu’, qui reprend maison, est COD de bâtir. On peut aussi rencontrer des constructions sans COD dans lesquelles le pronom de rappel est sujet de l’infinitif et n’a donc pas d’influence sur l’accord : c’est le cas dans les fleurs qu’il a fait pousser, où le pronom qu’, qui reprend fleurs, est sujet de pousser.

 

On dit

On ne dit pas

La dinde, il l’a fait cuire

Les personnalités qu’il a fait venir

La dinde, il l’a faite cuire

Les personnalités qu’il a faites venir

 

Rappelons que les Rectifications de l’orthographe, parues au Journal officiel du 6 décembre 1990, invitent à traiter de la même manière le participe du verbe laisser devant un infinitif, l’accord de ce participe passé étant délicat et n’ayant jamais fait l’unanimité entre grammairiens. On pourra donc écrire Il nous a laissés partir comme Il nous a laissé partir.

Créneau alternatif

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

Une mauvaise habitude se répand de nos jours : le remplacement de mots simples, d’usage courant et assemblés de manière précise, par d’autres plus vagues, plus obscurs et volontiers jargonnants. Des formes comme « autre possibilité, autre solution, autre choix » sont trop souvent remplacées aujourd’hui par « créneau alternatif », sans doute perçu comme plus technique et donc plus moderne.

Choisissons d’employer ces formes validées par un long usage plutôt que ce néologisme pédant.

On dit

On ne dit pas

Il existe une autre possibilité

Il existe un créneau alternatif

Croivent pour Croient

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

On entend de plus en plus souvent (et ce qui s’entend fréquemment finit tôt ou tard par se lire) croivent au lieu de croient. Sans doute est-ce dû à l’analogie d’une part entre Croire et Boire, dont les terminaisons d’infinitif et des trois personnes du singulier de l’indicatif présent sont semblables, et, d’autre part, avec Savoir, qui est de sens assez proche et dont la terminaison, à la troisième personne du pluriel, est elle aussi en -vent. La forme Croivent, aussi utile et précieuse soit-elle pour comprendre comment fonctionne l’analogie, n’en reste pas moins une faute grossière.

Déroulé pour Déroulement

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

Il arrive souvent, en français, que d’un même verbe on tire un nom dérivé en -ment et un participe passé substantivé. L’un désigne une action et l’autre le résultat de cette action ou la personne qui a, selon les cas, bénéficié de cette action ou l’a subie. On distingue donc l’affranchissement de l’affranchi, l’abrutissement de l’abruti, l’abrègement de l’abrégé. Mais cette double dérivation n’est en rien systématique et il arrive qu’un terme unique désigne à la fois l’action et le résultat comme, parmi tant d’autres, le terme déroulement. On se gardera donc d’employer le néologisme récent Déroulé dont le sens ne diffère en rien de celui de Déroulement.

 

On dit

On ne dit pas

Voici le déroulement de la journée

Parfaire le déroulement de la cérémonie

Retracer le déroulement d’une carrière

Voici le déroulé de la journée

Parfaire le déroulé de la cérémonie

Retracer le déroulé d’une carrière

Martyr et Martyre

Le 8 juillet 2013

Emplois fautifs

Les noms Martyr (un martyr, une martyre) et Martyre sont des homonymes, mais ils n’ont pas le même sens. Martyr, emprunté, par l’intermédiaire du latin martyrus, du grec martus, « témoin », apparaît vers 1050 et désigne d’abord une personne qui a souffert pour attester de la vérité de la religion chrétienne ; il remplace la forme populaire martre, de même sens, que l’on risquait de confondre avec le petit carnivore de même nom, et qui n’est plus attestée que dans la toponymie, comme dans Montmartre, « le mont des martyrs », où furent, selon la légende, tués saint Denis et ses compagnons Rustique et Éleuthère. Martyr désigne ensuite toute personne qui souffre ou meurt pour une cause, même si Furetière écrit dans son Dictionnaire : « Martyr se dit abusivement des Heretiques et de Payens qui souffrent pour la deffense de leur fausse Religion. » Il désigne enfin une personne à qui l’on inflige de nombreux tourments. On dira ainsi Il est le martyr de ses camarades, elle est la martyre de ses camarades et, par extension, on pourra parler d’un pays martyr, d’une ville martyre en faisant du nom Martyr(e) une apposition.

Martyre, qui apparaît une cinquantaine d’années plus tard, est emprunté, par l’intermédiaire du latin, du grec martyrion, « témoignage ». Il désigne le témoignage apporté par celui qui souffre, puis sa souffrance elle-même, les tourments endurés et la mort pour sa foi ou une cause, un idéal.

 

On dit

On ne dit pas

Souffrir le martyre

Souffrir comme un martyr

Côme et Damien, saints et martyrs

Souffrir le martyr

Souffrir comme un martyre

Côme et Damien, saints et martyres

 

En fait

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La locution adverbiale En fait signifie « réellement, vraiment » et « contrairement aux apparences » : c’est le sens qu’elle a dans des phrases comme « Il est en fait maître du pays » ou « La Confédération helvétique est en fait une fédération ». Un regrettable tic de langage se répand qui consiste à l’employer en lieu et place de la conjonction de coordination mais, voire à employer les deux à la fois. Il convient d’éviter cette confusion et de conserver à la locution en fait  son sens plein.

 

On dit

On ne dit pas

Je suis passé le voir, mais il était absent

Il était là hier, mais il est déjà reparti

Je suis passé le voir, en fait il était absent

Il était là hier, mais, en fait, il est déjà reparti

 

Ensemble avec

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

Dire, Ne pas dire comprend une rubrique intitulée « Néologismes et anglicismes » dans laquelle nous rappelons l’existence de formes françaises susceptibles de décrire la même réalité que ces emprunts fautifs qui abondent en français. Les germanismes, les italianismes, les hispanismes sont bien plus rares que les anglicismes mais ne sont pas inexistants. La locution prépositive Ensemble avec est un exemple de germanisme qu’il convient d’éviter. Il s’agit de la traduction littérale d’une forme très courante et correcte en allemand zusammen mit, mais qui ne correspond pas au génie de la langue française, qui y voit une redondance fautive.

On dit

On ne dit pas

Il est venu avec son frère ou Son frère et lui sont venus ensemble

 

Il est venu ensemble avec son frère

 

Gène et gêne

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

On se gardera bien de confondre ces deux homonymes, très éloignés par le sens, mais qui ne diffèrent dans l’écriture que par un accent. Le nom masculin Gène, qui désigne un élément constitutif du chromosome, peut facilement s’employer au pluriel. Le nom féminin Gêne, qui désigne un sentiment de malaise, d’embarras, s’utilise presque exclusivement au singulier.

Étymologiquement, Gène vient d’une racine indo-européenne *gen-, *gon-, *gn qui traduit l’idée de naissance, de procréation : il appartient à une très grande famille dans laquelle on trouve, parmi tant d’autres, des mots formés avec les suffixes -gène et -génie, les noms générateur, général et gonade, les verbes dégénérer et engendrer, les adjectifs génial et généreux, les prénoms Eugène, Noël et René (les deux derniers étant dérivés du verbe latin nascor, « naître », dont la forme ancienne était gnascor) et deux ouvrages fondateurs de notre culture, La Genèse et La Théogonie.

Le terme Gêne, qui au xiiie siècle désignait les tortures infligées pour obtenir des aveux, est lui issu du bas francique *jehhjan, « dire, avouer ». La dureté des supplices était telle que, du xive au xvie siècle, on a dit et écrit gehenne, par rapprochement avec le nom géhenne, qui désigne les châtiments de l’enfer (ce dernier est issu de l’hébreu ge-Hinnom, « vallée de Hinom », vallée au sud de Jérusalem, où des enfants étaient offerts en sacrifice au dieu Moloch).

La prononciation de voient

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La prononciation de Voient est la même au subjonctif et à l’indicatif. On n’y fait pas entendre un son -oille. Littré signalait que, dans Le Dépit amoureux, Molière faisait du subjonctif voient un mot de deux syllabes et ajoutait : « Ceci est une ancienne prononciation qu’on entend fort souvent. Aujourd’hui voient est d’une seule syllabe. »

C’est sans doute l’analogie avec les formes voyons et voyez qui a contribué au maintien de cette prononciation, mais tous les grammairiens, en accord avec Littré, prescrivent la prononciation voi. Il en va bien sûr de même pour les formes de subjonctif présent au singulier voie, voies, voie.

 

On dit

On ne dit pas

Il faut que tu voies ça

Attends qu’ils le voient pour leur en parler

Il faut que tu voyes ça [vwaj]

Attends qu’ils le voyent pour leur en parler [vwaj]

 

C’est tendance

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Dans Madame Bovary, Lheureux, le marchand de nouveautés, convainc régulièrement Emma d’acheter tel ou tel objet ou vêtement grâce à une phrase à laquelle elle semble ne pouvoir résister : C’est le genre ou sa variante C’est là le genre. Un siècle et demi plus tard, ni le bovarysme ni l’injonction à suivre les modes n’ont disparu, mais c’est le genre a été remplacé par c’est tendance ou ça fait tendance. Entre Flaubert et notre siècle, le complément du présentatif a perdu son article et son statut de nom pour devenir un adjectif invariable. Et, comme l’était déjà c’est là le genre d’autrefois, il s’agit là d’un déplaisant tic de langage.

On dit

On ne dit pas

C’est tout à fait dans l’air du temps

Des chaussures à la pointe de la mode

C’est, ça fait très tendance

Des chaussures très tendance

 

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