Dire, ne pas dire

Recherche

Blindé

Le 7 février 2013

Emplois fautifs

Blindé, qui a la même origine que l’anglais blind, « aveugle », a d’abord qualifié un ouvrage militaire si bien dissimulé qu’il était invisible aux yeux de l’ennemi, puisqu’il était couvert de fascines et autres branchages. Ce participe passé a pris en argot le sens d’« ivre », puisque plus rien ne semble pouvoir atteindre celui qui se trouve dans cet état. C’est, avec « couvert d’un blindage », et le sens figuré d’« endurci, protégé » : Un artiste blindé contre les critiques, les seuls sens corrects de blindé. On évitera donc d’en faire un équivalent de plein, rempli, débordé, que l’on parle d’un lieu, d’un agenda ou d’une personne.

Si donc un restaurant n’a pas une vitrine munie de plaques d’acier, on ne dira pas, quelle que soit sa fréquentation, qu’il est blindé.

 

On dit

On ne dit pas

Il n’y a plus une place dans ce bar

Je n’ai plus une date de libre dans mon agenda

Je n’ai plus un instant à moi

Ce bar est blindé de monde

Mon agenda est blindé
 

Je suis blindé

 

Interrogative indirecte avec inversion du sujet

Le 7 février 2013

Emplois fautifs

L’interrogative indirecte diffère principalement de l’interrogative directe en deux points : elle ne comporte ni point d’interrogation, ni inversion du sujet et du verbe. Si, à l’oral, les fautes sont très peu nombreuses quand l’interrogative indirecte est introduite par si (Dites-moi si vous êtes satisfait, Je lui ai demandé s’il était malade), on constate malheureusement que l’inversion du sujet et du verbe, caractéristique de l’interrogation directe, est fréquemment maintenue quand la question est introduite par un adverbe interrogatif comme quand, où, comment, pourquoi, etc., car ces termes, à la différence de si, sont employés à la fois dans l’interrogative directe et dans l’interrogative indirecte.

 

On dit

On ne dit pas

Expliquez-nous comment vous faites

Je ne sais pas pourquoi il part

Dites-nous quand vous reviendrez

Expliquez-nous comment faites-vous

Je ne sais pas pourquoi part-il

Dites-nous quand reviendrez-vous

 

Dispatcher

Le 7 février 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

On rencontre de plus en plus l’anglicisme dispatcher en lieu et place de répartir. Il ne faut pas employer ce terme qui, de surcroît, n’est pas l’équivalent de l’anglais to dispatch. Ce dernier, en effet, ne signifie pas « répartir », mais « expédier », avec la nuance de hâte que l’on peut trouver dans ce verbe français. Dans We soon dispatched our dinner, « Nous eûmes bientôt expédié notre dîner », apparaît bien l’idée de vitesse, mais aucunement celle de répartition. On utilisera donc, en fonction des circonstances répartir, ranger, classer, trier, etc.

 

On dit

On ne dit pas

Répartir les élèves dans les classes

Ranger les marchandises en fonction des envois

Distribuer les tâches

Dispatcher les élèves dans les classes

Dispatcher les marchandises en fonction des envois

Dispatcher les tâches

 

Reminder

Le 7 février 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’anglicisme reminder est dérivé du verbe to remind, « rappeler ». Un usage à la mode consiste à l’employer en français pour désigner un message, en particulier un message électronique, destiné à rappeler des tâches à accomplir ou des évènements à ne pas manquer. Le français dispose de termes ou d’expressions de sens équivalent. Pourquoi ne pas les employer ?

 

On dit

On ne dit pas

Rappel : la soirée aura lieu samedi

Envoyez-moi un message pour me rappeler que

Je vous ai laissé un mémento

Reminder : la soirée aura lieu samedi

Envoyez-moi un reminder pour
 

Je vous ai laissé un reminder

 

« Rendre le cimetière bossu » et « Le pays sans chapeau »

Le 7 février 2013

Expressions, Bonheurs & surprises

Dans La Légende des siècles, Victor Hugo montre comment les enfants de Caïn entassent de monstrueuses quantités de pierres pour tenter d’occulter l’œil qui hante leur père :

On lia chaque bloc avec des nœuds de fer

Et la ville semblait une ville d’enfer

L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes

Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes.

Il semble que, pour tenir la mort à distance et pour s’en protéger par le langage, les vivants aient assemblé, à la manière des fils de Caïn, une grande quantité d’expressions, tantôt populaires et triviales, tantôt poétiques, tantôt limpides, tantôt obscures, mais toujours euphémiques pour dire le trépas. Les latins disaient que l’on rejoignait ses ancêtres, que l’on allait ad patres. Certaines expressions rappellent que la vie est liée au souffle et que la mort nous le reprend : rendre l’esprit, rendre l’âme, rendre son dernier soupir. D’autres sont plus imagées comme casser sa pipe ou avaler son bulletin de naissance. Pour désigner la mort comme état, et non plus comme évènement, on trouve, entre tant d’autres, manger les pissenlits par la racine, être six pieds sous terre, être entre quatre planches.

Deux autres locutions, moins connues mais tout aussi expressives et imagées, méritent d’être ajoutées à cette liste. La première Il a rendu le cimetière bossu s’employait jadis pour parler du mort lui-même. Elle tire son origine du fait que les pauvres n’avaient pas de pierre tombale, et que l’endroit où on les avait inhumés n’était marqué que par un amas de terre remuée, que l’on comparait à une bosse. La seconde, le pays sans chapeau, vient de par-delà les mers puisqu’on la trouve sous la plume de l’écrivain haïtien francophone Dany Laferrière : cette locution, qui est aussi le titre d’un de ses romans, désigne l’au-delà, ce rivage mystérieux où l’on aborde la tête nue puisqu’il n’est pas d’usage d’être enterré avec son chapeau.

Patrick T., La Celle-Saint-Cloud

Le 20 janvier 2013

Courrier des internautes

Pour désigner les personnes travaillant dans une entreprise,  on utilise le mot « collaborateur ». Or celui-ci a une connotation désagréable (2e guerre mondiale). Je propose de le remplacer par le mot « contributeur ». Je sais qu'il n'est pas admis pour l'instant dans le dictionnaire, mais peut-être pourriez-vous l'autoriser et préconiser son emploi.

Patrick T., La Celle-Saint-Cloud

L’Académie répond

COLLABORATEUR, -TRICE n. XVIIIe siècle. Dérivé savant de collaborer.  1. Personne qui travaille avec une ou plusieurs autres à une œuvre commune. Les collaborateurs d'un journal. Sa femme a été pour lui une collaboratrice précieuse.   Par ext. Celui ou celle qui seconde une personne chargée d'importantes responsabilités. Les collaborateurs du ministre. Il sait choisir ses collaborateurs. Se défaire d'un collaborateur  2. Spécialt. Péj. Personne qui, sous l'occupation allemande, entre 1940 et 1944, a choisi de collaborer avec les occupants. Un collaborateur condamné à l'indignité nationale. Par ext. Personne apportant son aide à ceux qui ont envahi son pays. Par abréviation. Pop. Collabo. Il fut un collabo notoire.

Comme vous le voyez, en dehors du contexte de la Deuxième Guerre mondiale, collaborateur n'a rien de péjoratif. Contributeur, plus rare, a un sens spécialisé. Il désigne une personne qui donne un article à une revue.

Dorian C.

Le 11 janvier 2013

Courrier des internautes

Je fais partie d'un groupe de rock et, lors de la mise en forme de notre CD, nous avons eu un problème. Nous voulons appeler notre album 27h42 (passées de quelques secondes). Mais comment devons-nous écrire « passées » ? Faut-il l'accorder avec les 27 heures et les 42 minutes (passées), ou juste avec l'heure (passée), ou l'heure est-elle une entité avec laquelle nous n'accordons pas les verbes (passé) ?

Dorian C.

L’Académie répond

Ici on accordera passé avec ce qui précède et l’on écrira 27 h 42 passées de quelques secondes.

« Dire, Ne pas dire » un an après

Le 3 janvier 2013

Bloc-notes

pouliquen.jpg
Un an après le lancement de Dire, Ne pas dire il est légitime de s’interroger sur les effets de l’initiative que prit alors notre Académie de doter son site d’un outil permettant une relation plus ouverte, plus spontanée avec ceux des internautes qui se disaient sensibles au bon usage de notre langue et qui semblaient douter de notre réactivité face aux agressions dont elle était victime. À cette interrogation la réponse est claire, ces effets furent heureux. Chacun des cent cinquante articles  concernant les emplois fautifs, les extensions de sens abusives, les néologismes, les anglicismes, etc., qui y furent proposés et retenus chaque mois par notre Compagnie fut à l’origine d’une correspondance abondante et riche de suggestions rejoignant les nôtres. Si certains reprochèrent à l’Académie un retard dans l’adoption de mots récents, le plus souvent injustement car il s’agissait de mots déjà admis par la Commission du Dictionnaire, mais non encore publiés ou présents sur la Toile, et si d’autres l’accusèrent d’être trop passive, cette correspondance fut le plus souvent enthousiaste car elle répondait aux soucis de nos lecteurs, auxquels il était démontré que l’Académie ne restait pas indifférente aux entorses infligées couramment à la langue française. En somme un vrai dialogue s’établit entre notre Compagnie et un public passionnément attaché au bien parler.

Une étude statistique de la fréquentation de Dire, Ne pas dire nous confirme qu’à la curiosité que suscita l’annonce par les médias de son lancement a succédé une consultation régulière, attentive de ses pages. Une analyse précise de son audience au cours des dix premiers mois de son existence, du 1er novembre 2011 au 31 août 2012, met en évidence les éléments suivants : 45 395 visiteurs uniques nous ont fréquenté, qui furent responsables de 63 483 visites en consultant 199 387 pages (3,14 pages par visiteur) avec, ce qui est notable, une durée moyenne de visite de 2 minutes 49 secondes et un taux de rebond de 55 %. 72 % d’entre eux nous rendaient visite pour la première fois tandis que 28 % consultèrent plusieurs fois notre site. Il est intéressant de noter que, parmi les rubriques proposées, c’est celle des Emplois fautifs qui fut la plus consultée, suivie à égalité par Extensions de sens, Bonheurs et surprises et Néologismes et anglicismes. Les bloc-notes sont régulièrement lus. C’est donc, en moyenne, 4 500 internautes qui s’informent chaque mois des propositions de notre site Dire, Ne pas dire. Ils sont une fraction des 33 429 internautes qui, entre le 22 octobre et le 21 novembre derniers, ont rendu visite au site de l’Académie française. Une majorité d’entre eux est naturellement d’origine française (23 044) à laquelle s’ajoutent deux à trois mille francophones originaires en parts égales du Canada, de Suisse, de Belgique et d’Algérie. Il en vient aussi des États-Unis, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne, environ huit cents pour chacun de ces pays. On remarque aussi que la correspondance entretenue avec Dire, Ne pas dire s’est modifiée au cours des mois. Si les internautes signalèrent au départ les fautes les plus grossières du langage parlé et se rassurèrent en voyant que l’Académie les réprouvait également, ils nous ont ensuite demandé si telle ou telle expression, lue ou entendue ici ou là, était correcte et d’en préciser, le cas échéant, les conditions d’emploi. Ils entretiennent avec le Service du Dictionnaire des échanges dont il nous paraît judicieux de publier chaque mois les plus instructifs. Il apparaît nettement que la création de Dire, Ne pas dire a favorisé cette relation avec le Dictionnaire de l’Académie française et le service si compétent de ce dictionnaire.

Peut-on prétendre encore que l’Académie française se cloître entre ses murs et reste indifférente aux mauvais traitements infligés à notre langue ? S’il se peut que certains le croient encore, je les invite à taper sur leur clavier « Académie française » et à choisir, parmi les diverses rubriques qui sont offertes, « Dire, Ne pas dire». Ils y retrouveront sans doute une part de leurs préoccupations concernant notre belle langue.

 

Yves Pouliquen
de l’Académie française

Candidater

Le 3 janvier 2013

Emplois fautifs

Les noms terminés en -at sont assez fréquents en français. Ils désignent le plus souvent un titre ou une dignité, essentiellement dans les domaines historique, religieux ou administratif : consulat, pontificat, notariat. Ces noms en -at peuvent aussi désigner des personnes : certains appartiennent à la langue populaire ou familière (bougnat, loufiat, malfrat, galapiat), mais ceux, les plus nombreux, qui appartiennent à la langue courante sont des formes empruntées à d’anciens participes passés latins : légat, avocat, castrat, lauréat ou candidat. Candidatus signifie, proprement, « vêtu de blanc », car à Rome les candidats aux élections revêtaient une toge blanche. On évitera donc de faire dériver de ce nom un verbe actif. On n’*avocate pas, on ne *lauréate pas, on se gardera de *candidater. On utilisera des formes comme postuler, être candidat (à), briguer, poser sa candidature.

On dit

On ne dit pas

Postuler un emploi de comptable
 

Être candidat à la députation

Poser sa candidature pour un poste de jardinier

Candidater pour un emploi de comptable


Candidater à la députation

Candidater pour un poste de jardinier

 

En termes de

Le 3 janvier 2013

Emplois fautifs

La locution En termes de signifie « dans le vocabulaire de » : en termes de diplomatie, en termes de sport, en termes de marine, de droit, etc., et on ne doit pas lui donner d’autres significations. En termes de, au sens de « en matière de, quant à, pour ce qui est de, du point de vue de », est un anglicisme à proscrire.

 

On dit

On ne dit pas

En matière d’efficacité

Quant à la consommation

Pour ce qui est du confort

En termes d’efficacité

En termes de consommation

En termes de confort

 

Pages