Dire, ne pas dire

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Fictionaliser

Le 7 septembre 2015

Emplois fautifs

Il existe plus de mille cinq cents noms d’usage courant en français terminés par le suffixe

-tion. De ces noms ont été tirés environ cinquante adjectifs en -tionnel et, directement ou non, une petite poignée de verbes en -tionaliser. Le français semble donc peu goûter ce type de dérivation verbale et préférer recourir à des périphrases. On essaiera de se conformer au génie de notre langue et l’on évitera de céder à la fâcheuse tendance actuelle qui consiste à multiplier les néologismes en -tionaliser, sans doute par volonté de donner à son discours un air plus savant. On pourra ainsi dire, si simple que cela paraisse, que de tel fait ou de tel évènement, on va tirer, écrire une fiction, et non que l’on va les fictionaliser.

 

Poser problème et poser question

Le 7 septembre 2015

Emplois fautifs

Nous avons déjà signalé, dans cette même rubrique, l’emploi abusif de tournures dans lesquelles le verbe faire était suivi de compléments, le plus souvent abstraits, qui n’étaient pas précédés d’un déterminant comme faire mémoire ou faire sens. Force est malheureusement de constater que ce mal gagne maintenant d’autres verbes et que poser est gravement atteint. On rappellera donc que, depuis la fin du moyen Âge, le complément de ce verbe doit être précédé d’un déterminant et que, à oublier ce dernier, on perd en correction sans réellement gagner en concision.

on dit

on ne dit pas

Cette situation pose un problème

Son attitude nous amène à nous interroger

Cette situation pose problème

Son attitude pose question

 

Venimeux pour vénéneux

Le 7 septembre 2015

Emplois fautifs

Les adjectifs venimeux et vénéneux sont de formes et de sens proches. Venimeux, apparu au XIIe siècle, est dérivé de venin alors que vénéneux, qui date du XVe siècle, est emprunté du latin venenosus, « qui empoisonne », lui-même dérivé de venenum, « poison ». Pendant longtemps ces deux termes ont été confondus et pouvaient s’employer l’un pour l’autre, mais on s’accorde à considérer aujourd’hui que vénéneux s’applique à ce qui contient du poison sans pouvoir l’inoculer, donc essentiellement aux plantes, alors que venimeux caractérise les animaux qui peuvent volontairement inoculer un venin. Cela étant, on se souviendra que certains animaux, le fugu par exemple, sont vénéneux : ce poisson qui fait le renom de la cuisine japonaise, renferme en effet dans son foie, sa peau et ses ovaires un poison qui, s’il se répand au cours de la préparation dans le corps de l’animal, peut provoquer la mort de celui qui le mange.

on écrit

on n’écrit pas

La vipère est un serpent venimeux

La vive est un poisson venimeux

Le bolet Satan est un champignon vénéneux, le fugu un poisson vénéneux

La vipère est un serpent vénéneux

La vive est un poisson vénéneux

Le bolet Satan est un champignon venimeux, le fugu un poisson venimeux

 

Ombrageux, ombreux

Le 8 juillet 2015

Emplois fautifs

Ces deux adjectifs sont proches par la forme, mais n’ont pas le même sens. Ombreux est dérivé d’ombre, alors qu’ombrageux est dérivé d’ombrage. Ombrageux a d’abord qualifié un cheval qui avait peur de son ombre et que cette peur rendait agressif et impossible à dompter. Le plus célèbre fut assurément Bucéphale, qu’Alexandre le Grand monta en le mettant face au soleil. Cet adjectif s’emploie surtout aujourd’hui à propos de toute personne au caractère un peu farouche. Ombreux s’est d’abord appliqué à ce qui donnait de l’ombre, et s’emploie, par extension, pour qualifier ce qui est protégé par l’ombrage des rayons du soleil.

 

on dit

on ne dit pas

Un poulain ombrageux

De grands chênes ombreux

Des allées ombreuses (ou ombragées)

Un poulain ombreux

De grands chênes ombrageux

Des allées ombrageuses

 

Postuler à, postuler pour

Le 8 juillet 2015

Emplois fautifs

Le verbe postuler se construit intransitivement quand il appartient à la langue du droit, et signifie alors « s’occuper des actes nécessaires à l’instruction d’une affaire » : postuler devant une cour d’appel, devant un tribunal. En revanche, postuler est un verbe transitif direct dans le vocabulaire de la logique où il signifie « tenir pour acquis » : on peut ainsi dire que Lamarck postulait la transmission des caractères acquis ou que les Anciens postulaient que la terre était plate. Il en va de même dans la langue courante où ce verbe signifie « essayer d’obtenir un emploi, un état ». On ne dira donc pas plus postuler à que postuler pour.

 

on dit

on ne dit pas

Postuler un emploi de jardinier

Postuler un poste en province

Postuler à un emploi de jardinier

Postuler pour un poste en province

 

Quatre z-assiettes, Il va-t-à la pêche

Le 8 juillet 2015

Emplois fautifs

Ne pas omettre de faire les liaisons est une marque de correction et d’élégance, mais il ne faut pas que la crainte d’oublier quelqu’une d’entre elles pousse à en faire qui ne soient pas légitimes. On rappellera donc que, quand un mot se termine par une voyelle, il ne se lie pas au mot suivant. Il existe quelques cas où, pour des raisons d’euphonie, l’usage a créé des consonnes de transition. On dit, et on écrit, ainsi : manges-en, vas-y, comment va-t-elle ou, familièrement, entre quat’z-yeux. Mais, en dehors de ces cas, si la voyelle finale est un e elle s’élide devant une autre voyelle ou un h muet et, si c’en est une autre, le hiatus est maintenu.

 

on dit

on ne dit pas

J’ai lavé quatre assiettes

Il va à la pêche

J’ai lavé quatre z-assiettes

Il va-t-à la pêche

 

Septique pour Sceptique

Le 8 juillet 2015

Emplois fautifs

Ces deux adjectifs homonymes, mais non homographes, ont des sens très différents. Si ces deux mots ne prêtent guère à confusion en ce qui concerne leurs sens, il arrive trop souvent que leurs formes soient confondues et donc mal orthographiées. Septique, qui nous vient, par l’intermédiaire du latin, du grec sêptikos, « qui engendre la putréfaction », sert à qualifier ce qui provoque une infection. Cet adjectif est de la même famille qu’antisepsie ou aseptiser. Sceptique, lui, est directement emprunté du grec skeptikos, « qui observe, qui réfléchit », dans lequel on retrouve la racine *skep / skop de notre suffixe -scope, indiquant une observation (horoscope, périscope, télescope, etc.). Ainsi les philosophes de l’Antiquité dits sceptiques avaient reçu cette appellation car ils pensaient que de leurs observations ils ne pouvaient tirer de vérités définitives. Par extension cet adjectif s’emploie aujourd’hui essentiellement avec le sens de « méfiant, incrédule ».

 

on écrit

on n’écrit pas

Ses propos me laissent sceptique

Une fosse septique

Ses propos me laissent septique

Une fosse sceptique

 

Assis-toi

Le 4 juin 2015

Emplois fautifs

Est-ce parce que, comme le dit le proverbe, on ne prête qu’aux riches, que le verbe s’asseoir - un cas exceptionnel dans la grammaire puisque, ses formes étant doubles, il compte deux impératifs : assois-toi et assieds-toi - se trouve parfois gratifié d’une troisième forme, assis-toi ? Assis est une forme de participe passé qui, employée seule, peut avoir une valeur d’impératif quand elle s’oppose, par exemple, à Debout ! À genoux ! Couché ! mais on n’oubliera pas que, dans ces cas, on sous-entend le verbe restez ou mettez-vous. On n’emploiera donc pas plus assis-toi que l’on emploierait couché-toi.

 

on dit

on ne dit pas

Prends une chaise et assieds-toi

Assois-toi près de la cheminée

Prends une chaise et assis-toi

Assis-toi près de la cheminée

 

Bénéficier à

Le 4 juin 2015

Emplois fautifs

Le verbe bénéficier signifie « tirer profit ou avantage de quelque chose », ce qui implique que le sujet du verbe doit être le bénéficiaire de telle mesure ou de tel avantage, et non la mesure ou l’avantage eux-mêmes. On se gardera donc de faire la faute, malheureusement largement répandue, qui consiste à construire le verbe bénéficier avec pour sujet un inanimé et pour complément un nom introduit par la préposition à, quand bien même cette construction se rencontre avec le verbe « profiter ».

on dit

on ne dit pas

Tous bénéficient de cette mesure ou Une mesure dont tous bénéficient

Un décret au bénéfice des plus démunis

Une mesure qui bénéficie à tous

 

Un décret qui bénéficie aux plus démunis

 

Ce faisant pour Se faisant

Le 4 juin 2015

Emplois fautifs

Les formes ce faisant et se faisant sont homophones mais ne sont pas homographes. Dans la première, le verbe est à la voix active et a pour complément d’objet direct le pronom démonstratif ce ; ce faisant signifie donc « en faisant cela ». Dans la seconde, le verbe est à la voix pronominale et a pour complément d’objet direct le pronom réfléchi se. Se faisant s’emploie pour indiquer qu’une action est en train de se dérouler, alors que ce faisant est une locution figée qui équivaut à « pour cette raison », le pronom ce reprenant un fait évoqué précédemment. Se souvenir de ces différences de sens permet d’éviter de confondre ces deux formes, et donc de les écrire correctement.

on écrit

on n’écrit pas

Il s’entraîne avec ardeur et, ce faisant, il obtient de bons résultats

La récolte se faisant à la main, il faut beaucoup de personnel

Il s’entraîne avec ardeur et, se faisant, il obtient de bons résultats

La récolte ce faisant à la main, il faut beaucoup de personnel

 

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