Je parle ici au nom des marins et amiraux de l’histoire, humiliés jadis par l’Angleterre au soir de la bataille navale de Trafalgar. Aucun d’entre eux, je veux dire d’entre nous, n’en oublia jamais la blessure. Ne se révolteraient-ils pas si, revenus, ils voyaient cet aplatissement, cet avachissement, ce « lèche-cul » des puissants de ce monde ?
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les armées nazies avaient multiplié sur les murs de Paris et des villes de France des phrases en allemand. Et nos collabos disaient qu’il fallait bien que nous apprenions les mots des triomphants. Il faut bien qu’aujourd’hui nous soyons assujettis aux diktats des dominants.
Abêtissons-nous, acceptons, tête baissée, l’humiliation de ce deuxième Trafalgar, où l’armée ennemie est composée de nos concitoyens.
Michel SERRES
de l’Académie française