Dire, ne pas dire

Dernièrement pour Enfin, en dernier lieu

Le 7 juin 2018

Extensions de sens abusives

Dans son Thresor de la langue francoyse tant ancienne que moderne, Jean Nicot écrivait déjà au sujet de dernièrement : « Est adverbe de ce mot Dernier, et signifie non en dernier lieu, ains (mais) au dernier temps. » Il était suivi en cela par l’Académie française, dans la première édition de son Dictionnaire, où l’on pouvait lire : « Dernierement : Adverbe de temps, Depuis peu, il n’y a pas long-temps. Il arriva dernierement un estrange accident ». Cet emploi est très ancien et se rencontrait dès le xiiie siècle, chez Philippe de Beaumanoir dans ses Coutumes de Beauvaisis : « Et avint après ce que le [la] feme, derrainement espousée du chevalier, morut. » Force est donc de constater que le couple dernier/dernièrement a un fonctionnement différent de premier/premièrement, puisque dernièrement ne peut signifier « en dernier lieu ». Certains auteurs ont essayé, au début du xixe siècle en particulier, de donner ce sens à dernièrement ; parmi les plus illustres, on trouve Chateaubriand ou Mme de Staël, qui écrit dans De l’Allemagne : « La langue allemande, depuis mille ans, a été cultivée d’abord par les moines, puis par les chevaliers, puis par les artisans tels que Hans Sachs, Sébastien Brand, et d’autres, à l’approche de la Réformation, et dernièrement enfin par les savants, qui en ont fait un langage propre à toutes les subtilités de la pensée. » Mais force est de constater que cet emploi ne s’est pas ancré dans l’usage ; on emploiera donc dernièrement avec le sens de « récemment » et non d’« en dernier lieu ».

On dit

On ne dit pas

Et, enfin, faites cuire pendant trente minutes


En dernier lieu, relisez soigneusement votre devoir

Et, dernièrement, faites cuire pendant trente minutes

Dernièrement, relisez soigneusement votre devoir