Les deux expressions existent et ont à peu près le même sens.
La première vient de la musique et indique que, comme les instruments, les violons ou les flûtes s’accordent soigneusement pour sonner juste, des personnes travaillent de concert et elles organisent bien leur collaboration.
La seconde vient de la marine. C’est un vieux mot indiquant le soin que prenaient les navires de rester à juste distance l’un de l’autre et de profiter du vent sans se gêner : ils naviguaient de conserve pour « se conserver » et éviter les dangers…
Comme toujours l’étymologie est intéressante, puisqu’elle nous raconte l’histoire des mots.
Si de concert vient de la musique, c’est qu’il faut bien que les musiciens qui jouent ensemble se concertent pour que leurs instruments soient accordés et qu’ils suivent le même tempo.
De conserve, c’est qu’il faut bien que les marins prennent garde de ne pas se heurter, pour se conserver.
La concordance des temps
La concordance des temps n’est pas sans poser quelquefois de petits problèmes…
Quand la proposition principale est au passé, il est d’usage que les subordonnés qui la suivent s’installent dans le temps de la principale et se mettent donc, elles aussi, au passé. Ce n’est pas sans susciter quelques ambiguïtés.
« On m’a dit, Madame, que vous étiez une excellente cuisinière… »
La dame va-t-elle sursauter et répondre avec un peu d’aigreur :
« Mais je le suis toujours, Monsieur… »
Car cet imparfait peut exprimer le présent du temps où l’on parle, aussi bien que le passé révolu…Si cette personne avait déclaré « On me dit, Madame, », elle aurait évidemment terminé sa phrase par « que vous êtes ». Mais celui qui a prononcé ces mots avait un grand respect de la concordance des temps. C’était d’ailleurs une personne de grand talent, et pas seulement pour la cuisine : il s’agissait de Maurice Edmond Sailland, plus connu sous le nom de Curnonsky. Le fameux gastronome parlait très bien notre langue, et en goûtait toutes les saveurs. Il a donc dit : « On m’a dit, Madame, que vous étiez… »
Ils se sont battus à cor et à cris
On imagine deux malandrins en train de se donner des coups « sur le corps » en hurlant ; mais l’orthographe serait tout à fait inexacte et nous empêcherait de comprendre le vrai sens de cette expression.
Elle est très ancienne et nous vient de la chasse à courre. Lorsque les chasseurs cavalcadaient ici et là dans la forêt, sans se voir, ils communiquaient par des cris, mais surtout par des cors de chasse : cet instrument n’avait d’autre utilité que de donner à entendre des renseignements précis : à chaque situation correspondait une sonnerie, un air particulier.
On sonnait « La Royale » pour un cerf dix cors (un grand adulte) « Le Bien allé », si on le suivait, « Le Débuché », et enfin « L’Hallali ».
Ils se sont donc battus « à cor et à cris ».
Avant qu’il fût né et après qu’il fut grand…
Un simple accent circonflexe ici, mais pas là…
Est-ce bien grave ?
Eh bien, oui : c’est la justesse de ce que nous disons, c’est-à-dire ce que nous pensons, qui est en cause quand nous l’écrivons.
Avant que quelque chose existe, ou ait lieu, on use du subjonctif, puisque cela n’existe pas encore, n’a pas eu lieu :
Je voudrais que cela soit, je souhaite que cela ait lieu, je rêverais que cela se produisît…
Et donc :
Avant qu’il fût né…
Et puis le réel s’est installé, les choses désormais sont vraies : il est né, il a grandi, c’est un vrai petit homme ; et quand il fut grand… Le réel s’écrit à l’indicatif.
On peut même aller plus loin, de manière encore plus précise. Puisqu’il n’existait pas encore avant qu’il ne fût né, on peut renforcer cette irréalité à l’aide de ne.
Ce ne est facultatif, peut-être met-il en valeur l’impatience avec laquelle vous attendiez : Avant qu’elle n’arrive, je suis dans l’angoisse…
Voltaire écrit « Le roi voulut voir le chef d’œuvre avant qu’il fût achevé. » : accent circonflexe, mais pas de ne. Sa majesté était peut-être moins impatiente qu’on ne le disait. Mais après qu’il l’eut vu, le roi manifesta sa gratitude.
Philippe Beaussant
de l’Académie française