Dire, ne pas dire

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Le livre de Antoine

Le 4 mai 2016

Emplois fautifs

Dans certaines prépositions et conjonctions de subordination, certains pronoms et certains articles, la voyelle finale s’élide quand le mot qui suit commence par une voyelle ou un h muet : un livre d’histoire, je sais qu’il viendra, il l’aime, l’orange. Ce phénomène est indépendant de la nature du mot qui suit : il convient de faire l’élision même quand ce mot est un nom propre. On dira ainsi le livre d’Antoine et non le livre de Antoine. Les quelques cas où l’usage hésite sont ceux où ledit nom propre – mais le problème est le même avec un nom commun – commence par un h dont on ne sait s’il est muet ou aspiré ; ainsi il arrive que le h initial d’un même nom soit muet en français et aspiré dans une langue étrangère. Si l’on doit dire Le cheval blanc d’Henri IV, on peut dire Les six femmes d’Henri VIII ou de Henri VIII. Et on trouve aussi, chez les meilleurs écrivains, de Hanoï et d’Hanoï, de Hitler et d’Hitler.

 

on dit

on ne dit pas

Les prouesses d’Hector

Le médecin qu’Albert a consulté

Un film d’Arnaud Desplechin

Les prouesses de Hector

Le médecin que Albert a consulté

Un film de Arnaud Desplechin

 

C’est le livre que je te parle

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le pronom relatif que a le plus souvent la fonction de complément d’objet direct : Les livres que vous m’avez offerts m’ont beaucoup plu. Mais il tend aujourd’hui, et c’est une grave faute, à se substituer au pronom relatif complément du nom ou complément indirect dont. Cette erreur est sans doute liée au fait que la conjonction de subordination homonyme que est extrêmement fréquente en français. Il convient donc de rappeler que le pronom relatif que ne doit être employé que dans les cas voulus par la grammaire.

on dit

on ne dit pas

C’est le livre dont je t’ai parlé

C’est ce dont il a envie

Ce dont les Français ont besoin

C’est le livre que je t’ai parlé

C’est ce qu’il a envie

Ce que les Français ont besoin

 

Les questionnaires doivent être répondus

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le verbe répondre connaît quelques emplois transitifs directs. Le plus souvent c’est le texte de la réponse qui est le complément d’objet : Il a répondu : « Je ne veux pas ». Cette réponse peut être au style indirect et introduite par que : Il a répondu qu’il ne voulait pas. Il existe également quelques domaines spécialisés où le complément d’objet direct peut être un nom : on disait ainsi dans la langue de la justice répondre une requête et l’on dit encore, dans le langage religieux, répondre la messe. En dehors de ces cas, le complément de répondre est construit indirectement : on répond à une question, à un interrogatoire. On évitera donc absolument la forme passive : les questionnaires doivent être répondus, (et les formulaires doivent être renseignés) qui malheureusement commence à s’entendre et à se lire, et que l’on remplacera par on doit répondre aux questions ou les questionnaires doivent être remplis.

Perd-t-il ? Vend-t-il ?

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Dans les mots terminés par un d et qui se lient aux mots qui suivent, c’est-à-dire quand ceux-ci commencent par une voyelle ou un h muet, ce d se prononce « t ». On dit ainsi quan-t-il viendra ; un gran-t-homme ; c’est aussi le cas pour fond dans l’expression de fon-t-en comble. Ces mots étaient plus nombreux à l’époque de Littré qui, dans son Dictionnaire, écrit à l’article Brigand : « Le d ne se lie pas dans le parler ordinaire ; dans le parler soutenu on dit un brigan-t-armé ». On trouve les mêmes remarques aux articles Fécond (un fékon-t-écrivain) et Profond (un profon-t-archéologue). Si ces formes ne s’entendent plus guère, la prononciation en « t » de d final se maintient quand on a un verbe à la forme interrogative : Que vend-elle ? Que perd-il ? On rappellera donc que, puisque le d se prononce « t », il est interdit d’en rajouter un, comme on le voit hélas trop souvent sur les bandeaux déroulants de telle ou telle chaîne télévisée.

on écrit

on n’écrit pas

Que prend-elle ?

Qui attend-on ?

Que prend-t-elle ?

Qui attend-t-on ?

 

Une promenade en chiens de traîneau

Le 7 avril 2016

Emplois fautifs

Le développement des activités sportives et de loisir liées à la montagne ne doit pas se faire au détriment de la langue française ; or on trouve malheureusement de plus en plus d’annonces invitant à des promenades en chiens de traîneau. Il s’agit d’un raccourci hasardeux pour « des promenades en traîneau à chiens (de traîneau) », ces chiens de traîneau étant des chiens d’origine nordique, appartenant à plusieurs races et servant d’animaux de trait sur la neige et sur la glace. On évitera donc cette expression qui pourrait amener à croire que ceux qui font ces promenades les feraient juchés sur ces pauvres bêtes : on la remplacera par promenade en traîneau à chiens, expression qui suppose bien sûr que les chiens en question sont des chiens de traîneau.

Car en effet

Le 3 mars 2016

Emplois fautifs

Car et en effet, conjonction et locution de coordination, servent l’une et l’autre à introduire une proposition expliquant la proposition précédente : Il n’est pas venu car il pleuvait. Ses succès sont mérités : en effet il travaille beaucoup. Ces deux outils coordonnants ayant le même sens, il convient de ne pas les juxtaposer, mais de choisir l’un ou l’autre. Cette remarque ne vaut bien sûr plus si en effet est employé comme locution adverbiale avec son sens premier de « dans la réalité, dans les faits » : Je connais bien le problème car, en effet, j’y ai été confrontée.

on dit

on ne dit pas

Il est resté chez lui car il était malade

Il est resté chez lui car en effet il était malade

Nous devons vous remercier, en effet vous nous avez beaucoup aidés

Nous devons vous remercier car en effet vous nous avez beaucoup aidés

 

Infractus

Le 3 mars 2016

Emplois fautifs

La substitution d’infractus à infarctus est une maladie de la langue fort répandue mais dont, heureusement, on peut facilement venir à bout. Elle a plusieurs causes qui, réunies, produisent le mal. Elle est provoquée d’abord par la rareté du groupe -rct- en français, que l’on ne trouve guère que dans arctique et antarctique. Elle est également due à un effet d’analogie sonore qui pousse à rapprocher l’infarctus de l’infraction ou bien de la fracture, terme en usage dans la langue médicale. Tout cela amène à un déboîtement du r, qui abandonne sa place naturelle avant le c et vient se placer directement après le f. Pour guérir l’infractus, on fera repasser ce r après le a pour retrouver un bel infarctus, particulièrement sain d’un point de vue orthographique et étymologique, puisqu’on pourra le rapprocher du latin farcire, « farcir, remplir », le cœur se remplissant de sang lors de cet accident.

on dit

on ne dit pas

Un infarctus du myocarde

Être victime d’un infarctus

Un infractus du myocarde

Être victime d’un infractus

 

Positiver

Le 3 mars 2016

Emplois fautifs

Dans son Cours de philosophie positive, Auguste Comte écrit : Quelques efforts […] où l’on se proposait vainement de positiver la science sociale. Il entendait par ce dernier verbe, construit transitivement, « fonder sur des connaissances positives ». Plût au ciel que cet hapax restât un hapax. Hélas il n’en est rien et depuis quelques années prolifère un positiver intransitif, en lieu et place de tournures comme « être optimiste, voir le bon côté des choses, faire preuve de confiance », toutes formes que l’on préfèrera à ce verbe de mauvais aloi.

on dit

on ne dit pas

Il faut prendre les choses du bon côté

Essayez d’être optimiste

Il faut positiver

Essayez de positiver

 

Transpariser

Le 3 mars 2016

Emplois fautifs

Notre langue connaît quelques verbes en -ariser. Ils sont tous dérivés d’adjectifs en -aire (populariser, militariser) ou en -ier (particulariser, régulariser), à l’exception de pindariser, qui doit son existence au poète grec Pindare, particulièrement en vogue à la Renaissance. Mais à cette liste s’est ajouté il y a peu un étrange transpariser dont on a tiré, un bonheur ne venant jamais seul, un non moins étrange transparisation. Si l’idée qui se cache derrière ces mots est tout à fait respectable, gageons qu’elle aurait pu trouver à s’exprimer sans qu’il soit besoin de recourir à ce type de jargon.

on dit

on ne dit pas

Travailler à donner plus de transparence aux opérations financières

Il faut rendre plus transparentes les sources de revenus des partis politiques

Travailler à la transparisation des opérations financières

Il faut transpariser les sources de revenus des partis politiques

 

Il ne se départissait jamais de son calme

Le 5 février 2016

Emplois fautifs

Il existait, en ancien français, deux verbes partir. Le plus récent, qui a le sens de « s’en aller », est du troisième groupe et fait au présent je pars, nous partons. Le plus ancien, qui signifiait « faire des parts, diviser », ne se rencontre plus guère qu’à l’infinitif dans l’expression Avoir maille à partir, et dans le participe parti, « partagé », que l’on trouve par exemple en héraldique dans l’expression Écu parti, qui désigne un écu divisé en deux parties égales. En ce sens, partir est un verbe du deuxième groupe et on lit encore chez Pascal : «  Les soldats partissent son manteau et le jettent au sort. » Le verbe se départir est plus proche de l’idée de séparation que de celle de partage. Il se conjugue donc comme partir et non comme répartir.

on dit

on ne dit pas

Elle ne se départ pas d’une certaine réserve

Elle ne se départit pas d’une certaine réserve

Il ne se départait jamais de son calme

Il ne se départissait jamais de son calme

 

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