Dire, ne pas dire

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Flore D. (France)

Le 11 mars 2019

Courrier des internautes

Est-ce un pléonasme de parler d’une « tartine de pain » ?

Le sujet fait débat.

Flore D. (France)

L’Académie répond :

Il est vrai que la tartine est une tranche de pain, mais il est vrai aussi qu’elle est généralement définie par l’aliment dont elle est couverte : beurre, confiture, chocolat, etc. ; donc tartine de pain peut souligner l’absence de cet aliment. Dans ce cas ce n’est pas un pléonasme vicieux. On trouve tartine de pain chez de bons auteurs comme Loti, Zola, Balzac, etc.

De plus il arrive que pain soit suivi d’un adjectif ou d’un complément qui en précise la nature : tartine de pain noir, de pain bis, de pain blanc, de pain de seigle, etc.

Justine D. (France)

Le 11 mars 2019

Courrier des internautes

Un doute persiste depuis un certain temps concernant la locution restrictive « ne... que ». J’entends régulièrement « Il ne fait que de se tromper ». Après diverses recherches, impossible d’obtenir une réponse définitive et sure.

Ne dit-on pas « Il ne fait que se tromper » ?

D’avance merci de m’éclairer sur ce point.

Justine D. (France)

L’Académie répond :

La forme ne …que de… est classique et Richelet la recommandait dans son Dictionnaire (1680).

Mais dans la langue d’aujourd’hui, il est plus naturel de dire il ne fait que se tromper.

Paul D. (France)

Le 11 mars 2019

Courrier des internautes

J’aimerais savoir quelle règle s’applique lorsque dans la phrase : « As-tu son innocente vidéo ? », nous utilisons le déterminant masculin « son » alors que le nom « vidéo » féminin ?

Je vous remercie par avance pour votre réponse.

Paul D. (France)

L’Académie répond :

Devant un nom commençant par une voyelle ou un h muet, les adjectifs possessifs ma, ta, sa deviennent mon, ton, son pour éviter l’hiatus.

Mon amie et non ma amie

Ton épée et non ta épée

Son oreille et non sa oreille.

Son habitude et non sa habitude

La guerre du propre contre le commun

Le 8 février 2019

Bloc-notes

Sauf le nôtre, nos dictionnaires usuels séparent les noms propres toponymes, patronymes des communs. Envahissement, les premiers s’emparent des seconds.

Selon une vénérable tradition française, nous n’achetons plus depuis longtemps du vin, mais du bordeaux, du graves, toponymes, mieux, du Smith Haut Lafitte, patronyme. De même, les marchés n’offrent pas du fromage, mais du livarot, saint-nectaire ou roquefort, toponymes. Cet usage ancien se retrouva, plus récemment, dans la vente des automobiles, qui ne présente plus des voitures, mais des Renault, Citroën ou Toyota. Dans ce domaine les noms propres ont supprimé les noms communs.

Dans des magasins géants, la grande distribution précipita le phénomène. En ces lieux, vous ne trouverez plus des mouchoirs, mais des Kleenex, de la sauce tomate, mais du Ketchup. Il peut même arriver que le nom du produit manque sur l’emballage, chose qui gêne parfois les courses, surtout lorsqu’on arrive pour la première fois en pays étranger dont on connaît les langues, non les concurrences commerciales. Les marques prennent toute la place de sorte que l’on ne sait plus ce que l’on achète. Ainsi des noms propres chassent-ils les noms communs.

Cette guerre devient une dérive massive des langues. Preuve : les copies de nos élèves, les romans contemporains regorgent de marques. Comment qualifier cette substitution ?

J’ai passé ma jeunesse dans des pensionnats. À la rentrée des classes, ma mère cousait sur mon linge mes initiales au fil rouge. Coutume qui permettait, passé la buanderie publique, de reconnaître chemises et chaussettes, mes propriétés. Ce linge est à moi parce qu’il est marqué. J’use de ce mot à dessein. Une marque désigne une propriété. Les mots sont-ils des marques sur les choses sans nom ?

Lorsque j’achète une voiture, nulle trace de mon nom ne figure sur la carrosserie ; au contraire Renault ou Toyota y est gravé en grandes lettres. Donc le véhicule est moins à moi, l’acheteur, qu’il ne reste au constructeur, qui profite même de cette aubaine car, gratuitement, j’afficherai partout sa publicité. D’une certaine manière, il me vole.

La marque, c’est le vol. Un vol dont l’acheteur est certes victime, mais il s’agit surtout, à mes yeux, d’un viol de la langue. À leur profit, les noms propres volent les noms communs, dont les termes parlent d’eux-mêmes : ceux-ci désignent le bien commun ; ceux-là se réfèrent à la propriété. Une marque pose donc la question du droit de propriété et la résout en s’appropriant une chose commune.

Autant il est facile de trouver l’origine du mot marque et sa fonction linguistique dans le droit de propriété, autant la date de son apparition historique sur le marché reste, à ma connaissance, inconnue.

Sauf que, feuilletant un vieux grimoire de l’époque hellénistique, je découvris que les putains d’Alexandrie sculptaient en négatif leur nom et leur adresse sous les semelles de leurs sandales et les imprimaient ainsi en marchant sur le sable de la plage. Marchant, elles marquaient.

Leurs clients les suivaient à la trace. La publicité, rien de plus rationnel, fut inventée par les filles publiques. Comment nommer le titulaire d’une marque ? Un fils, en droite ligne, de ces putains alexandrines.

Michel Serres
de l’Académie française

12 ou 13 kilos ou de 12 à 13 kilos mais 12 ou 13 personnes

Le 8 février 2019

Emplois fautifs

Pour exprimer une approximation on peut, quand on parle de choses qui peuvent être divisées, utiliser le tour de…à… ou la préposition ou. Ainsi on dira aussi bien ce chien pèse douze ou treize kilos que ce chien pèse de douze à treize kilos, puisque ces kilos peuvent être divisés en unités plus petites. Il n’en va pas de même quand on évoque ce qui est indivisible, en particulier des êtres vivants. On ne dira donc pas il y avait de douze à treize invités, mais uniquement il y avait douze ou treize invités. Cette remarque ne vaut bien sûr plus, même s’agissant d’êtres vivants, si les deux nombres donnés ne se suivent pas : Il y avait déjà de vingt à trente personnes quand il est arrivé.

Aux quatre coins du globe

Le 8 février 2019

Emplois fautifs

Un globe est une sphère et ce nom se trouve surtout dans l’expression « globe terrestre », employée pour désigner la Terre, expression que l’on réduit le plus souvent à « globe ». Nos représentations figurées de notre planète sont des globes mais plus encore des planisphères. Les uns sont en trois dimensions, les autres en deux. On s’efforcera donc de ne pas appliquer le vocabulaire utilisé pour la description des cartes à celle des globes et l’on essaiera de ne pas parler des « quatre coins du globe », une sphère n’ayant, par définition, pas de coin. L’expression aux quatre coins de la Terre est, quant à elle, scientifiquement tout aussi inexacte, mais elle a pour elle l’ancienneté et le fait qu’elle date d’un temps où l’on imaginait notre planète comme étant plate. On évitera aussi la forme aberrante : Aux quatre coins de l’hexagone.

Tu as vu ce qu’il a dit

Le 8 février 2019

Emplois fautifs

On s’accorde généralement pour faire de la vue le principal de nos sens, et le verbe voir est souvent considéré comme celui grâce auquel nous percevons le monde. Cela se traduit par le fait qu’il se rencontre dans de très nombreuses tournures où l’on pourrait logiquement attendre un autre verbe de perception. Littré rend compte de ce point dans son Dictionnaire ; il y écrit en effet, à l’article Voir : « Apprécier par quelqu’un des sens : Voyez si ce vin est bon. Voyons si cet instrument est d'accord. Il faut voir si cela n'est pas trop chaud. Voyez si c'est la même odeur. » Ces formes, qui ont la caution de l’illustre lexicographe, sont bien sûr parfaitement acceptables, mais il convient d’éviter celles où voir se substitue à un autre verbe plus précis et qui conviendrait mieux. On évitera donc de dire tu as vu ce qu’il a dit ou tu as vu comme la cave empestait le moisi, phrases auxquelles on préfèrera tu as entendu ce qu’il a dit ou tu as senti comme la cave empestait le moisi.

Data science

Le 8 février 2019

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Nous essayons dans cette rubrique de proposer des équivalents français corrects aux anglicismes qui s’introduisent dans notre langue. Ils sont nombreux et regrettables, mais le mal n’est pas trop grand quand il s’agit de problèmes de lexique. Les choses se compliquent et s’aggravent quand ce sont les structures mêmes de notre langue qui sont touchées. C’est le cas avec la locution data science, « science, étude des données », que l’on voit ici ou là. On signalera que l’anglicisme data est un emprunt d’un participe passé latin signifiant « données », et que ce nom français le remplacerait avantageusement. Mais il faut surtout rappeler que cette antéposition et cette juxtaposition du complément de nom, si elles sont correctes en latin ou en anglais, ne le sont pas dans notre langue, qui veut que le complément suive le nom dont il dépend et qu’il soit relié à ce dernier par une préposition.

Drink

Le 8 février 2019

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

S’il est parfois désespérant de voir le nombre des anglicismes qui, peu à peu, envahissent notre langue et les devantures des boutiques de nos quartiers, il est sans doute possible de se rassurer en se disant que ces formes n’ont peut-être qu’une courte espérance de vie. Il est quelques exemples qui le montrent, comme le nom drink. Ce dernier, apparu à la fin du xixe siècle, d’abord dans un contexte anglais, s’est répandu entre les deux guerres, le plus souvent porté par une forme d’anglomanie un peu snob ou, pour reprendre le mot de François, le facteur incarné par Jacques Tati dans Jour de fête, « pour faire américain ». Mais il est aujourd’hui désuet ou, pour user d’un terme plus familier, ringard. Que cette constatation ne nous amène pas à cesser de lutter contre ces anglicismes, en attendant que le temps, peu à peu, les efface, mais que, au contraire, elle nous pousse à les combattre plus hardiment, en sachant qu’en matière de langue, comme ailleurs, le pire n’est jamais sûr.

On dit

On ne dit plus

Prendre un verre

La boisson à la mode

Prendre un drink

Le drink à la mode

Marion K. (Canada)

Le 8 février 2019

Courrier des internautes

Pourriez-vous expliquer la différence entre « plus de » et « plus que » ? Je pensais toujours que « plus de » est utilisé pour exprimer la quantité, sans avoir la connotation d’un comparatif, par exemple : j’ai bu plus de 2 litres d’eau.

Cependant, j’ai vu utiliser souvent « plus que » dans un contexte pareil.

Marion K. (Canada)

L’Académie répond :

Le tour plus de suivi d’un adjectif numéral ou d’un nom à valeur d’adjectif numéral : Nous n’étions pas plus de dix, pas plus d’une dizaine, est le plus fréquent, mais, en ce sens, on a aussi parfois plus que : Ils étaient bien plus que cent.

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