Funérailles de M. Joseph Bertrand

Le 6 avril 1900

Marcellin BERTHELOT

INSTITUT DE FRANCE

ACADÉMIE FRANÇAISE

FUNÉRAILLES DE M. JOSEPH BERTRAND

MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADEMIE DES SCIENCES

Le Vendredi 6 avril 1900

DISCOURS

DE

M. BERTHELOT

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES

 

 

MESSIEURS, MES CHERS CONFRÈRES,

L’Académie est dans la douleur ! Elle perd en ce moment l’un de ses représentants les plus illustres et les plus dévoués. Mais la perte est plus grande et plus douloureuse peut-être pour les amis, séparés par la mort de Joseph Bertrand Voici quarante-six ans que nous sommes liés d’une affection qui n’a pas souffert d’éclipse. C’était en 1854 : Bertrand, âgé de 32 ans, déjà célèbre par ses découvertes mathématiques, était professeur au Lycée Napoléon. Moins âgé que lui de cinq ans, je venais de débuter par la synthèse des corps gras. Bertrand, empressé à sympathiser avec toute jeune espérance scientifique, m’accueillit et me donna son amitié. Plus tard nous fûmes collègues au Collège de France.

Depuis nous avons vécu côte à côte. Bertrand me précédant toujours dans la vie scientifique, aussi bien que dans la vie de famille. En 1856, il fut nommé membre de l’Académie ; en 1874, il remplaça Élie de Beaumont comme Secrétaire perpétuel. Le cours de ma vie fut semblable. D’autres plus compétents vous rappelleront les découvertes de Bertrand, qui l’ont illustré parmi les mathématiciens du monde entier. Nous savons tous quelle était son autorité, son zèle pour la réputation et les intérêts de l’Académie, la vivacité de son esprit, la facilité de ses relations privées et publiques, la bienveillance avec laquelle il encourageait les jeunes gens dans leurs travaux, et les aidait de ses conseils et des ressources de l’Académie, auxquelles il n’hésita pas à joindre, dans plus d’une occasion, ses ressources personnelles. Voilà pourquoi nous sommes tous réunis autour de cette tombe, dans une commune affliction, avec son fils, notre Confrère, avec toute sa famille si cruellement frappée. Adieu, Bertrand : adieu, mon ami : tes travaux laissent une trace profonde dans l’histoire de la Science et ton souvenir ne s’effacera jamais de nos cœurs !