Dire, ne pas dire

Métamorphoser, transformer, transmuer et transmuter, transfigurer, changer

Le 12 décembre 2024

Nuancier des mots

Les verbes métamorphoser et transformer sont synonymes et sont construits de la même façon : un préfixe, grec ou latin, à valeur prépositionnelle signifiant « au-delà, par-delà », méta- pour le premier et trans- pour le second, et un radical tiré l’un du grec morphê et l’autre du latin forma, deux noms qui signifient « forme ».

S’ils sont synonymes, ils n’ont pas exactement le même emploi : transformer, et transformation qui en est dérivé, appartiennent à la langue courante, tandis que métamorphoser et métamorphose appartiennent à une langue plus littéraire et plus savante. On le trouve dans des titres d’ouvrages, depuis Les Métamorphoses d’Ovide jusqu’à La Métamorphose de Kafka. C’est aussi ce nom qu’on emploie dans la langue de l’entomologie pour parler des changements d’état des insectes, quand ils passent de celui de larve à celui d’adulte. Si les mots métamorphoser et métamorphose ont d’abord appartenu aux langues poétique et scientifique, ils s’emploient maintenant dans la langue courante, au sens figuré, dans des cas où transformation et transformer seraient également possibles. On dira ainsi Quelle métamorphose depuis qu’il s’est mis au sport ou Cette année passée à l’étranger les ont métamorphosées. De ces verbes sont aussi tirés deux noms appartenant à des lexiques spécialisés. La géologie emploie le terme métamorphisme pour désigner le changement de composition minéralogique et de texture d’une roche qui, à l’état solide, se trouve soumise à une élévation de température ou de pression, tandis que la biologie donne le nom de transformisme à la doctrine à l’origine de l’évolutionnisme, selon laquelle les espèces vivantes dérivent les unes des autres par transformations successives. Parallèlement, transformisme désigne aussi un numéro de cabaret dans lequel un artiste se travestit ou interprète successivement divers personnages en changeant rapidement d’apparence et de voix.

Transformation et métamorphose ont un synonyme, transfiguration, d’abord employé dans la religion chrétienne pour évoquer la transformation glorieuse de Jésus-Christ sur le mont Thabor devant ses disciples Pierre, Jacques et Jean, qui leur révéla sa divinité à travers son humanité. Par extension, ce nom et le verbe transfigurer s’emploient en parlant du changement profond, radical qui vient modifier en bien le visage, l’apparence ou le caractère d’une personne.

Changer est un synonyme plus courant de tous ces verbes, mais, de cette longue liste, il est le seul à pouvoir s’employer intransitivement et l’on pourra dire le monde change, mais non le monde métamorphose ou le monde transforme.

Le préfixe trans-, que l’on a dans transformer, se retrouve aussi dans les verbes transmuer et transmuter, tirés l’un et l’autre, le premier de façon populaire, l’autre de façon savante, du latin mutare, « déplacer, changer, modifier », à l’origine de nos verbes « muter » et « muer ». Transmuer et transmuter appartiennent essentiellement au vocabulaire des alchimistes, qui s’efforçaient de changer les métaux vils en or ou en argent. Cette quête fut le sujet de nombreux ouvrages au Moyen Âge et dans les siècles qui suivirent, et Balzac en fit encore le sujet de son roman La Recherche de l’absolu.