Dire, ne pas dire

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Nihil obstat au sens de Veto

Le 5 novembre 2020

Emplois fautifs

Le droit de veto est le pouvoir reconnu au chef d’un État de ne pas promulguer les lois votées par l’assemblée législative ; c’est aussi une prérogative accordée à quelques membres de certaines assemblées de s’opposer aux décisions prises à la majorité. Ainsi, la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, y dispose d’un droit de veto. On emploie parfois, dans la langue courante, l’ellipse veto : on dira ainsi qu’un chef d’État a mis son veto à une mesure. Par extension, et en dehors de tout cadre constitutionnel, veto est devenu synonyme de « refus, opposition catégorique ». Il ne faudrait pas que l’amour du latin amène à un fâcheux contresens, que l’on entend hélas parfois, qui pousse à remplacer veto par la locution latine de sens opposé nihil obstat, proprement « rien ne s’oppose », formule par laquelle un censeur ecclésiastique chargé de vérifier la conformité d’un ouvrage aux enseignements de l’Église atteste ne pas s’opposer à la publication de celui-ci. On peut utiliser plaisamment cette formule pour signifier qu’on ne s’oppose pas à quelque chose, mais rappelons que veto et nihil obstat sont deux tours antonymes qu’il convient de ne pas confondre.

Attaque au sens d’Attentat

Le 5 novembre 2020

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le nom anglais attack peut avoir le même sens que son homonyme français « attaque », mais il peut aussi signifier « attentat ». Il convient pourtant de ne pas confondre en français une attaque, qui désigne une action violente, une agression, ou un assaut, et un attentat, qui désigne une action violente et criminelle contre les personnes, les biens privés ou publics, les institutions. On dira donc l’attaque d’une banque mais un attentat à la voiture piégée ou, figurément, une attaque de goutte mais un attentat au bon goût. Et l’on se souviendra que terrorist attack ne se traduit pas par « attaque terroriste » mais par « attentat terroriste ».

Charmer les arbres, d’Orphée à Balzac

Le 5 novembre 2020

Expressions, Bonheurs & surprises

Les légendes et les mythes de l’Antiquité nous apprennent qu’Orphée était un musicien si habile qu’il charmait non seulement les fauves, mais aussi les rochers et les arbres, et que ces derniers se déplaçaient pour prolonger le plaisir d’entendre son chant. Environ deux millénaires passèrent avant que l’on parle de nouveau d’arbres charmés, mais leur sort était beaucoup moins enviable. On lisait ainsi dans Le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse à l’article Charmé : « Se dit d’un arbre qui, par suite de quelque dommage dont la cause n’est pas apparente, menace de périr ou de tomber. » Bel exemple d’euphémisme : charmé laisse supposer quelque opération d’une puissance surnaturelle derrière laquelle se cache en fait une main criminelle. Au xviiie siècle, le Grand Dictionnaire françois était plus explicite : « On appelle en termes d’eaux & forêts, arbres charmés, des arbres que l’on a creusés, ou auxquels on a fait subir quelque autre chose pour les faire périr. » Et, d’ailleurs, à l’infinitif de ce même verbe Larousse écrit : « Charmer un arbre, Pratiquer à sa base, par malveillance, une lésion qui doit amener la chute ou la mort. » Ce même ouvrage rappelle qu’une ordonnance de 1669 énonçait qu’« il est défendu de charmer ou de brûler les arbres, sous peine de punition corporelle ». Mais pourquoi charmait-on les arbres ? La réponse est simple. Longtemps le bois fut l’unique moyen de se chauffer. Mais ce bois, tous n’en avaient pas à disposition, une grande partie des forêts étant privée. Pour remédier à ce problème et pour venir en aide aux plus démunis, il existait, dans les communaux et dans certaines parcelles privées, un droit d’affouage, qui autorisait les habitants d’une commune à ramasser librement du bois mort. Si celui-ci venait à manquer, restait une solution, énoncée autrefois à la campagne sous la forme de ce proverbe que nous rappelle Littré dans son Dictionnaire : « Quand il n’y a pas de bois mort, on en fait. » Les arbres charmés étaient donc des arbres mutilés – et, partant, condamnés à mourir et à devenir bois mort – par des villageois sans ressources. Dans Les Paysans, Balzac nous montre, au chapitre intitulé justement La Forêt et la Moisson, comment opéraient ces villageois : « [La vieille Tonsard] avait été dans les fourrés plus épais, elle avait dégagé la tige d’un jeune arbre et en avait enlevé l’écorce à l’endroit où elle sortait du tronc, tout autour en anneau, puis elle avait remis la mousse, les feuilles, tout en état, il était impossible de découvrir cette incision annulaire faite, non pas à la serpe, mais par une déchirure qui ressemblait à celle produite par ces animaux rongeurs et destructeurs nommés, selon les pays, des thons, des turcs, des vers blancs, etc. »

Si ce délit n’était plus passible de châtiment corporel, il restait très grave : « Trois jours après, […] les gendarmes emmenèrent la vieille Tonsard surprise en flagrant délit […], avec une mauvaise lime qui servait à déchirer l’arbre et un chasse-clou avec lequel les délinquants lissaient cette hachure annulaire, comme l’insecte lisse son chemin. On constata dans le procès-verbal l’existence de cette perfide opération sur soixante arbres, dans un rayon de cinq cents pas. La vieille Tonsard fut transférée à Auxerre ; le cas était de la juridiction de la cour d’assises. » C’était, somme toute, un sort moins affreux que celui d’Orphée, mis en pièces par les Ménades.

Classe de C.E. 1 (Dreux)

Le 5 novembre 2020

Courrier des internautes

Nous sommes des élèves de C.E. 1 de l’école Marcelin-Berthelot de la ville de Dreux et nous voudrions savoir pourquoi il y a un G et un T à la fin du mot vingt.

En attendant votre réponse, nous vous souhaitons une bonne journée.

Classe de C.E. 1 (Dreux)

L’Académie répond :

Chers élèves,
C’est une très bonne question. L’orthographe du français s’explique souvent par le latin. En latin savant, « vingt » se disait viginti et, en latin populaire, vinti. Au Moyen Âge, on écrivait « vint », qui était la forme venant naturellement de vinti ; mais, à la Renaissance, on a voulu montrer que « vingt » venait de la forme savante viginti. On a donc rajouté un g à vint pour en faire la forme que nous connaissons aujourd’hui : « vingt ». Le cas de « vingt » n’est pas isolé. On a un phénomène semblable avec le nom « corps », écrit cors au Moyen Âge et auquel on a rajouté un p à la Renaissance pour faire « corps » et rappeler que ce nom venait du latin corpus.

Nous vous félicitons pour votre curiosité au sujet du français et nous vous souhaitons beaucoup de bonheur dans vos études.

La question est répondue

Le 1 octobre 2020

Emplois fautifs

Le verbe répondre se construit ordinairement avec deux compléments, un complément direct et un complément indirect : on répond quelque chose à quelqu’un. Il peut arriver que le nom de la personne à qui l’on répond soit remplacé par des noms comme question, interrogation, etc. : Elle a bien répondu à nos questions comme Elle a bien répondu à Pierre. Ici, les noms questions et Pierre sont les complément indirects de répondre, verbe qui, dans ce cas, n’a pas de complément direct et ne peut donc se mettre à la voix passive. On évitera donc des phrases comme la question est répondue, qui, malheureusement, commencent insidieusement à se répandre.

Dispendieux au sens de Dépensier

Le 1 octobre 2020

Extensions de sens abusives

L’adjectif dispendieux signifie « qui occasionne des dépenses, qui coûte cher ». Il s’emploie, non pour qualifier des personnes, mais le plus souvent des noms abstraits : des habitudes dispendieuses, un train de vie dispendieux ; des guerres, des voyages dispendieux. Il ne faut pas confondre cet adjectif avec dépensier qui, lui, s’applique essentiellement à des personnes : Son grand-oncle, qui était très dépensier, a dilapidé une grande part de la fortune familiale ; même si, par métonymie, cet adjectif peut, lui, s’appliquer aussi à des choses abstraites (il a gardé des habitudes de vie très dépensières), on veillera bien à ne pas employer l’un de ces adjectifs quand c’est l’autre qui conviendrait.

Encourir au sens de Risquer, Courir le risque de

Le 1 octobre 2020

Extensions de sens abusives

Le verbe encourir signifie que l’on s’expose à une sanction, une peine, un châtiment qui émane d’une autorité : Il encourt une grosse amende pour sa conduite ; Pour un délit de cet ordre il encourt la prison. Il se construit avec un complément qui est un nom. On ne doit pas le confondre avec risquer ou la locution verbale synonyme courir le risque de, qui se construisent indirectement et veulent un infinitif comme complément : S’il ne travaille pas plus, il risque (ou il court le risque) d’échouer. Il y a dans ce verbe et dans cette locution, qui appartiennent à la langue courante, un caractère d’incertitude beaucoup plus fort qu’avec encourir, qui relève de la langue juridique et qui indique, presque officiellement, quelle peine correspond à telle faute.

Alessandro F. (Brésil)

Le 1 octobre 2020

Courrier des internautes

Chers Messieurs,
Je viens de lire dans une méthode de français l’expression « aller dans un restaurant » et cela ne sonne pas très bien, puisque j’entends et je lis souvent les expressions « aller à » ou « aller au ». S’agit-il d’un problème de rection verbale (comme en portugais, avec la « regéncia verbal ») ? Pourriez-vous m’éclairer, s’il vous plaît ?

Je vous remercie en avance de votre attention.

Alessandro F. (Brésil)

L’Académie répond :

Monsieur,
Vous avez raison : on dit aller au restaurant ; on n’emploie aller dans un restaurant que si le nom restaurant est suivi d’une expansion : aller dans un restaurant brésilien, dans un restaurant qui vient d’ouvrir, dans un restaurant situé à cent mètres de la maison, etc.

Arnaud R. (France)

Le 1 octobre 2020

Courrier des internautes

Bonjour,
L’utilisation d’un c cédille suivi d’une apostrophe est-elle correcte ? J’ai par exemple pu lire des phrases du type ç’avait été une belle soirée. Cette forme pour l’adjectif démonstratif me paraît très hasardeuse, mais je peux me tromper. Je ne m’en étais guère ému lorsque j’avais pu la remarquer dans des articles de journaux, mais récemment j’ai lu le livre, récompensé par l’Académie française, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, de Joël Dicker, où ce ç’ apparaît à plusieurs reprises. J’en suis davantage étonné.

Arnaud R. (France)

L’Académie répond :

Monsieur,
Cette phrase est parfaitement correcte. Ici ç n’est pas la forme élidée d’un adjectif démonstratif, ni celle du pronom démonstratif ça, mais la forme élidée du pronom démonstratif ce, que l’on trouve aussi dans c’est. Devant le a d’avait, pour respecter la prononciation, on ajoute une cédille à la lettre c. Ce tour est de meilleure langue que la forme courante ça avait été, dans laquelle ça, qui ne s’élide pas, est l’abréviation familière de cela. On dira également ç’a été, ç’a eu un grand succès, ç’aura été son grand regret, etc.

De cela, j’en suis fier

Le 2 juillet 2020

Emplois fautifs

Le pronom en remplace un complément introduit par la préposition de : Il est amoureux de la princesse, il en est amoureux ; Il revient de la ville, il en revient ; Il a peur des serpents, il en a peur. Ce pronom en remplace un nom introduit par la préposition de. On doit alors éviter la redondance qui consisterait à reprendre par le pronom en un complément déjà introduit par cette préposition. On ne dira donc pas : de cela, j’en suis fier, mais : de cela, je suis fier ou : cela, j’en suis fier.

on dit

on ne dit pas

De cette action, il avait honte ou Cette action, il en avait honte

De ce beau jeune homme, elle s’était éprise ou Ce beau jeune homme, elle s’en était éprise

De cette action, il en avait honte


De ce beau jeune homme, elle s’en était éprise

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