L’entrecôte avec ses frites, le gigot avec son coulis
Tous les genres du discours peuvent se prêter à l’emphase, à l’enflure. Aujourd’hui les menus n’y échappent pas alors que, longtemps, la langue choisissait l’élision : un steak frites, un jambon beurre. Certaines tournures qu’on peut y lire sont sympathiques et sont passées dans la langue courante, comme les pommes de terre en robe des champs (ou de chambre) pour désigner ces tubercules quand ils sont servis avec leur peau. Mais aujourd’hui l’emphase se niche dans les formes grammaticales. L’article indéfini semble être passé de mode. On ne propose plus un pavé, un steak au poivre, etc., mais LE pavé, LE steak au poivre, comme si la présence de l’article défini faisait qu’on nous proposait le parangon, le phénix des pavés, des steaks au poivre. On se doute bien qu’une telle merveille gastronomique ne peut avoir un simple accompagnement. Le canard n’est plus à l’orange, il n’est pas non plus servi avec des oranges. La majesté du plat demande un possessif. On aura donc le magret de canard avec ses oranges ou le magret de canard et ses oranges. Mais on se demandera toujours si le caractère ronflant de l’énoncé n’est pas là pour cacher l’austérité des portions.
On dit |
On ne dit pas |
Manger une entrecôte avec des frites Un gigot avec un coulis d’airelles |
Manger l’entrecôte avec ses frites Le gigot avec son coulis d’airelles |