Il en est autrement dans le monde universitaire. On dirait qu’il a été charmé par l’ingéniosité de ce que j’ai appelé (à propos d’autres usages impropres) les anglicismes furtifs, qui s’insinuent dans la langue sans se faire remarquer. Il avait commencé par des expressions un peu voyantes : Toulouse Business School, Burgundy Business School, mais dans Aix-Marseille Université, par exemple, tous les termes sont français ; de quoi pourrait-on se plaindre ? De l’ordre des mots, hélas, qui est anglais, comme dans Cambridge University. L’enseignement supérieur n’est pas le seul coupable. On trouve également, avec en première position le nom employé comme adjectif : Nantes Métropole, RATP Sécurité, une série d’enquêtes télévisées qui s’appelle Cash Investigations, et la présentation de la France, avec à la fois franchise et fausseté, comme la start-up nation. Si cette coutume devait s’étendre, en donnant Beauvais Aéroport ou Sud Autoroute, une des deux institutions qui forment le Parlement pourrait devenir la Nationale Assemblée, et le nom du pays se transformer, avec un tour de passe-passe, en la Française République.
C’est très peu probable ? Soit, mais qui aurait prédit que la Sorbonne, plus ancienne qu’aucune université anglaise, se laisserait rebaptiser Sorbonne Université ? Et que les Presses de l’Université Paris-Sorbonne deviendraient, en faisant un vif demi-tour afin d’aligner les mots dans l’autre sens, Sorbonne Université Presses ? Et pourquoi ? Ni Cambridge University Press ni Oxford University Press n’ont demandé à servir de modèle.
Au Moyen Âge, à peu près 80 % des adjectifs étaient antéposés, au xviie siècle 50 %, au xxe seulement 35 %. Les Français ont voulu cette évolution, sans trop y penser, ce déplacement de l’adjectif après le nom qui a progressivement éloigné le français de l’anglais. Ont-ils changé d’avis ?
Sir Michael Edwards
de l’Académie française