Dire, ne pas dire

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Pas que au sens de pas seulement, pas uniquement

Le 4 juin 2015

Emplois fautifs

Que peut être un élément de la locution restrictive ne que et il est alors synonyme de « seulement » : Il n’est pas que bête, il est méchant aussi. Mais contrairement à « seulement » ou « uniquement », on ne peut l’employer en fin de phrase avec un verbe à la forme affirmative. Si l’on peut en effet dire, et écrire, Il est charmant, mais pas uniquement, on se rappellera que la forme il est charmant, mais pas que est une grave incorrection qu’il convient de proscrire.

on dit

on ne dit pas

Il a visité l’Italie, mais pas seulement

Il parle allemand, mais pas uniquement

Il a visité l’Italie, mais pas que

Il parle allemand, mais pas que

 

 

Disgression au lieu de digression

Le 7 mai 2015

Emplois fautifs

Le préfixe dis- appartient à la langue latine et à la langue française et, dans ces deux langues, il est particulièrement productif. Le plus souvent, il conserve sa forme originale, mais il arrive, en latin, que le s de dis- s’efface quand la consonne initiale du mot auquel il se lie est une consonne sonore. C’est pour cette raison que le nom latin *disgressio, composé à l’aide de la particule dis-, qui marque la négation ou l’écart, et de gradi, « marcher, s’avancer », est devenu digressio. Dire et écrire disgression est donc une faute parfaitement explicable, d’autant plus que le s est conservé dans le nom de la même famille transgression, mais n’en reste pas moins une faute et, pour évoquer ce type de pas de côté, on veillera à n’utiliser que le substantif digression.

on dit

on ne dit pas

Se perdre dans des digressions

Si vous me permettez cette digression

Se perdre dans des disgressions

Si vous me permettez cette disgression

 

Prolixe pour prolifique

Le 7 mai 2015

Emplois fautifs

Ces deux adjectifs sont proches par la forme, mais éloignés par le sens. Comme souvent, le recours à l’étymologie peut nous aider à les distinguer. Prolifique est formé à partir du latin proles, « lignée, descendance », et facere, « faire ». Est donc prolifique une espèce qui se reproduit beaucoup et rapidement. Par extension cet adjectif peut aussi qualifier un créateur dont l’œuvre est particulièrement abondante. Prolixe, lui, est emprunté du latin prolixus, « allongé », un dérivé de liqui, « s’écouler, fondre ». Est donc prolixe celui qui dans ses paroles est abondant et, souvent, trop long et verbeux. On se gardera bien d’employer l’un pour l’autre, même si certains auteurs furent parfois aussi prolixes que prolifiques.

on dit

on ne dit pas

Bach, Hugo, Picasso furent des artistes prolifiques

Ne soyez ni trop prolixe ni trop concis

Bach, Hugo, Picasso furent des artistes prolixes

Ne soyez ni trop prolifique ni trop concis

 

Tout à chacun pour tout un chacun

Le 7 mai 2015

Emplois fautifs

Nous avons vu récemment que le son un était de moins en moins correctement prononcé et qu’il était souvent confondu avec le son in. Dans le cas que nous allons évoquer, c’est avec le son a qu’il est confondu. L’expression Tout un chacun, c’est-à-dire « n’importe qui, tout le monde », est souvent remplacée par la forme fautive tout à chacun, locution sans grande cohérence et qui signifierait que « tous auraient tout », un cas de figure qui n’arrive jamais en dehors de ces vers de Victor Hugo, tirés de « Ce siècle avait deux ans » :

« Ô l’amour d’une mère ! Amour que nul n’oublie

Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie

Table toujours servie au paternel foyer !

Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier. »

on dit

on ne dit pas

Tout un chacun sait cela

C’est à la disposition de tout un chacun

Tout à chacun sait cela

C’est à la disposition de tout à chacun

 

 

Y a, y a pas

Le 7 mai 2015

Emplois fautifs

Une forme de paresse amène trop souvent à ne pas articuler deux sons phonétiquement proches quand ils sont voisins dans la phrase. C’est ainsi que dans la locution Il y a, le pronom il est trop souvent omis et l’on n’entend plus que la tournure incorrecte y a. On se gardera bien de céder à cette facilité, et plus encore si l’on est à la forme négative puisque, dans ce cas, disparaît aussi l’adverbe de négation élidé n’.

on dit

on ne dit pas

Il y a beaucoup de monde

Il n’y a pas de problème

Y a beaucoup de monde

Y a pas de problème

 

Au cas où tu seras

Le 2 avril 2015

Emplois fautifs

Les locutions conjonctives au cas où et dans le cas où, qui introduisent une proposition subordonnée hypothétique, se sont largement substituées aux formes littéraires et vieillissantes, mais cependant toujours correctes, en cas que, au cas que. Ces dernières introduisent un verbe au subjonctif : En cas qu’il vienne, tenez-vous prêts. Au cas où et dans le cas où, bien qu’ayant le même sens, commandent, elles, le conditionnel : on veillera donc à ne les faire suivre ni d’un verbe au subjonctif ni d’un verbe à l’indicatif, fût-ce un indicatif futur.

on dit

on ne dit pas

Au cas où une complication se produirait, appelez-moi

Au cas où tu serais malade…

Au cas où une complication se produise, appelez-moi

Au cas où tu seras malade…

 

Dénoter pour détonner

Le 2 avril 2015

Emplois fautifs

Ces deux verbes sont proches par la forme, mais ils diffèrent par le sens et la construction. Dénoter est transitif direct et signifie « révéler, indiquer telle ou telle caractéristique », alors que détonner est intransitif et signifie « ne pas s’accorder avec ce qui est autour de soi, produire un contraste désagréable ». Si la faute qui consiste à employer détonner à la place de dénoter est peu fréquente, on entend malheureusement de plus en plus l’erreur inverse (sa tenue dénote au lieu de détonne), erreur qui s’explique sans doute parce qu’on associe dénote et fausse note, mais dont il convient cependant de se garder.

on dit

on ne dit pas

Ses propos détonnent en ce lieu

Ses propos dénotent en ce lieu

 

Ajoutons pour conclure que l’on se gardera également de confondre ces verbes avec le verbe détoner, qui signifie « exploser ».

Emprunt, Empreint

Le 2 avril 2015

Emplois fautifs

Dans le monde vivant, nombre d’espèces sont menacées d’extinction ; de même y a-t-il dans notre langue un son qui risque de disparaître. On tend aujourd’hui à ne plus prononcer le digramme un comme il se doit, mais à le prononcer comme le digramme in : la distinction entre brun et brin se fait de moins en moins nette, et ceux qui ne l’ont pas entendue ne pourront évidemment pas la reproduire. Cette perte de nuance dans la prononciation entraîne aussi des fautes d’orthographe : les formes emprunt et empreint, qui ne sont pas homophones,

sont de plus en plus confondues à l’oral, et le sont également, désormais, à l’écrit. On rappellera qu’empreint, participe passé d’empreindre, et emprunt, déverbal d’emprunter, ont des sens radicalement différents.

on dit et on écrit

on ne dit pas et on n’écrit pas

Un visage empreint de tristesse

Il a emprunté les vêtements de son frère

Un visage emprunt de tristesse

Il a empreinté les vêtements de son frère

 

Suspecter pour soupçonner

Le 2 avril 2015

Emplois fautifs

Dans certains cas, les verbes suspecter et soupçonner peuvent être employés l’un pour l’autre, ce qui n’est guère étonnant puisqu’ils remontent à deux verbes latins qui étaient synonymes. Suspecter est en effet emprunté du verbe suspectare, « regarder en l’air », puis « suspecter, soupçonner », qui est le fréquentatif de suspicere, « regarder de bas en haut », puis « suspecter, soupçonner », verbe dont est issu soupçonner. Suspecter et soupçonner peuvent s’employer l’un et l’autre pour parler de quelque crime ou délit : on dira ainsi indifféremment on le suspecte ou on le soupçonne du crime. Mais quand le fait évoqué n’est en rien répréhensible, seul le verbe soupçonner sera bienvenu.

on dit

on ne dit pas

Je la soupçonne d’avoir un faible pour Dominique

Je la suspecte d’avoir un faible pour Dominique

 

Hippo- ou Hypo-

Le 5 mars 2015

Emplois fautifs

Les éléments de composition hippo- et hypo- sont homophones, mais il importe de ne pas les confondre afin d’éviter de malencontreuses fautes d’orthographe. Hippo- est tiré du grec hippos, « cheval », et se retrouve dans des formes comme hippocampe, hippique, hipparque ou hippomobile. Il a aussi servi à fabriquer des noms propres comme Hippocrate, « celui qui dompte les chevaux », Hippolyte, « celui qui détache les chevaux », Philippe, « celui qui aime les chevaux », etc. Hypo- est tiré du grec hupo, « sous », et se rencontre dans des formes comme hypothermie, hypothèse (proprement « action de mettre en dessous ») ou hypophyse. Mais la langue est parfois malicieuse et l’on se souviendra que le vin sucré nommé hypocras n’est pas lié au préfixe hypo-, contrairement à ce que pourrait laisser croire sa graphie actuelle, mais est tiré, après de nombreux détours, du nom Hippocrate…

on écrit

on n’écrit pas

Un hippopotame hypocondriaque

Une hypothèse hippocratique

Un hypopotame hippocondriaque

Une hippothèse hypocratique

 

 

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