Cet anglicisme pourrait facilement être remplacé par « tract » ou « prospectus », mais on pourrait aussi lui préférer, pour services rendus à la démocratie, le terme de « feuille volante ». Évoquons pour cela un point d’histoire trop souvent méconnu. Les philhellènes, qui, au début du xixe siècle, s’employaient à aider les Grecs dans leur combat pour l’indépendance contre la puissance ottomane, agissaient de diverses manières : Lord Byron alla combattre et mourir en Grèce avec une poignée d’hommes que l’on peut considérer comme les ancêtres des Brigades internationales ; d’autres les soutinrent par leurs écrits, parmi lesquels Hugo, Chateaubriand, Lamartine.
Firmin Didot, lui, fit venir à Paris des Grecs qu’il forma au métier d’imprimeur et arma de petits navires, appelés « gaozes », à bord desquels était caché le matériel d’imprimerie qu’il leur avait fourni. Comme ces bateaux faisaient constamment du cabotage, il était plus difficile à la police turque de les repérer, d’arrêter les imprimeurs et de détruire les machines. De port en port on distribuait les tracts imprimés au large, et, en hommage à Firmin Didot, ces imprimeurs clandestins leur donnèrent le nom français de « feuilles volantes ». Notre langue est redevable à la Grèce d’une grande partie de son vocabulaire et en particulier du mot démocratie. Il serait regrettable que nous n’utilisions plus l’expression qu’elle nous avait empruntée quand il s’était agi de lutter pour son indépendance.