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TZR - Titulaire sur Zone de Remplacement (Wikipédia)

Le 3 octobre 2013

Bloc-notes

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Bel exemple de jargon administratif, qu’on reconnaît notamment à l’abus des sigles…

Venu par abréviation du latin sigilla (pluriel de sigillum, « sceau, seing ») ou du bas latin sing(u)la, « singuliers ; isolés », abrégé en sigla, le mot Sigle apparaît au xviiie siècle, d’abord au féminin en 1712, puis au masculin en 1832, pour désigner une initiale ou une suite d’initiales utilisées afin d’abréger un mot ou une suite de mots.

Censée fournir à ces textes une garantie de sérieux et de rigueur, l’accumulation de sigles en accroît l’obscurité, et produit au passage d’irrésistibles effets comiques.

En voici quelques exemples, tirés de l’article « TZR » de Wikipédia :

 

« Le cadre statutaire

[…] En accord avec les textes définissant la fonction de TZR, le TZR est affecté au mois de juin sur une zone de remplacement à la suite du mouvement des enseignants du second degré par un arrêté qui indique également son établissement de rattachement administratif (RAD). En l’absence d’affectation du TZR par le rectorat (services de la DPE) pour lui faire exercer des suppléances, c’est le chef d’établissement du RAD qui gère et organise les heures de service du TZR au sein de son établissement. C’est notamment dans son RAD que le TZR signe son PV d’installation au mois de septembre, et se voit attribuer sa note administrative au cours du second trimestre. […] »

 

« La Zone de Remplacement (ZR)

[…] L’organisation des zones de remplacement est de la responsabilité de chaque académie. La taille de ces zones diffère selon les disciplines : elles prennent généralement trois formes. Elles peuvent être infra-départementales (plus petites qu’un département), comme par exemple les ZR de Sarthe-Est, ZR de Sarthe-Ouest et ZR de Sarthe-Nord dans l’académie de Nantes. Elles peuvent être départementales, comme par exemple les ZR Essonne, ZR Hauts-de-Seine, ZR Val-d’Oise et ZR Yvelines dans l’académie de Versailles. Elles peuvent enfin représenter toute une académie (académie de Rouen pour les enseignants de langue arabe par exemple). L’académie de Versailles attribue par exemple une ZR infra-départementale aux enseignants de lettres modernes, EPS, anglais et histoire-géographie, une ZR départementale aux enseignants de philosophie, lettres classiques, allemand, etc., et enfin une ZR académique aux enseignants des disciplines dont le nombre de TZR est inférieur à vingt (japonais, génie civil et informatique par exemple). »

 

« Sigles spécifiques à la fonction de TZR

TZR : Titulaire sur Zone de Remplacement

ZR : Zone de Remplacement

AFA : Affectation à l’année

RAD : (établissement de) Rattachement administratif

ISSR : Indemnité de Sujétion Spéciale de Remplacement

PV : Procès Verbal d’installation

DPE : Direction des Personnels enseignants. »

 

Danièle Sallenave
de l’Académie française

La température est chaude

Le 3 octobre 2013

Emplois fautifs

Le nom température désigne le degré de chaleur atteint par un lieu ou par un corps ; ce degré peut être plus ou moins élevé, le lieu ou le corps pouvant être plus ou moins chauds, plus ou moins froids. De même que l’on évitera de dire qu’une hauteur est haute ou basse, on évitera de dire que la température est chaude.

On essaiera également, autant que faire se peut, de ne pas confondre la température et la fièvre, qui est une élévation de la température normale du corps.

 

On dit

On ne dit pas

Il fait chaud, la température est élevée

Il a, il fait de la fièvre

La température est chaude

Il a, il fait de la température

 

Dédicacer pour dédier ou consacrer

Le 3 octobre 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Le verbe Dédicacer signifie « pourvoir d’une dédicace » ou « adresser, offrir avec une dédicace ». On ne doit donc pas donner à ce verbe les sens de « dédier, consacrer », qu’il n’a plus depuis le xve siècle. C’est malheureusement une faute qui tend à se répandre à cause d’une confusion avec l’anglais to dedicate qui, lui, a conservé les sens de dédier et de consacrer.

On évitera aussi la faute qui consiste à employer absolument le participe dédié.

 

On dit

On ne dit pas

Une journée dédiée aux lépreux

Consacrer une église

Consacrer sa vie à la recherche

Du matériel affecté à tel usage

Une journée dédicacée aux lépreux

Dédicacer une église

Dédicacer sa vie à la recherche

Du matériel dédié.

 

Closeries, ouches, hortillons, plessis et autres jardins

Le 3 octobre 2013

Expressions, Bonheurs & surprises

Sans doute est-ce pour les protéger des voleurs, hommes ou animaux, qu’il était si important de fermer le plus hermétiquement possible les jardins, et que nombre de mots qui les désignent ont une lointaine origine qui évoque l’idée de clôture.

Le plus proche étymologiquement de clos était la closerie, qui a d’abord désigné un petit domaine fermé de haies ou de murs, le plus souvent confié en fermage à un closier. Au xixe siècle, ce même mot a désigné un jardin aménagé où l’on organisait des attractions publiques, des bals. La plus connue était la Closerie des Lilas, où l’on pouvait croiser, dans les premières années du siècle dernier, un exilé russe du nom de Lénine jouant aux échecs avec le poète Paul Fort.

Le nom jardin, quant à lui, est issu de l’adjectif gallo-romain gardinus, « enclos, fermé », qui est tiré d’une forme franque gart, « clôture » ; cette forme est aussi à l’origine de l’allemand Garten. Dans le Nord de la France, jardin s’est longtemps prononcé gardin et c’est cette forme que l’anglais a empruntée avant d’en faire le nom garden.

Autre terme pour désigner un jardin, l’ancien français plessis, qui ne subsiste aujourd’hui que dans les toponymes. C’était jadis un enclos, fait de branches entrelacées, mortes ou vives, enfermant un jardin ou une basse-cour ; cette technique, le plessage, est très ancienne. César l’évoque dans La Guerre des Gaules et se montre très admiratif du caractère infranchissable des enclos ainsi obtenus ; dans Le Roman de Renard, ces plessis sont si hermétiquement clos que le malheureux goupil ne peut y dérober la moindre poule. Ce mot est issu du verbe latin plectere, « tresser ».

Dans cette grande famille des noms désignant des jardins clos, on trouve également le nom féminin ouche. Il désigne lui aussi un jardin fermé de haies, ou, comme l’écrit George Sand dans La Petite Fadette, un beau verger. Ce mot ne s’emploie plus guère que régionalement, mais il était si répandu autrefois qu’on le trouve écrit de plus de quinze manières différentes. Il se rencontre encore aujourd’hui dans des toponymes, en particulier des lieux-dits comme l’Ouche au bègue, l’Ouche-Villiers, et des patronymes, comme Delouche, Deloche ou Desouches. Curieusement, cette ouche n’est pas celle que l’on trouve dans le pays d’Ouche, région située à cheval sur les départements de l’Orne et de l’Eure et dont le nom est d’origine incertaine.

En français, les formes savantes liées au jardin sont, elles, tirées du latin hortus : horticole, horticulture, etc. Ce hortus est à l’origine, par l’intermédiaire de l’ancien français ortel, du nom hortillon, qui désigne à la fois, en Picardie, des maraîchers et des jardins gagnés sur les marécages de la Somme. Hortus est issu de la même forme que le germanique gart, que nous avons cité plus haut, et c’est de ce nom, hortus qu’est dérivé cohors (désignant d’abord une cour de ferme, un enclos puis une formation militaire serrée, une cohorte), qui est à l’origine du français cour. Ainsi, cour et jardin, diamétralement opposés sur une scène de théâtre se trouvent donc être, linguistiquement, des parents.

Regretter ses pas, perdre son huile

Le 3 octobre 2013

Expressions, Bonheurs & surprises

Pour dire que l’on regrette la peine que l’on s’est donnée, le français dispose de diverses expressions comme Regretter ses pas ou Plaindre ses pas. L’Antiquité ne manquait pas non plus d’expressions similaires. La plus en usage était sans doute oleum et operam perdere, « perdre son huile et sa peine ». Si cette expression se rencontrait si souvent, c’est parce que l’huile était un produit de grande valeur dans l’Antiquité et qu’on en faisait de nombreux usages.

Elle servait tout d’abord à oindre lutteurs et gladiateurs. Dans une de ses lettres, Cicéron écrit que Pompée avait perdu oleum et operam à organiser des combats de gladiateurs. Cette expression entre dans un proverbe cité par saint Jérôme : oleum perdit et impensas qui bovem mittit ad ceroma, « il perd son huile et son argent celui qui envoie un bœuf au gymnase où s’oignent les lutteurs », car bien évidemment les bœufs ne combattaient pas dans l’arène. On userait peut-être aujourd’hui de l’expression familière peigner la girafe…

Mais l’huile permettait également aux intellectuels de s’éclairer pour lire et écrire la nuit. Pour eux, perdre son huile c’était produire un ouvrage de peu d’intérêt. On disait aussi qu’un écrit sentait l’huile de lampe si on y percevait trop les efforts laborieux de l’auteur.

L’huile était enfin utilisée comme produit de beauté ; si, après s’être enduites d’huile parfumée, les prostituées ne parvenaient pas à séduire, elles aussi se lamentaient en disant qu’elles avaient perdu leur huile ; elles devaient aussi regretter leurs pas, même si dans l’Antiquité, le nom péripatéticien désignait essentiellement Aristote et ses disciples qui avaient l’habitude de philosopher en marchant.

Jeanne R. (Guérande)

Le 3 octobre 2013

Courrier des internautes

Doit-on dire de concert ou de conserve ?

Jeanne R. (Guérande, 5 juin)

L’académie répond

De conserve se dit, dans le vocabulaire de la marine, de deux ou plusieurs navires qui font route ensemble. Au sens figuré, il signifie « d’accord avec quelqu’un » : Agir de conserve. Il se rapproche alors de De concert, « d’un commun accord, en s’entendant pour une action commune ».

Laëtitia D. (Mulhouse)

Le 3 octobre 2013

Courrier des internautes

Après une discussion somme toute banale avec mon père, un doute nous a envahis ... Dit-on apprendre « sur le tas » ? « sur le tard » ? et pourquoi ?

Laëtitia D. (Mulhouse, 20 juin)

L’Académie répond

Ces deux locutions adverbiales sont correctes, mais elles n’ont pas le même sens.

Sur le tas signifie « de manière empirique par la pratique et sans formation théorique préalable ». Apprendre son métier sur le tas c’est l’apprendre en le pratiquant. Sur le tas signifie aussi « sur son lieu de travail ». On l’entend, par exemple dans grève sur le tas.

Sur le tard signifie « à un âge avancé ». On distingue Il a appris l’anglais sur le tas, « sans cours, mais au contact d’Anglais », et Il a appris l’anglais sur le tard, « quand il était déjà âgé »…

Sur le tard peut aussi signifier « en fin de journée », « à une heure tardive ».

À la base pour d’abord

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

À la base de est une locution prépositive signifiant « à l’origine de », conformément au sens du nom Base, qui désigne ce sur quoi repose une chose ou ce qui sert de point de départ. Cette locution s’emploie dans des phrases comme : À la base de toute réussite, il y a beaucoup de travail. Il convient de rappeler cette définition car il est actuellement une fâcheuse tendance qui consiste à faire d’à la base une locution adverbiale qui signifierait « d’abord, dans un premier temps, au commencement ».

 

On dit

On ne dit pas

Dans un premier temps, je pensais avoir raison

Il a d’abord étudié le piano

À la base, je pensais avoir raison
 

À la base, il a étudié le piano

 

Il est plus grand par rapport à moi

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

La locution prépositive Par rapport à introduit, dans une comparaison, l’élément pris comme étalon. Elle indique que le sujet que l’on examine possède une qualité à un degré plus élevé que ce qui sert de référence. Il est grand par rapport à moi signifie littéralement « Il est grand si on le compare à moi », c’est-à-dire « Il est plus grand que moi ». Aussi ne doit-on pas dire Il est plus grand par rapport à moi, qui mêle deux systèmes de comparaison syntaxiquement différents.

 

On dit

On ne dit pas

Il est petit par rapport à son frère

Elle est plus jeune que sa sœur

Il est plus petit par rapport à son frère

Elle est plus jeune par rapport à sa sœur

 

La dinde, il l’a fait cuire ; les oiseaux, il les a fait fuir

Le 29 août 2013

Emplois fautifs

Quand le participe passé du verbe faire, construit avec l’auxiliaire avoir, est suivi d’un infinitif, il reste toujours invariable : la présence d’un complément d’objet direct antéposé dans la phrase n’implique pas l’accord, car ce complément est celui de l’infinitif et non du participe passé fait. Ainsi dans la phrase La maison qu’il a fait bâtir, le pronom relatif qu’, qui reprend maison, est COD de bâtir. On peut aussi rencontrer des constructions sans COD dans lesquelles le pronom de rappel est sujet de l’infinitif et n’a donc pas d’influence sur l’accord : c’est le cas dans les fleurs qu’il a fait pousser, où le pronom qu’, qui reprend fleurs, est sujet de pousser.

 

On dit

On ne dit pas

La dinde, il l’a fait cuire

Les personnalités qu’il a fait venir

La dinde, il l’a faite cuire

Les personnalités qu’il a faites venir

 

Rappelons que les Rectifications de l’orthographe, parues au Journal officiel du 6 décembre 1990, invitent à traiter de la même manière le participe du verbe laisser devant un infinitif, l’accord de ce participe passé étant délicat et n’ayant jamais fait l’unanimité entre grammairiens. On pourra donc écrire Il nous a laissés partir comme Il nous a laissé partir.

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