Dire, ne pas dire

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Corine D. (France)

Le 6 juin 2019

Courrier des internautes

Bonjour, je suis une femme. S’il vous plait, quel est le bon accord : « un événement m’a empêché (ou empêchée) de venir vous voir » ? « un homme m’a suggéré (ou suggérée) de faire la démarche » ?

Corine D. (France)

L’Académie répond :

Madame,

Nous devons appliquer la règle d’accord des participes passés employés avec l’auxiliaire avoir.

On fait l’accord avec le C.O.D. (complément d’objet direct) si celui-ci est placé avant le verbe. On écrit donc un évènement m’a empêchée car le pronom élidé m’est C.O.D. (on empêche quelqu’un, et non à quelqu’un, de faire quelque chose) et est placé avant le verbe, mais on écrit Un homme m’a suggéré de, car ici le pronom m’est C.O.I. (complément d’objet indirect) ; et non C.O.D. du verbe (on suggère à quelqu’un, et non quelqu’un, de faire quelque chose).

Affirmer de pour Affirmer

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Le verbe affirmer est un verbe transitif direct. Il peut signifier « manifester clairement, avec force » et, dans ce cas, son complément d’objet est le plus souvent un nom : Il affirme ses convictions ; elle affirme son autorité. Il peut aussi signifier « assurer, soutenir qu’une chose est vraie », son complément est alors généralement une proposition subordonnée (Il affirme qu’il ne le connaît pas), un pronom reprenant une proposition (Il ne le connaît pas, c’est ce qu’il affirme). Ces différents cas ne posent pas de problèmes, mais ce verbe peut aussi avoir comme complément un infinitif. Comme il s’agit d’un complément d’objet direct, cet infinitif doit directement suivre le verbe affirmer et ne pas être introduit par la préposition de. On dira ainsi Le suspect affirme avoir passé la soirée chez des amis et non Le suspect affirme d’avoir passé la soirée chez des amis. Sans doute la confusion s’explique-t-elle par la proximité de sens avec le verbe dire qui admet bien, lui, une construction prépositionnelle comme dans Il lui a dit de venir mais on notera que, dans ce type de construction, le sujet de la principale doit être différent de celui de l’infinitif.

On dit

On ne dit pas

Elle affirme être rentrée à neuf heures

Vous affirmez ne pas savoir de qui il s’agit

 

Elle affirme d’être rentrée à neuf heures

Vous affirmez de ne pas savoir de qui il s’agit

Un de ces mal de tête pour Un de ces maux de tête

Le 2 mai 2019

Emplois fautifs

Dans une langue parlée relâchée, la formule un de ces, nous dit Grevisse, « joue le rôle d’un adjectif marquant le haut degré, et la valeur primitive de de ces est si bien affaiblie que le substantif reste au singulier malgré son environnement syntaxique ». On entend ainsi souvent : J’ai un de ces mal de tête. Il s’agit là d’un tour qu’il faut essayer de proscrire dans une langue soignée et cela devient une obligation si le nom introduit par un de ces est suivi d’un complément ou d’une relative. Si donc on peut dire familièrement J’ai un de ces mal de tête, on doit dire J’ai un de ces maux de tête à hurler, un de ces maux de tête qui vous couchent un homme.

On dit

On ne dit pas

J’ai vu un de ces chevaux qui vous font aimer l’équitation

Ils avaient un de ces arsenaux qui imposent le respect

 

J’ai vu un de ces cheval qui vous font aimer l’équitation

Ils avaient un de ces arsenal qui imposent le respect

 

Red carpet

Le 2 mai 2019

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Carpette est un mot voyageur, qui a fini par revenir dans son pays natal. Nous l’avons emprunté de l’anglais carpet, une forme simplifiée du moyen anglais carpette, que cette langue devait à l’ancien français carpite, tissu épais servant à faire des costumes d’apparat ou à couvrir des meubles. L’anglais carpet n’a pas le sens figuré de carpette, qui peut, dans une langue familière, désigner une personne servile et sans dignité. Et, dans ses emplois propres, on lui substitue souvent « tapis », emprunt du grec byzantin tapêtion, lui-même diminutif de tapês, « tapis, couverture ». C’est lui, quand il est de couleur rouge, que l’on déroule si on veut honorer un invité de marque. Aussi évitera-t-on, dans notre langue, de remplacer cette locution, tapis rouge, par son équivalent anglais red carpet, quand bien même la scène se passerait dans quelque grand festival.

Différent, différend

Le 2 mai 2019

Extensions de sens abusives

Le mot différent est apparu en français au xive siècle dans les Chroniques de Froissart avec le sens de « différence ». On le trouva ensuite comme adjectif et aussi comme nom avec le sens de « différend ». Aujourd’hui, au terme d’une longue évolution orthographique, la graphie avec un t est réservée à l’adjectif, celle avec un d, au nom. Littré, en son temps, contestait pourtant la pertinence de ce choix et écrivait à l’article différent de son Dictionnaire : « L’Académie, dans les quatre premières éditions de son Dictionnaire, a écrit différent par un t, comme l’adjectif. C’est depuis la cinquième édition qu’elle écrit différend par un d. Il est certain que différent adjectif et différend substantif sont le même mot. Êtablir une différence orthographique, est-ce une raison suffisante pour rompre l’analogie ? Cela est d’autant moins nécessaire que dans d’autres mots on n’a plus le même soin et qu’on n’écrit pas incidend substantif et incident adjectif, expédiend substantif et expédient adjectif. »

Mais aujourd’hui cette opposition est bien ancrée dans l’usage et, quoi qu’ait pu écrire Littré à ce sujet, c’est bien la forme différend que l’on doit employer quand on veut évoquer un désaccord ou une contestation entre deux ou plusieurs personnes sur des opinions ou sur des questions d’intérêt. On réservera à différent le sens de « qui diffère, qui présente un ou plusieurs caractères distinctifs par rapport à un autre être, à un autre objet ».

On écrit

On n’écrit pas

C’est à eux de régler ce différend

Ils m’ont demandé d’arbitrer leur différend

C’est à eux de régler ce différent

Ils m’ont demandé d’arbitrer leur différent

Le squelette de la jument

Le 2 mai 2019

Expressions, Bonheurs & surprises

Ces deux noms sont étonnants parce que leur genre ne correspond pas à leur aspect extérieur. Ces sont des empêcheurs d’établir des règles universelles en rond. Seraient-ils absents de notre langue que l’on pourrait énoncer sans balancer : « En français, tous les noms terminés en -ment sont masculins et tous les noms terminés par -ette sont féminins. » Las, ce bel édifice était sapé par ces exceptions : une jument et un squelette. Mais ces originaux eurent à lutter. Dans son Dictionnaire, Littré nous apprend qu’« Au xviie siècle, les puristes voulaient faire squelette du féminin ; aujourd’hui les gens du peuple font souvent cette faute ». Il cite pour appuyer ses dires la Requéte des dictionnaires, de Ménage : « Ils veulent, malgré la raison, qu’on dise aujourd’hui la poison, une éventaille, une squelette. » Longtemps aussi, pour faciliter la prononciation, la langue populaire pourvut ce squelette d’un e prothétique pour en faire un esquelette. Peut-être s’agit-il d’un trait méridional puisque l’espagnol dit esqueleto. Le nom féminin jument semble, lui, n’avoir jamais eu la tentation du masculin. En revanche, le nom latin dont il est issu, jumentum, « bête de somme », est à l’origine de noms de genre différent dans certaines langues latines : en espagnol jumentum a donné jumento et jumenta, « âne » et « ânesse », tandis que l’italien distingue le nom masculin giumento, « bête de somme » du nom féminin giumenta, « jument ».

Le rôle qu’a joué cet animal dans la littérature, même s’il n’est pas aussi important que celui du cheval, est loin d’être négligeable. On songe d’abord à l’héroïne du roman éponyme de Marcel Aymé, La Jument verte, qui s’ouvre ainsi : « Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte. » L’animal va apporter fortune et prospérité à son propriétaire Jules Haudoin. Celui-ci, accablé jusque-là de toutes sortes de malheurs, deviendra riche et respecté.

Nommé, par le préfet, maire et élu conseiller général, il aura ce mot qui se prête à de nombreuses interprétations et que semblent avoir fait leur ministres et parlementaires : « Quand on est dans la politique, on ne peut guère refuser de montrer sa jument verte, même au premier venu »…

Balzac a lui aussi brossé un intéressant portrait de jument dans La Vieille Fille. Après avoir présenté les domestiques de ce personnage, il ajoute : « Peut-être faudrait-il compter pour beaucoup la grosse vieille jument normande bai-brun qui traînait mademoiselle Cormon à sa campagne du Prébaudet, car les cinq habitants de la maison portaient à cette bête une affection maniaque. Elle s’appelait Pénélope, et servait depuis dix-huit ans […]. Cette bête était un perpétuel sujet de conversation et d’occupation : il semblait que la pauvre mademoiselle Cormon, n’ayant point d’enfant à qui sa maternité rentrée pût se prendre, la reportât sur ce bienheureux animal. Pénélope avait empêché mademoiselle d’avoir des serins, des chats, des chiens, famille fictive que se donnent presque tous les êtres solitaires au milieu de la société. Ces quatre fidèles serviteurs, car l’intelligence de Pénélope s’était élevée jusqu’à celle de ces bons domestiques, tandis qu’ils s’étaient abaissés jusqu’à la régularité muette et soumise de la bête, allaient et venaient chaque jour dans les mêmes occupations avec l’infaillibilité de la mécanique. »

Et l’on n’oubliera pas que dans Tout va très bien, Madame la Marquise, c’est par l’annonce de la mort de la jument grise que commence la longue liste des catastrophes ayant touché les biens et la famille de l’infortunée marquise.

La littérature semble n’avoir pas accordé une aussi belle place au squelette. On prête certes à Voltaire ce mot « Un Dictionnaire sans citations n’est qu’un squelette ». Reste le squelette dans le placard, plus souvent remplacé aujourd’hui par le cadavre dans le placard. D’aucuns pensent que c’est à Thackeray, l’auteur de La Foire aux vanités, que l’on doit d’avoir popularisé le skeleton in the closet. Mais n’oublions pas que, dès 1792, parut une caricature intitulée Le Squelette de Mirabeau sortant de l’armoire de fer, qui illustrait un article révélant que l’on avait trouvé dans la correspondance de Louis XVI, cachée dans cette fameuse armoire, des documents montrant que Mirabeau était entré secrètement en contact avec le roi et sa cour. Cette révélation fit que Mirabeau fut chassé du Panthéon, dont il était le premier occupant, et remplacé par Marat. Sa dépouille erra ensuite de cimetière en cimetière jusqu’à une fosse commune du cimetière de Clamart. Le grand orateur s’était fait squelette errant…

David V. (France)

Le 2 mai 2019

Courrier des internautes

Bonjour, un débat anime mes collègues. Devons-nous écrire : elle souscrit à un contrat, elle souscrit un contrat ou les deux peuvent s’écrire ?

Je vous remercie par avance pour votre réponse qui me permettra de trancher, même si le débat est passionnant.

David V. (France)

L’Académie répond :

Au sens de « s’engager à payer, en signant », on dit : souscrire quelque chose : souscrire un billet, une traite à tant de mois d’échéance.

Au sens de « s’engager à acheter, à fournir une somme pour sa part », on dit : souscrire à quelque chose : souscrire à un emprunt, à une augmentation de capital ; souscrire à une émission d’actions, à des actions.

Mara D. (France)

Le 2 mai 2019

Courrier des internautes

J’entends souvent la question suivante: « Qu’est-ce que vous évoquent ces images ? » Évoquer étant un verbe transitif, il me semble qu’il conviendrait plutôt de dire : « Qu’est-ce qu’évoquent en vous (ou pour vous) ces images ? »

Merci de votre aide.

Mara D. (France)

L’Académie répond :

Qu’est-ce que vous évoquent ces images ? est correct. L’hésitation que l’on peut avoir est sans doute liée au fait que, au deux premières personnes du singulier et du pluriel, les pronoms personnels C.O.D. et C.O.I. ont la même forme : Il me, te, nous, vous parle et il me, te, nous, vous salue. Alors qu’à la 3e personne il change. Il lui, leur parle, mais il le, les salue. On dirait Qu’est-ce (C.O.D.) que lui (C.O.I) évoquent ces images.

Nadia T. (France)

Le 2 mai 2019

Courrier des internautes

Bonjour, nous avons un débat avec mes collègues (journalistes) sur le fait de mettre ou non une majuscule à Noir ou Blanc dans une dépêche relative à une actualité (le rappeur Nick Conrad par exemple) : un Noir ou un noir, une Blanche ou une blanche ? Mais aussi une jeune blanche ou une jeune Blanche, un jeune noir ou un jeune Noir ? Ce sont des questions que je me posais souvent quand j’étais en poste à Washington mais à l’époque, la consigne était de ne pas mettre de majuscule à noir et blanc (ex : un noir a été tué par un policier à Sacramento...).

Nadia T. (France)

L’Académie répond :

Dans ce cas, ces noms, qui sont des noms de personnes considérés comme appartenant à un peuple, prennent la majuscule: un Blanc, une Blanche, un Noir, une Noire.

Dans un jeune Blanc, un jeune Noir, on considère que jeune est l’adjectif; Noir et Blanc gardent la majuscule. On écrit, sans majuscule, un homme blanc, une femme noire car ici blanc et noire ne sont pas des noms mais des adjectifs.

Dérapement pour Dérapage

Le 4 avril 2019

Emplois fautifs

De nombreux verbes français ont des dérivés en -ment et en -age, comme creuser, qui a donné creusage et creusement. Certains n’ont que des formes en -ment, comme étonner, à l’origine d’étonnement, d’autres seulement des formes en -age, comme bavarder, dont est dérivé bavardage. C’est à cette dernière série qu’appartient le verbe déraper, dont le seul dérivé usuel est dérapage. Car, si dérapement existe, il appartient à des domaines beaucoup trop spécialisés, auxquels il doit être réservé, pour se rencontrer dans la langue courante. Ce nom apparaît par exemple dans Les Travailleurs de la mer, dans la partie où Victor Hugo détaille la longue liste des manœuvres effectuées par Giliatt pour détacher et récupérer le moteur de La Durande, qui s’est échouée sur des rochers, et nombre des explications données sont d’ordre technique. Mais, redisons-le donc, dans la langue usuelle, il convient de n’utiliser que dérapage.

On dit

On ne dit pas

La présence de plaques de verglas augmente les risques de dérapage

Le gouvernement veut s’attaquer au dérapage des prix

La présence de plaques de verglas augmente les risques de dérapement

Le gouvernement veut s’attaquer au dérapement des prix

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