Dire, ne pas dire

Curiosité

Le 2 octobre 2014

Bloc-notes

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Si, comme le veut la sagesse ancienne, nous tournions, avant de prononcer le moindre mot, sept fois la langue dans notre bouche, bien des impairs seraient évités, et nombre de divorces… Mais avouez que la spontanéité de la conversation n’y gagnerait pas. Laissons où il est, dans notre Constitution, le sinistre principe de précaution. Et choisissons une autre méthode : avant de parler, voyageons plutôt vers la source de nos paroles. Vive l’étymologie !

Prenez l’exemple de la curiosité, ce sel de la vie.

Comment tuer à jamais la phrase idiote qui a ravagé notre enfance « la curiosité est un vilain défaut » ?

Revenez au latin. Curiosité vient de cura, qui veut dire la cure, comme dans cure ou curatif.

Donc le curieux est celui, ou celle, qui prend soin.

Et c’est l’indifférence, le plus vilain, le plus asséchant des défauts, cette manière fermée de vivre, verrouillé en soi-même, sans jamais trouver matière ou personne à distinguer, à célébrer.

Voulez-vous un exemple supplémentaire ? Réussir.

Cette fois, passons par l’italien.

Le cœur de ce mot, c’est le verbe uscire, qui veut dire « sortir, trouver la sortie ».

Dans la vision traditionnelle, celui, ou celle, qui a réussi est installé, immobile, calé dans un grand fauteuil, cigare aux lèvres. Erreur. Le réussi a trouvé la sortie. Ou n’en est pas loin.

Quelle sagesse !

Oui, vive l’étymologie ! Elle offre de délicieux et nourrissants voyages, par ailleurs gratuits et qui ne craignent aucune grève de pilotes.

 

Erik Orsenna
de l’Académie française