Les mots et expressions, comme les vêtements ou les coupes de cheveux, ont leurs modes, qui portent tel ou tel sur le devant de la scène, souvent au détriment de tel autre. C’est le cas de taiseux, qui semble aujourd’hui éclipser taciturne. Ce dernier, emprunté du latin taciturnus, lui-même dérivé de tacitus, « silencieux, qui se tait », a d’abord qualifié un endroit silencieux puis un homme peu enclin à parler. Aujourd’hui, on réserve paresseusement ce trait de caractère à deux grandes catégories : les paysans et les montagnards, que l’on appelle taiseux, et on en fait une qualité propre de ces personnages. Exit donc le montagnard volubile ou le campagnard disert. Le marin est le seul, à condition bien sûr de n’être pas solitaire, parmi les hommes vivant au milieu de la nature, qui semble pouvoir être bavard. En témoigne d’ailleurs cette réplique des Tontons flingueurs : « C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases. » Quoi qu’il en soit, on évitera de faire de taiseux un adjectif passe-partout, employé sans nuance pour désigner toute personne peu expansive qui n’est pas un citadin.